La peur du changement
Le 11.02.2021 par owaiogLes belles performances de l’OL cette saison, qui lui permettent après 24 journées d’être toujours en course pour le titre, coïncident largement avec le retour d’un collectif qui tourne bien. Mais malgré cette réussite, une critique revient régulièrement parmi les supporters ; beaucoup fustigent en effet le manque de turn-over opéré par Rudi Garcia, tant dans ses changements en cours de jeu que dans ses compositions d’équipe.
Au soir du 24 janvier après un derby pourtant gagné 5-0 sur le terrain des Verts, tout n’allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes à l’OL. En conférence de presse d’après-match, Rudi Garcia était ainsi invité à se justifier de changements particulièrement tardifs, le premier intervenant seulement à la 85e minute alors que la victoire était acquise depuis l’heure de jeu. Un fait assez inhabituel, mais qui pour beaucoup symbolise le conservatisme du coach rhodanien. Car sans aller dans le cas extrême du match face à l’ASSE, cet OL version 2020-21 laisse souvent l’impression visuelle de voir les remplaçants sortir assez tard du banc.
Éloge de la prudence
Depuis le début de l’année 2021, le premier changement tactique (hors blessure et remplacement dès la mi-temps) est toujours intervenu entre la 63e et la 71e minute de jeu. Des chiffres que l’on pourrait qualifier de relativement standards, mais qui ne semblent pas toujours aller dans le sens du match. Si les quatre changements opérés entre la 68e et la 76e face à Metz pour tenter de forcer un score de 0-0 ont du sens, tout comme ceux contre Bordeaux à 1-1, l’entrée du seul Maxence Caqueret contre Lens alors que le score était de 3-1 peut poser question. D’autant que les autres changements ne se feront qu’en toute fin de match avec le succès que l’on connaît (passage à 5 défenseurs et but lensois dans la foulée).
Face à Dijon également, l’entrée de Thiago Mendes à l’heure de jeu ne sera accompagnée de celles d’Islam Slimani et de Maxence Caqueret qu’à la 75e minute. Dans un match que l’OL ne parvenait pas à plier, pourquoi ne pas tenter plus de choses avant le dernier quart d’heure ? Le paroxysme de cette prudence jugée excessive interviendra face à Strasbourg, avec un Rudi Garcia qui patiente jusqu’à la 71e et un score de 3-0 pour enfin faire tourner, quand bien même l’adversaire jouait en infériorité numérique depuis la 14e minute.
Il est vrai que les entrées des remplaçants ont parfois été peu tranchantes, à l’image du match face à Metz. La nonchalance de Rayan Cherki après une perte de balle -qui amènera le but messin- sera ainsi l’une des raisons évoquées par Rudi Garcia pour expliquer les changements retardés pendant le derby. Mais la vérité d’un unique match ne suffira sans doute pas à apaiser les mécontents et justifier le coaching frileux évoqué plus haut.
À l’Ouest, rien de nouveau
Le constat est le même pour les compositions d’équipes, qui se suivent et se ressemblent match après match. Au grand désarroi des supporters lyonnais, de plus en plus nombreux à réclamer de nouvelles têtes sous les tweets du compte de l’OL annonçant les différents XI… La superbe série de 16 matches sans défaites entre septembre et janvier plaide bien sûr en faveur de l’entraîneur lyonnais ; alors qu’une équipe-type s’est dégagée durant cette période, il apparaît finalement assez logique de s’appuyer sur ce groupe de titulaires, quoique réduit. D’autant qu’en l’absence de Coupe d’Europe, Lyon ne joue en général qu’une fois par semaine cette saison.
Et les excellents résultats obtenus donnent certainement du poids à cette idée, tant l’adage « on ne change pas une équipe qui gagne » semble vouloir se vérifier. Le derby aller, remporté 2-1, est l’exemple parfait de cette philosophie. Alors que plusieurs remplaçants habituels débutaient le match, ce sont finalement les entrées conjuguées de Lucas Paquetá, Thiago Mendes et Tino Kadewere, trois titulaires, qui ont fait basculer la partie. De quoi conforter Rudi Garcia dans son idée de s’appuyer au maximum sur les mêmes joueurs.
Mais la bonne forme observée en 2020 semble s’essouffler depuis la reprise. Le contenu est moins abouti, le jeu moins flamboyant, là où ces aspects étaient une des grandes forces de l’OL avant le temps des fêtes. Et même si pour le moment les résultats sont encore là, les doutes s’intensifient sur la capacité de l’équipe-type à répéter les efforts jusqu’à la fin de la saison.
Équilibre instable
À l’approche de la fin de saison, une gestion efficace des remplaçants va donc rapidement devenir essentielle. Au-delà du risque de blessure ou de fatigue d’un des titulaires, comme ce fut le cas pour Jason Denayer contre Bordeaux, la gestion globale de l’effectif est primordiale, particulièrement si Lyon parvient à rester jusqu’au bout dans la course au titre (même dans une saison à un match par semaine !). D’abord pour éviter que les remplaçants soient à cours de rythme lorsque l’entraîneur aura besoin d’eux ; ensuite pour concerner l’ensemble du groupe, et s’assurer que tous les joueurs soient tournés vers le même objectif durant le sprint final.
Utiliser à bon escient l’ensemble des remplacements autorisés (5 cette saison) permettrait en outre d’exploiter la formidable profondeur du banc lyonnais et l’avantage indéniable que cela procure. Bon nombre des remplaçants lyonnais peuvent en effet prétendre à une place de titulaire, tels Bruno Guimarães, Maxence Caqueret ou Islam Slimani pour ne citer qu’eux. Ainsi, la possibilité de reposer un joueur clé sans perdre en qualité sera forcément un atout non négligeable en vue de la course au titre.
Alors, pourquoi ce conservatisme sur les changements de la part de Rudi Garcia ? La mauvaise entrée d’un joueur de 17 ans n’explique pas tout, et ce mode de fonctionnement ne date de toute façon pas de la réception de Metz. Le coach lyonnais, après avoir surfé sur la vague de ses excellents résultats acquis en 2020, redoute probablement que la machine ne se dérègle s’il procède à des changements trop tôt, en cours de jeu comme dans sa composition.
Mais le danger n’est-il pas justement que les rouages du collectif lyonnais ne se grippent légèrement, ou qu’un joueur important soit indisponible (comme ce fut parfois le cas en ce début d’année) ? Les remplaçants auront t’ils alors la capacité de suppléer les habituels titulaires, tout en proposant la même qualité ? Si l’équilibre entre aligner une équipe qui marche et concerner l’ensemble du groupe n’est pas toujours simple à trouver, c’est un paramètre essentiel dans l’obtention d’un titre. À Rudi Garcia de faire ce qu’il faut sur cette deuxième partie de saison.