Les (més-) aventures de Bruno Genesio
Le 26.09.2018 par OL_ympiqueAvant même sa nomination à l'aube de l'année 2016, Bruno Genesio a fait parler les curieux. En bien parfois, mais surtout en moins bien. Depuis, c'est devenu un débat sans fin à Lyon. Qui a raison, qui a tort ? Il n'y a pas de réponse évidente, car Bruno Genesio symbolise plus qu'un simple problème de coaching à l'OL !
Note : Cet article ne traite pas des événements récents concernant la vie privée de Bruno Genesio. Il s'agira cependant bien de comprendre comment une telle situation est possible...
Bruno, lyonnais et coach au parcours atypique
Bruno Genesio est né à Lyon en 1966, est devenu joueur de Lyon en 1983, et footballeur professionnel en 1985... à Lyon, évidemment. Ensuite, pendant dix ans, hormis un court passage d'une saison à l'OGC Nice, il évoluera en tant que milieu de terrain à l'OL, jouant au total 171 matchs sous nos couleurs. Bruno Genesio est un mec du Rhône, un gone, un vrai. En entrant dans le staff de l'Olympique Lyonnais, avec notamment un passage sur le banc de la réserve entre 2009 et 2011, Bruno Genesio a donc suivi son destin : comment un footballeur lyonnais comme lui pouvait-il passer à côté d'une carrière d'entraîneur à l'OL ?
Pourtant, rien n'était écrit. Son parcours d'entraîneur est atypique et semé d'embûches. Après avoir fait ses débuts mais pas vraiment ses preuves à Villefranche de 1999 à 2001 dans les divisions amateures, il prendra son premier poste en tant qu'entraîneur dans un staff professionnel en 2005-06, avec le Racing Besançon. Auparavant, il avait participé à la montée du club en Ligue 2 en tant qu'adjoint. Une tâche bien improbable au départ pour le club franc-comtois. Mais cette expérience ne sera pas non plus vraiment concluante. Même si il n'a pas eu que des ratés, pour ses premières fois sur un banc à Villefranche puis à Besançon, les souvenirs ne sont pas fantastiques - du moins si on s'en tient aux résultats sportifs. Il n'a en effet jamais totalisé plus de 30 % de victoires lors de cette période amorçant sa carrière de coach.
Ce palier de 30 %, c'est à Lyon que celui que l'on va bientôt surnommer "Pep" va le dépasser. Lors de ses deux saisons en tant que coach de la réserve olympienne, il va en effet totaliser 35 puis 38% de victoires, pour 85 puis 87 points pris en 34 matchs de championnat. Dans le cadre plus huppé de l'Olympique Lyonnais, Bruno Genesio a passé un cap. Il a grandi, travaillant avec des grands connaisseurs et professionnels. Mais aussi en évoluant auprès de joueurs comme Karim Benzema, Alexandre Lacazette ou bien Corentin Tolisso. Petit à petit, il a ainsi fait son nid dans l'institution OL et cela paraît logique lorsqu'on connaît l'importance de la formation au club. En se faisant une place aux yeux des jeunes, il s'en est également procuré une auprès des dirigeants. Pour les supporters, pourtant, ce n'est pas vraiment la même histoire.
"Pep" est donc d'un point de vue professionnel un entraîneur peu expérimenté mais qui connaît le football, et surtout, qui connaît Lyon. En dehors du poste d'entraîneur principal, il a fait partie de nombreux staffs et a du vécu. Et toutes les expériences sont bonnes à prendre : "rien ne se perd", y compris sa longue expérience de joueur professionnel à l'OL. Pas suffisant diront certains.
Légitimité et responsabilité(s)...
Le problème avec le débat sur Bruno Genesio, c'est qu'il atteint le cœur même de l'institution OL. Souvent pointé du doigt, Jean-Michel Aulas est un président très impliqué, à la fois initiateur, porte-parole, gestionnaire, avocat, voire même animateur sur les réseaux sociaux... Quand Genesio a été attaqué, au début mais surtout plus tard, ce sont ses choix de président, et donc ceux de l'institution, qui ont été pris à partie. D'où la ligne de défense parfois peu lisible mais stricte qui a mené au maintien de "Pep" à son poste pour la saison 2018-2019 : l'OL d'Aulas, c'est l'institution avant tout.
Toujours dans le cadre institutionnel du club, il est évident que Genesio subit aussi les retombées des tensions et incompréhensions montantes depuis quelques années : difficile de ne pas échapper au climat ambiant dans un club à priori en très bonne santé économiquement mais pas au même niveau sportivement. Un coach n'est pas responsable de la santé de tout son club, loin de là ; il doit néanmoins composer avec. Ou plutôt, il doit parfois faire "sans" : sans directeur sportif - même s'il semble que Florian Maurice possède officieusement ce poste - , sans un CA véritablement bienveillant sportivement parlant, sans moyens exceptionnels malgré des finances dans le vert. Le mercato d'été passé le prouve : Genesio aurait voulu faire sans les départs de Mariano et Myziane Maolida, et espérait peut-être mieux que Jason Denayer (même si il semble que ce soit un "bon coup" au vu de ses débuts). Pourtant, il va - une fois encore - pâtir de la gestion critiquable de cette période clé.
L'ambiance de début de saison est un peu malsaine, et "Pep" n'est pas le seul responsable. En effet, c'est tout l'Olympique Lyonnais qui est actuellement sous tension, pour des raisons internes qui dépassent largement la seule personne de Bruno Genesio. Il ne mérite donc vraisemblablement pas d'être le bouc-émissaire des supporters.
Cela dit, le véritable problème est sportif. Car même si l'on peut reprocher à Jean-Michel Aulas de trop penser à ses finances ou d'exceller dans la mauvaise foi, on ne peut pas l'accuser des erreurs de son entraîneur. Tout comme on ne peut pas lancer des #GenesioDemission au moindre dysfonctionnement du club (Genesio n'est par exemple pas responsable de l'état de la pelouse), il faut savoir reconnaître les réelles parts de responsabilités. Les joueurs jouent, les adjoints aident, l'arbitre encadre, les adversaires font de leur mieux pour vous battre. Mais le facteur déclencheur au niveau sportif est l'entraîneur ! On peut toujours remettre en question les choix de ceux qui ont placé et maintenu Bruno Genesio sur le banc, ce qui nous ramène au problème institutionnel cité précédemment, mais il ne s'agit pas ici de défendre l'indéfendable. Or l'indéfendable, c'est la tactique, c'est le sportif.
Au vu des soucis défensifs avec des défenseurs trop exposés et des déséquilibres constant, des difficultés dans la construction avec des manques de mouvement et de placements judicieux, et des problèmes vis-à-vis de la maîtrise, Genesio a bien sûr une part de responsabilité non négligeable dans le climat qui règne actuellement. Bien sûr, il fait de son mieux pour résoudre ces problèmes. Mais l'OL est trop haut placé pour laisser place à l'apprentissage de son coach ! Tactiquement, on sent très bien que rien de viable n'est défini, et on se demande même parfois quelle est la place accordée à la tactique dans la préparation des matchs. L'irrégularité chronique lyonnaise sous Bruno Genesio est très certainement liée à ce point... et il serait préférable qu'elle disparaisse, que ce soit par le progrès ou le changement. Le progrès ne dépendra que de lui ; le changement pas forcément. Là est la question complexe des responsabilités...
"Lorsqu’on se pose la question Quel style de jeu est approprié pour parler de Bruno Genesio ?, je ne vois aucune réponse à donner"
Fouad Fares, anciennement à l'OL e-sport, pense que Bruno Genesio a de grosses lacunes tactiques
Retour aux sources
Retournons en décembre 2015. Le groupe pro de l'OL va mal. Le club galère. Hubert Fournier est limogé par Jean-Michel Aulas alors que la tension est énorme. Privé de Nabil Fekir, gravement blessé, et obligé de faire avec une attaque Lacazette-Beauvue désastreuse, sans parler d'une défense aux abonnés absents, Lyon pointe au milieu de tableau en Ligue 1, et s'éloigne alors trop du podium pour que rien ne soit fait. Mais la décision de changer de coach ne va pas tout de suite apaiser la plaie formée lors d'une première moitié de saison horrible. Bruno Genesio est en effet à ce moment là, pour beaucoup, un symbole du "clubisme" fort qui règne à l'OL.
Mais c'est aussi un coach sans expérience vraiment concluante, sans renommée, et surtout pas un vecteur de renouveau, puisqu'il faisait déjà partie du staff de l'équipe première ! Heureusement, les doutes se sont en bonne partie effacés - au moins temporairement - lors d'une seconde partie de saison superbe qui a permis de rattraper la seconde place synonyme de Ligue des Champions la saison suivante. Une magnifique et décisive victoire face à Monaco lors de l'avant-dernière journée de Ligue 1 2015-16 dans un Parc OL et Genesio apparaissait même comme un sauveur. Impossible de lui enlever cela. Pourtant, il n'a jamais vraiment gagné en légitimité. Au contraire : les fortes exigences conduisent à de fortes critiques, et la suite de son parcours à Lyon lui a fait prendre conscience de cette réalité. Genesio n'a pas tout raté depuis qu'il entraîne l'Olympique Lyonnais, mais la réussite se juge avant tout sur la durée... alors que l'échec arrive bien plus rapidement.
"Dès sa prise de fonction, certains supporters étaient sceptiques et estimaient qu'il n'était pas l'homme de la situation. A Lyon, l'exigence est forte : il faut des résultats avec la manière."
Razik Brikh, journaliste
Deux saisons... pleines ?
Après une moitié de saison assez exceptionnelle en championnat, Genesio a enchaîné deux saisons complètes. L'euphorie de la folle fin de saison 2015-16 est vite retombée. En effet, le bilan de ces deux exercices est révélateur du "Cas Bruno Genesio" . Dans les positifs, il y a eu une demi-finale européenne, une place sur le podium de Ligue 1, beaucoup de buts marqués, mais aussi une quatrième place médiocre en Ligue 1 et des désillusions en groupe de Champions League, des défaites inexplicables en Coupe de France, en Coupe de la Ligue, et que de matchs bâclés ! Plus récemment, l'élimination en huitièmes de finale de Ligue Europa face à Moscou, alors que la finale de l'édition 2017-2018 se tenait au Groupama Stadium, a ravivé les tensions. L'OL de Genesio, c'est bien. Mais un "peut mieux faire" ne suffit pas ailleurs que dans un collège. Or, les prestations lyonnaises depuis 2016 se résument régulièrement à ces trois mots. De quoi énerver ceux qui veulent vibrer pour Lyon : dans la durée, Genesio semble de plus en plus en manque de légitimité. Pourtant, il est maintenu à sa place, et il s'y accroche.
À l'OL, 'Pep" est synonyme de coups de gueule, de tensions, d'un hashtag tristement célèbre sur les réseaux, de blagues plus ou moins déprimantes. La famille OL est dans une mauvaise période, et le sportif ne constitue malheureusement pas la totalité du problème. Et Bruno Genesio concentre les critiques, car en plus d'avoir une responsabilité indéniable en tant que coach de nos chers gones, il permet aussi à certains de se défouler. Quitte à oublier que ce n'est pas lui le capitaine du navire... L'ère Genesio n'est pas des plus horribles, mais elle n'est pas non plus assez prolifique pour satisfaire ceux qui aiment profondément l'OL. Ce qui explique que chacun cherche à trouver les fautifs des turbulences.
Attaqué, touché, mais droit dans ses bottes...
Quand on ne parle pas du jeu, de la gestion du groupe ou du coaching en match, on lui reproche sa communication loin d'être parfaite. En fait, on lui reproche beaucoup (trop ?) de choses. Face à cette situation, Genesio n'a clairement jamais cessé de rester droit dans ses bottes, encaissant des attaques diverses dans leur contenu comme dans leur dureté. Plus que l'entraîneur, c'est alors le personnage qui est bien souvent ciblé, alors que la forme ne doit pas faire oublier le fond : Bruno Genesio mise à priori beaucoup sur l'humain, et son fond est justement souvent décrit comme positif. À Villefranche, à Besançon, c'est l'image qu'il a laissé. Avec les jeunes pousses de l'OL puis les grands, idem. Proche de ses joueurs, chambreur, mais sérieux et impliqué. Quoi de mieux pour gérer un groupe, et un staff ? Ce sont de véritables qualités.
En fait, le côté humain est une chose, et en l'occurrence une bonne. Mais il y en a une autre : un caractère fort. Pour gérer les égos et se faire respecter, surtout dans les périodes compliquées, un bon entraîneur doit au moins avoir cette solidité là. Vis à vis des joueurs avant tout, mais aussi de la pression. Dans un club comme l'OL, cette pression est quelques fois très difficilement soutenable. Les Bad Gones, avec leur fameuse banderole sortie à l'occasion de la dernière journée de Ligue 1 Conforama la saison passée, ont bien situé le débat : "Bruno ton amour pour l'OL t'honore mais il est temps de tourner la page". Un moment fermement défendu par les amoureux du "Made In Lyon", les critiques sur le jeu et l'irrégularité des résultats ont finalement rattrapé "Pep".
"C'est quelqu'un de sympathique, de très ouvert. Mais même s'il dit qu'il a appris à faire avec, au fond, il est touché - et c'est humain- de voir cette défiance à son égard. Il est natif de la ville, il a joué à l'OL donc forcément d'être contesté par les "siens" ce n'est pas facile à vivre."
Razik Brikh, journaliste, décrit Genesio comme un personnage sensible vis-à-vis des critiques
Et être coach à Lyon est difficile pour cet aspect là. Mais visiblement, Bruno Genesio est costaud. D'ailleurs, cette force de caractère a été particulièrement important pour lui au moment de démarrer la saison 2017-18. Adieu les potes Tolisso, Gonalons, Lacazette, et bienvenue aux inconnus Mariano, Kenny Tete ou Fernando Marçal,... Seul Nabil Fekir faisait encore office d'appui solide. Et "Pep" a eu cette force, ce charisme, qui lui a permis de recréer un groupe sur de nouvelles bases, et ce malgré une pression populaire déjà lourde. C'est une véritable petite réussite, qu'on le veuille ou non, et qui est d'ailleurs peut-être passée inaperçue sous le flot de défiance à son égard. Le coach en lui n'a pas flanché, et au fond, l'homme s'est affirmé. La preuve est là : même sous la pression en fin de saison dernière et les banderoles lors d'OL-Nice, Bruno Genesio le mal-aimé est toujours là, droit dans ses bottes. Il fait face, mais ne tremble pas - ou peu. Certains verront là de l'arrogance, de la fierté mal placée. On peut aussi y voir de la détermination, celle-là même qui lui sert dans son quotidien d'entraîneur..
"Les attaques personnelles ne sont pas acceptables. Par contre, en tant qu'entraîneur, qui plus est dans un club comme l'Olympique lyonnais, il est forcément exposé. Et d'être critiqué, contesté...cela fait partie du job. Un supporter a le droit de dire, à l'image de la saison dernière, qu'il attend davantage de l'entraîneur au niveau du jeu déployé."
Razik Brikh, journaliste, insiste sur la différence entre critiques constructives et insultes
Si "Pep" est encore là, c'est à la fois pour son humanité et pour son caractère, qui sont des qualités qui font de lui un bon "manager". L'exploit lyonnais de ce début de saison à Manchester, en Ligue des Champions, le démontre parfaitement. Cela n'enlève malheureusement en rien les interrogations purement footballistiques, la vérité d'un match n'étant pas celle d'une saison, bien malheureusement (ou heureusement d'ailleurs). Il ne faut pas voir tout noir comme tout n'est jamais tout blanc. Genesio n'est pas le nul que certains décrivent, malgré son manque de légitimité. Il a des qualités, et l'ampleur des tensions à son égard ne doit pas le faire oublier. Il serait préférable pour tous que Genesio ne sorte pas en miettes de son aventure à Lyon, quelle qu'en soit la fin. Le surprotéger n'est par contre pas plus une bonne solution.
Un futur en question
Bruno Genesio représente un problème plus ou moins important mais permanent depuis son arrivée. Des questions se posent donc logiquement sur son avenir. Surtout que la pression populaire avant son maintien en fin de saison dernière n'a pas eu le résultat souhaité... ce qui signifie que le climat après reprise peut devenir rapidement explosif. L'OL n'a jamais connu de crise assez grave pour mettre Genesio en péril, mais faut-il attendre que les arguments des critiques deviennent réalité ? Au contraire, a-t-on été trop dur ? En deux saisons et une demie à Lyon, il n'a pas brillé autrement qu'en termes de statistiques, de faits ponctuels. Des trophées dignes de ce nom, il n'y en a eu aucun, malgré les occasions.
Alors que cette saison 2018-2019 a déjà moyennement commencé avec des prestations peu satisfaisantes, il s'agira vraiment de proposer mieux que les saisons précédentes pour éviter des conséquences dramatiques pour le projet ambitieux qui est de remettre Lyon sur le devant de la scène. La saison en C1 a bien commencé, et il s'agira de véritablement se lancer en Ligue 1. Au final, il faudra des résultats concrets, c'est à dire faire bonne figure en Champions League avec un groupe difficile mais pas impossible, faire un beau parcours dans au moins une des deux coupes nationales et vraiment titiller le PSG en Ligue 1 Conforama. Cette équipe lyonnaise le peut. Si résultats il y a, il faudra reconnaître que la saison passée était une période de "redémarrage", avec de nombreux nouveaux joueurs, et que Bruno Genesio progresse réellement. Sinon, surtout au vu des crispations extra-sportives, le passé sera perdu et le futur à reconstruire !
Espérons en tant que supporters que les qualités qui sont les siennes deviennent suffisantes pour oublier ses défauts, ou qu'il progresse véritablement, comme il l'a lui-même confié à l'entame de saison à l'Equipe. La foudre va frapper fort au moindre faux-pas. Mais après la pluie vient le soleil.