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Bilan 21/22: Les promesses déçues des grands noms

Le 03.06.2022 par MartinT

À l’été 2021, l’Olympique Lyonnais amorce une (première) période de remise en question. Quatrièmes d’une Ligue 1 dont le podium leur tendait les bras au vu de l'ultime match nul monégasque à Lens, les vaillants Lyonnais trouvent le moyen de perdre l’affrontement qui les oppose à Nice lors de la 38ème et dernière journée, au Groupama Stadium. La finalité d’une qualification en Ligue des Champions est ratée et n’est, cette fois-ci, pas compensée par l’un de ces miracles dont l’Olympique Lyonnais a eu pendant quelques années le secret et qui, au travers de réajustements à la volée des objectifs fixés en amont, lui permettaient de se voiler quelque peu la face sur son niveau réel. À l’heure des bilans se pose donc la question : quelles ambitions pour l’avenir ? Quel recrutement pour affirmer le statut de l'Olympique Lyonnais et rivaliser enfin avec l'ogre parisien ?

Le premier élément-clé du « nouvel » Olympique Lyonnais arrive dans la capitale des Gaules quelques jours à peine après la débâcle niçoise et s’appelle Peter Bosz. L’on apprendra dans les mois qui suivent les péripéties entourant sa venue, mais au moment où celle-ci survient, les supporters lyonnais sont majoritairement satisfaits. Le technicien néerlandais a une solide réputation d’esthète et même si ses précédentes expériences se sont in fine soldées par des bilans mi-figue, mi-raisin, ses préceptes et ses convictions semblent séduisants après des années de football « pragmatique ». Son intégrité et son honnêteté sont quant à elles grandement appréciées, les deux s’étant faites rares depuis quelque temps sur le banc du club.

L’effectif, lui, connaît des départs que personne ne pleure réellement, vague dominée par des éléments jugés de manière assez unanime comme n’ayant pas été à la hauteur des attentes suscitées (Andersen, Jean Lucas) ou arrivés au bout de leur cycle au club (Cornet), en sus des prêts de joueurs non désirés (Koné) ou envoyés s’aguerrir ailleurs (F. Da Silva, Özkaçar). Mattia De Sciglio retourne, lui, discrètement à la Juve, laissant la place de latéral droit entre les mains glacées de Léo Dubois. Le seul coup véritablement difficile à encaisser est le départ de Memphis Depay, pierre angulaire et (unique ?) garant de l’exigence sportive depuis plusieurs saisons au sein de l’effectif professionnel masculin, pour ce FC Barcelone qu’il désirait tant. Mais ce coup, l’Olympique Lyonnais le voyait venir, Memphis n’ayant pas caché ses velléités. Le club a donc eu tout loisir de préparer le lendemain de ce départ comme il se doit. Ou plutôt aurait dû l’avoir.

Le recrutement patine pendant de longues semaines, suscitant l’inquiétude des supporters sur les ambitions de leur OL. Bosz indique rapidement quels postes sont à ses yeux importants et nécessitent d’être renforcés, au premier rang desquels la pointe de l’attaque. Moussa Dembélé, rarement en vue durant son prêt à l’Atlético Madrid, n’a pas forcément les faveurs du technicien batave mais finira par se voir confier la mission de leader d’attaque, par défaut plus que par choix. Le départ de Melvin Bard, enfant du club, parti rejoindre l’OGC Nice d’Amine Gouiri le dernier jour de juillet pour une bouchée de pain, est une pilule amère – le côté gauche de la défense lui semblait promis après le départ de Maxwel Cornet pour Burnley. Mais après des semaines de tergiversations et de déceptions, les autres points faibles identifiés par Bosz et vacants depuis les départs estivaux feront l’objet d’arrivées tardives mais assez (voire très) séduisantes sur le papier. Nous avons choisi de dégager trois fers de lance parmi ces recrues estivales, trois joueurs dont l’aura, l’historique et l’expérience ont logiquement enflammé les espoirs des supporters de l’Olympique Lyonnais.

La théorie…

Premier élément de renom ayant donné son aval, Emerson Palmieri Dos Santos est prêté le 18 août par Chelsea. Fraîchement couronné double Champion d’Europe avec son club ET son pays d’adoption et malgré un statut précaire au sein du club londonien, son arrivée a tout d’une bonne idée. Un vrai latéral gauche de métier, titré, reconnu ? Quel changement à ce poste ! Emerson n’est certes pas un top player et personne ne tente de faire croire le contraire, mais il a supposément largement le niveau pour permettre aux supporters lyonnais de ne plus compter les bourrasques balayant jusque là régulièrement le côté gauche de la défense des Gones. Bemvindo/benvenuto, senhor/signor Palmieri !

Quelques jours après l’arrivée du Brésilien de la Squadra Azzura, un autre nom bien connu des suiveurs du football européen pose ses bagages du côté de Décines. Le Suisse Xherdan Shaqiri, dynamiteur de défenses sous les maillots rouges de la Nati (surtout) et de Liverpool (un peu moins), est recruté, définitivement, contre une somme d’environ 6m€. Le montant est modeste, le nom beaucoup moins, l’arrivée de Shaqiri est entourée de quelques points d’interrogation mais le risque étant modéré, elle s’accompagne d’un certain espoir. Il a tutoyé le très haut niveau pendant des années et a fait preuve de qualités certaines, la Ligue 1 et l’Europa League sous nos couleurs ne devraient donc pas être des paliers trop élevés pour le petit mais trapu milieu helvète. L’aile droite lui sera promise, le club manquant cruellement de joueurs capables d’éliminer et déborder le long de la ligne de touche.

Enfin, au dernier jour du mercato, c’est un véritable tremblement de terre qui vient couronner ce qui semble être désormais une période de transferts réussie pour le club Lyonnais : la superstar allemande Jerome Boateng, libre de tout contrat depuis la fin de son bail avec le grand Bayern Munich, arrive à Bron après quelques heures d’intenses rumeurs et, après avoir été accueilli comme il se doit par l’ambassadeur du Café du Commerce (voir ci-dessous), confirme que les entretiens passés avec Juninho et Bosz l’ont convaincu de donner son accord au club. La hype est incroyable, il s’agit là d’un joueur censément inatteignable pour un club du standing de l’Olympique Lyonnais, sortant d’une décennie pleine dans l’un des plus grands clubs du monde, vainqueur à neuf reprises de la Bundesliga, à deux reprises de la Champions League, Champion du Monde avec la Mannschaft…Lyon vient d’ajouter à son effectif un très grand nom du football européen et mondial.

L’impression globale laissée par ces trois transferts est séduisante. Trois joueurs de renom, dont le niveau actuel est accompagné de questionnements plus ou moins justifiés mais dont les pédigrées devraient leur permettre de s’accoutumer sans peine à la L1 et d’amener moult opportunités de célébrer aux supporters lyonnais. Trois hommes de grande voire d’immense expérience, dont l’OL va très certainement pouvoir bénéficier. Trois individualités rompues aux exigences du très haut niveau et qui transmettront à n’en nul douter leur soif d’excellence et de trophées au reste de l’effectif et à l’intégralité de l’organisation. Bref, un très bon mercato et, pour les adeptes des calculatrices et des plans comptables – à moindre coût !

… et la pratique

Cet article n’ayant pas vocation à balayer les évènements qui ont émaillé la saison de l’Olympique Lyonnais – ceux-ci étant traités dans les autres textes de la série-bilan que vous propose actuellement le Café du Commerce -, faisons ici un bond temporel et contemplons les résultats de cette campagne de recrutement avec le recul d’une saison, si vous le voulez bien.

Après avoir livré pas mal de performances faméliques, Xherdan Shaqiri a rapidement été relégué sur le banc lyonnais. Des entrées par-ci, par-là, un éclat ou deux, le décalage entre ses qualités, son positionnement théorique et celui, réel, que lui confie Bosz au sein du onze lyonnais suscitent bien plus d’interrogations que son arrivée quelques mois auparavant. Jamais dans le bon tempo, incapable du coup de reins nécessaire pour éliminer ses adversaires, il habitue bien trop vite ceux-ci à son geste fétiche : le crochet du droit et retour sur son pied gauche. Le constat est malheureusement amer et unanime, Shaqiri est une manifeste erreur de casting – également parce qu’il n’a pas été recruté en pleine connaissance de ses qualités, de ses défauts et de son style de jeu. À froid, l’ami Xherdan ressemble fort à un pari qu’on relève simplement parce qu’il pointe le bout de son nez, bien plus en tout cas qu’à un profil soigneusement étudié et voulu. Son niveau technique et sa forme physique n’ayant certes pas aidé, c’est après avoir livré un très joli cadeau d’adieu aux Lyonnais en signant une entrée de haute volée lors de la redite de l’Olympico du 2 février dernier, entrée agrémentée d’un but et d’une passe décisive pour le chef d’œuvre de Dembélé, qu’il fait ses bagages quelques jours plus tard pour aller revêtir un nouveau maillot rouge : celui du Chicago Fire, en Major League Soccer. Il profitera d’une conférence de presse américaine quelques semaines plus tard pour régler ses comptes avec l’Olympique Lyonnais, en constatant entre autres l’absence d’unité et d’âme au sein du vestiaire lors de son court séjour au club. Intervention gratuite mais loin de nous l’envie de lui jeter la pierre.

La saison lyonnaise d’Emerson Palmieri est plus nuancée. Après des performances plus que solides lors de ses débuts, certes à mettre en perspective, tant ceux qui l’ont précédé à ce poste ont laissé une impression…mitigée, il s’éteint doucement mais sûrement au fil des semaines. Sa saison ressemble finalement à un encéphalogramme plat : pas de véritable erreur manifeste, pas d’incroyables moments d’absence mais pas non plus de réel coup d’éclat, des statistiques offensives inexistantes (un but, deux assists) et un talent censément très intéressant sur coups de pied arrêtés (dixit Bosz) mais jamais empiriquement confirmé. L’Italo-Brésilien a fait régner l’incertitude sur un éventuel avenir lyonnais pendant de longs mois avant de finalement repartir à Chelsea. Aucun reproche ne peut véritablement lui être fait, il n’a jamais triché sous le maillot lyonnais, il s’agit simplement d’un bon joueur sans réel domaine d’excellence – son prêt n’a pas été un échec mais ne peut pas non plus être considéré comme une réussite. L’OL peut et doit avoir mieux.

Enfin, attardons-nous sur LE nom le plus flamboyant de cette courte liste. Après quelques semaines de mise à niveau physique, Boateng fait des débuts solides à défaut d’être extraordinaires. Quelques anticipations de classe, quelques signes que la science du placement ne lui est pas étrangère, un ou deux duels perdus parce que (bien trop) lent, mais on ne saurait exiger de lui qu’il soit un foudre de vivacité – cela n’a jamais fait partie de ses principales qualités.

Après un premier accroc à la saveur aigre quelques jours à peine suivant son arrivée (le bougre aurait caché à l’institution lyonnaise le procès qui l’oppose en Allemagne à son ex-compagne, qui a porté plainte pour coups et blessures), le statut de Boateng au sein du vestiaire lyonnais s’est effrité au fur et à mesure de la dégringolade sportive du club durant la saison. Une prise de bec en plein match avec son capitaine, Léo Dubois, auquel il reproche des erreurs de placement, d’autres altercations hors match avec ses coéquipiers voire son entraîneur, une mise à l’écart par Peter Bosz, un retour, d’abord en tant que remplaçant, puis, absences pour blessures aidant, une réintégration dans le onze de départ, sa saison a été aussi tumultueuse que celle du club tout entier.

Deux versions s’affrontent au sujet des coups de sang de Boateng. Une partie des supporters voit là une tentative de détourner l’attention de son niveau, loin de celui espéré, ainsi que des marques répétées de frustration d’un joueur qui avait joué une trentaine de matches en tant que titulaire au sein du Bayern la saison précédente mais qui semble pourtant en net déclin. D’autres interprètent le comportement de Boateng comme la réaction légitime d’un champion expérimenté au regard du manque de cohésion et d’exigence du vestiaire lyonnais. La vérité se situe très probablement quelque part à mi-chemin entre les deux théories. Boateng n’a pas réellement répondu aux attentes (énormes) qu’a suscité son arrivée, il a noté quelques spectaculaires bourdes – mais les révélations sur le fonctionnement de l’organisation lyonnaise et sur la vie de l’effectif qui ont pimenté la fin de la saison lyonnaise donnent toutefois également un certain crédit à la seconde version.

Boateng est désormais voué à quitter l’OL et chercher une nouvelle expérience ailleurs. Son éventuel départ sera accompagné de regrets, non pas liés à ses performances sur le terrain mais plutôt aux espoirs que sa signature avait générés et jamais réellement assouvis. Cela vaut d’ailleurs également pour ses deux acolytes précédemment cités, dont la réputation flatteuse ne s’est jamais vraiment traduite en performances sur le pré vert et qui, moins d’un an plus tard, ne sont déjà plus là. Le prometteur recrutement s’est assurément révélé être un échec, mettant une nouvelle fois en exergue les criants manques du club en matière de scouting. Ces manques vont-ils enfin être comblés afin d’éviter de nouvelles déconvenues de ce genre à l’avenir ? Ou au contraire, sommes-nous condamnés à voir à chaque intersaison des départs de joueurs que nous ne pleurons pas parce qu’ils n’ont pas répondu aux attentes, faute d'un recrutement pensé et cohérent ? C’est loin d’être là la plus grande incertitude parmi toutes celles qui pèsent sur l’avenir immédiat de notre Club. 

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par MartinT, membre du Café du Commerce OL.