Emmenez-moi, de Charles Aznavour au Parc OL
Le 01.10.2018 par NSOL311er octobre 2018. La France est sous le choc en apprenant le décès de Charles Aznavour. Pour les lyonnais, c'est plus qu'un chanteur qui s'en va : c'est aussi celui qui a le premier interprété "Emmenez-moi". Retour sur ce lien entre les tribunes lyonnaises et le crucifié du traversin.
La révélation
Charles Aznavour connaît un début de carrière musicale cahotique. Jusqu'à ses trente ans, les scènes ne l'acclament pas, et il est plus proche de se reconvertir que de devenir mondialement connu. Le tournant arrive au milieu des années cinquante, quand Charles commence à vendre les quarante-cinq tours par dizaines. Mais il faut vraiment attendre 1960 pour que l'artiste d'origine arménienne devienne une référence dans la chanson française. Durant cette décennie, Aznavour enchaîne les chansons qui marqueront l'histoire. D'abord avec "Hier Encore" (1964), puis avec "La Bohème" (1965). Et en 1967, Aznavour sort une chanson qui, il ne le sait pas encore, marquera le paysage footballistique français.
Son album "Entre deux rêves" contient cette chanson, "Emmenez-moi", qui raconte sur un air nostalgique les envies d'ailleurs d'un jeune homme. Les paroles sont parlantes, rameutent des souvenirs pour tous les immigrés qui ont connu ces départs au petit matin sur les docks déserts d'Irlande, d'Angleterre, d'Afrique du Nord ou d'Italie. Le succès est immédiat. Le single de la chanson se classe à la douzième place du Top Album de l'IFOP, et une version anglaise est même enregistrée par Charles Aznavour quinze ans plus tard.
Toute la France est sous le charme de la chanson de Charles Aznavour. Et plus de quarante ans après sa sortie, on ne compte pas les hommages à la chanson. L'un des plus connus consiste en un film, "Emmenez-moi", qui reprend dans sa bande originale le morceau du franco-arménien.
3'31"
Les trois minutes et trente-et-une secondes de la chanson résonnent aussi dans les juke-box de bars, les piliers de bar chantonnent la chanson. Et forcément, succès aidant, les détournements fusent. Mais un détournement, parmi tous les autres, fait florès. L'auteur ? Inconnu. Le lieu ? Inconnu. La date ? Inconnue. Mais les paroles, elles, sont bien connues des supporters lyonnais. En reprenant la mélodie en La mineur de Georges Garvarentz, quelques joyeux lurons lyonnais trouvent de quoi faire une chanson rigolote, vaguement insultante, mais surtout très facile à reprendre.
Car le rythme en 6/8 autorise un tempo relativement lent, et permet de bien mémoriser les paroles. Rien de mieux pour un chant de tribunes. Les supporters stéphanois, dès lors, entendent à la quarante-deuxième minute de chaque match (*) cette attaque directe de la part de leurs voisins lyonnais. Et en même temps, les paroles sont bien trouvées. Quel meilleur parallèle tirer que celui entre quelqu'un quittant sa grisaille du nord pour un grand large qu'il espère fabuleux et l'ivrogne dans sa banlieue industrielle qui rêve d'une époque révolue.
Le refrain est facile à chanter, la ritournelle est moqueuse et le succès est présent. Beaucoup de jeunes lyonnais connaissent ce chant des tribunes avant de connaître l'original d'Aznavour. Et beaucoup de supporters, pas forcément lyonnais, aiment reprendre en cœur ce chant lorsqu'ils reçoivent des stéphanois chez eux. On a par exemple vu la Brigade Loire, à Nantes, utiliser ce chant à des fins d'animation. Alors le décès de Charles Aznavour, à quatre-vingt-quatorze ans, touche d'une manière un peu détournée les supporters lyonnais, qui perdent non seulement là un chanteur de talent mais aussi l'auteur d'un des chants historiques des tribunes lyonnaises.
(*) En réalité, à la quarante-troisième, puisque le chant commence à résonner dans le stade à 42:00, soit le début de la quarante-troisième minute. Mais c'est un détail souvent ignoré, y compris d'ailleurs par les commentateurs.