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Eugène Kabongo, l'arme létale

Le 01.02.2019 par NSOL31

Eugène Kabongo était le buteur de l'Olympique Lyonnais de la fin des années 1980. Retour sur sa carrière.

Dans l'histoire de l'Olympique Lyonnais, seuls trois joueurs africains sont parvenus à terminer meilleur buteur de l'effectif sur une saison. Le premier était Eugène N'Jo Léa, qui avait quitté Saint-Étienne pour Lyon en 1959, parce qu'il n'y avait pas d'université là-bas. En 1991-92, avec sept réalisations, le marocain Aziz Bouderbala avait été le meilleur buteur de l'effectif. Eugène Kabongo, lui, est parvenu à deux reprises à acquérir ce statut. Retour sur la carrière d'un des attaquants les plus racés de l'OL des années 1980-90.

L'enfant de Léopoldville

Eugène Kabongo voit le jour le 3 novembre 1960 à Léopoldville. Léopoldville, c'est le nom jusqu'en 1966 de Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. À l'époque, la ville n'est pas encore la plus grande agglomération francophone du monde devant Paris. Mais le football y est déjà très populaire. Le jeune Eugène fait ses premiers pas dans les rues de la ville, et taquine la balle entre les heures où il aide ses parents. En 1971, le Congo-Léopoldville devient Zaïre, et Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko lance la grande politique de zaïrisation des noms. Toutes les villes changent de nom, et Eugène Kabongo doit aussi changer de nom de famille. En effet, le postnom est imposé, et remplace dans les usages administratifs les prénoms occidentaux.

Eugène Kabongo devient donc Eugène Kabongo Ngoy, mais cela ne change pas grand-chose à sa jeunesse. Ce qui va changer quelque chose, c'est quand il prend sa première licence avec un des clubs de la capitale, le DP Mokanda. Aujourd'hui disparu, le DP Mokanda est un des clubs qui comptent dans le football zaïrois, et dans les diverses coupes, plus ou moins officielles, il fait bonne figure. Sa carrière de footballeur amateur va s'accélérer quand il rejoint, un ou deux ans plus tard, le FC Onatra, du nom de l'office national des transports de la République Démocratique du Congo. Eugène Kabongo en profite vraisemblablement pour prendre un poste dans la société. Ceci étant, il n'y reste pas longtemps, et rejoint assez vite le FC Kalamu, qui évolue en première division zaïroise. Aujourd'hui retombé en bas de la hiérarchie, le FC Kalamu est un des principaux clubs de la capitale, et sera même quart-de-finaliste de la Coupe d'Afrique des Vainqueurs de Coupe en 1986 sous les ordres de Louis Watunda.

Mais Eugène Kabongo ne connaîtra pas Louis Watunda. Car au détour des années 1980, il rejoint l'un des plus gros clubs zaïrois, l'AC Matongé. Sous le maillot du club de Kinshasa, il va se faire connaître comme l'un des tous meilleurs buteurs du pays. En deux saisons, il remporte deux fois le titre de meilleur buteur du championnat et remporte en plus un championnat. En sus, il mène une vie d'étudiant à l'Institut Pédagogique National, où il apprend... l'éducation physique.

La révélation

Et, logiquement, ses performances ne passent pas inaperçues. Au contraire, elles sont remarquées. Le RFC Seraing, à Liège, lui propose un contrat professionnel en 1983. Immédiatement, Eugène Kabongo demande à son président l'autorisation de partir vers l'Europe. Celui-ci accepte, et lui offre même le billet d'avion. Il a là la possibilité de faire de sa passion son mode de vie. Peu de temps après avoir paraphé son contrat, il fait sa première apparition dans le championnat belge. Il ne marque pas, mais conserve sa place dans le groupe. Il fera encore trois apparitions cette saison-là, et marquera son premier but. Convaincu par son potentiel, l'entraîneur du club liégeois décide d'en faire son titulaire pour la saison suivante. Ce choix est payant. Eugène Kabongo dispute vingt-trois matchs avec le RFC Seraing et marque un joli total de dix-neuf buts.

La France n'est pas indifférente à cela, et le RC Paris remporte l'enchère en 1985. Eugène Kabongo découvre un nouveau championnat, et n'a pas besoin de temps d'adaptation : trente matchs de deuxième division, vingt-neuf buts, et une promotion pour la Ligue 1. Tout ça pour sa première saison, pas mal du tout. Le RSC Anderlecht, le géant belge, voit cela d'un très bon regard. Et lui propose un contrat. Malheureusement pour Eugène Kabongo, l'expérience ne sera pas vraiment concluante. Peu inspiré lors de ses premiers matchs, il laisse sa place dans le onze au jeune Luc Nilis ou bien au duo composé par Arnór Guðjohnsen et Edi Krnčević. Le RSC Anderlecht est bien champion, mais celui qui est international zaïrois depuis déjà près de trois saisons ne dispute que neuf matchs et ne marque qu'un petit but. Pas suffisant, ni pour le club, ni pour le joueur. D'un commun accord, ils décident de se séparer.

La consécration

Libre de tout contrat, Eugène Kabongo ne met pas beaucoup de temps à retrouver un club. Car en France, on n'a pas oublié ses performances exceptionnelles en deuxième division sous le maillot du Racing Club de Paris. L'Olympique Lyonnais, qui vient d'être repris par un certain Jean-Michel Aulas et végète alors en deuxième division, est le plus vif. À l'été 1987, Eugène Kabongo fait donc pour la deuxième fois de sa carrière le trajet Belgique - France, et signe dans le club rhodanien. Et du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, il ne va pas mettre longtemps à s'imposer. Dès ses premiers matchs, il fait preuve de maîtrise dans son jeu. Robert Nouzaret, Denis Papas et Macel Leborgne le titularisent tous trois sans hésiter. L'OL termine deuxième attaque de D2 et Eugène Kabongo marque à quatorze reprises (deuxième meilleur buteur du club derrière un certain Jean-Pierre Orts). Pas suffisant, néanmoins, pour accéder à la première division, la faute à un match de barrage perdu contre le Stade Malherbe de Caen.

Sur le plan individuel, Kabongo connaît quand même une petite consécration, en étant élu meilleur joueur de deuxième division de la saison. À l'intersaison, de nombreux départs viennent affaiblir l'effectif, mais le coach Raymond Domenech injecte du sang neuf : Rémi Garde, Stéphane Roche, Bruno N'Gotty, entre autres. Désormais leader offensif de l'équipe, il profite des caviars de Claudio Garcia et Ali Bouafia pour terminer meilleur buteur de l'effectif, avec trente-deux buts en trente-cinq apparitions toutes compétitions confondues. Lyon parvient à arracher la promotion, et Eugène Kabongo le deuxième titre de champion de D2 de sa carrière, après celui obtenu avec le RC Paris trois ans plus tôt. En outre, Kabongo parvient la même année à qualifier le Zaïre, dont il est souvent le capitaine, pour la Coupe d'Afrique des Nations.

Eugène Kabongo découvre la première division à vingt-neuf ans, et n'a pas de grosses difficultés d'adaptation. Douze buts en vingt-six matchs, et un maintien très confortable, l'OL terminant plus près de la Coupe UEFA que de la zone de relégation. Mais cette première saison en D1 sera la dernière sous les couleurs lyonnaises pour Eugène Kabongo, qui, voyant mal l'arrivée de Roberto Cabañas, décide de quitter Lyon et de signer au SC Bastia.

La redescente

Bastia évolue alors en deuxième division, et a un projet ambitieux. Eugène Kabongo signe en Corse en même temps qu'un certain Joël Fréchet. Mais rien ne se passe comme prévu. Les blessures ralentissent Kabongo, qui ne joue que quinze matchs - pour, malgré tout, huit buts. Bastia termine loin du podium. La saison suivante sera un quasi copié-collé. Onze matchs, sept buts, et Bastia termine au pied du podium. Mais, en mars 1992, la Ligue Nationale de Football statue sur les blessures de Kabongo, et le force à mettre fin à sa carrière de joueur en le déclarant inapte au football de haut niveau. Cette saison 1992 sera tragique pour le SC Bastia, puisque cela sera également celle de la catastrophe de Furiani.

Arrêtant le football, Kabongo retourne dans son pays natal, où il fonde une école de football en partenariat avec le RSC Anderlecht. Après dix ans à la tête de son école, il se lancera en politique et deviendra, de 2000 à 2002, ministre de la Jeunesse et des Sports de la République Démocratique du Congo. Pendant quelques mois, il sera également sélectionneur national. Mais en 2006, il quitte complètement le sport pour la politique. Il est élu député national de Kinshasa et se lance dans les propositions de loi. Eugène Kabongo est notamment à l'origine de la Loi Sportive du 24 décembre 2011, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Eugène Kabongo est toujours en activité sur le plan politique.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par NSOL31, membre du Café du Commerce OL.