La tête dans les trophées, les pieds dans la réalité
Le 01.11.2023 par NSOL31Été 2012. L'Olympique lyonnais soulève le dernier titre en date de son histoire, en remportant le Trophée des Champions contre le Montpellier HSC. Comme un dernier flash d'une époque bénie. Comme un moyen de se souvenir que les choses ont bien changé.
Lumière et lueur
Quel âge as-tu lorsque l'Olympique lyonnais remporte son dernier titre ? Et lorsque l'OL est champion, en 2008, pour la septième et dernière fois ? Le regard dans le rétroviseur fait mal, et donne l'impression d'avoir passé plus d'une décennie de sa vie dans le noir. Sans rien gagner. Bien sûr, il y a eu Paris et le Qatar. Et évidemment, il y a eu ce fichu pénalty à retirer par Zlatan Ibrahimovic face à Anthony Lopes. Mais la vérité est qu'il ne s'est rien passé de majestueux dans l'histoire du club depuis bien trop longtemps.
Les moments de lumière ont pourtant existé. La deuxième demi-finale de Ligue des Champions de l'histoire du club, celle de Ligue Europa, les derbys remportés à la dernière minute contre le rival du Forez, le coup de tête glacial de Memphis face à l'Olympique de Marseille, les buts géniaux du Néerlandais et de Nabil Fekir face au Paris Saint-Germain, les saisons formidables à plus de vingt-cinq buts d'Alexandre Lacazette, la fierté de voir des gamins du centre réussir en Équipe de France... Mais ces lueurs ne suffisent pas pour faire lever le jour.
Elles ne suffisent pas, car, visage au vent, les souvenirs de l'Olympique lyonnais d'avant ressurgissent. Une époque où les grands feux d'artifice étaient légions, mais où les éclats individuels étaient aussi monnaie courante. Il n'est pas besoin de mentionner les phases arrêtées menées d'une main de maître par un certain Juninho, les éclats merveilleux d'un tout jeune Karim Benzema, les tacles rageurs de Cris, les relances audacieusement techniques d'Edmilson, les parades incroyables de Grégory Coupet, et puis les matchs douloureux et beaux de Coupe d'Europe, de Madrid à Milan. Bref, une part de ce à quoi l'Olympique lyonnais nous avait habitué a complètement disparu.
Pieds glacés
Pras drogas basta um simples não, pour la drogue il suffit de dire non, dit la chanson. Mais voilà, quand la drogue s'appelle football, il n'est pas possible de dire non, car la société entière s'est organisée en mettant le football en plein centre des rapports sociaux. Qui peut se targuer de ne jamais avoir regardé, même une demi-seconde, un match de football dans sa vie ? Probablement personne. Et parmi les gens qui cèdent à regarder le football de temps à autre, qui n'a jamais joué au football avec ses amis, ses collègues, ou même des connaissances rencontrées dans le seul but de taper dans la balle ? Pas beaucoup plus de monde. Et soutenir un club de football fait partie intégrante du cocktail infernal.
Oui, les femmes dans la rue peuvent être belles, le sourire des enfants peut toucher en plein cœur, l'amour d'un père peut faire beaucoup dans la vie d'un homme ou d'une femme. Eh bien, l'attachement à un club de football est peu ou prou du même acabit. Tout le monde le sait, on ne choisit jamais vraiment son club de football. Même lorsque l'on porte le maillot d'un club par opposition à un autre, on ne le choisit pas en pleine conscience. Et c'est bien la beauté de supporter au plus profond de son âme un club de football : on souffre en silence avec d'autres que nous.
Et l'Olympique lyonnais est la quintessence même de ce phénomène, le club parangon de ce qu'est l'amour inconsidéré. La ville, l'argot, la nourriture, le palmarès, tout cela rend l'environnement du supporter lyonnais profondément enviable. Mais au fin fond de tout cela, il y a une souffrance forte, indicible, presque horrible. Celle de se dire qu'un jour, on a vécu en plein milieu d'une plage paradisiaque, et qu'aujourd'hui, seule la tête est encore baignée de lumière quand les pieds sont dans la boue glacée.