L’Olympique lyonnais ou le « modèle de référence »
Le 30.03.2021 par WadirJean-Michel Aulas vient tout juste d'être élu meilleur président du football français par France Football. C'est l'occasion de revenir sur l'empire qu'il a créé depuis son arrivée en 1987 à l'Olympique lyonnais.
Le président de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, déclarait le 4 décembre 2020 aux Echos, à propos de la plus grave dépression économique du football français - conséquence conjointe de la Covid-19 et de l’affaire Mediapro que : « La crise va faire le tri entre les clubs ».
L’affirmation, aussi assurée, de la part d’un club lui aussi doublement victime de l’arrêt prématuré du championnat de ligue 1 (saison 2019/2020), selon un calcul sciemment sélectionné par certains présidents du championnat pour exclure le club rhodanien, et de la perte d’une part significative des droits télévisuels peut surprendre, et pourtant, elle traduit l’assurance d’un modèle qui est en train de faire ses preuves. Explicitations.
Nouveau président : nouvel espoir
Alors que l’OL sortait de la deuxième division française en 1987, pour un budget de 2 millions d’euros, et avec 70 années d’existence fêtées en 2020, le club de la capitale des Gaules est devenu, après des décennies de développement, l’un des modèles à imiter en matière de structuration économique pour un club de football moderne.
Le modèle économique du club, basé sur l’entité juridique « OL Groupe », se traduit par un déploiement patient, lent, mais certain. L’inspiration est assumée, elle vient d’Allemagne. L’objectif revendiqué du club étant d’imiter et d’atteindre à long terme le modèle du Bayern Munich. Le patron de l’OL, dès 2013, affirmait : « Le modèle vertueux, c’est le Bayern. Il ne peut plus rien arriver à ce club qui est propriétaire de son stade comme Arsenal. Il faut avoir son stade pour qu’il génère des revenus récurrents au niveau de la billetterie, du naming, des loges. En étant propriétaire de notre stade, on génère nos futures ressources ».
En attendant, plus proche et réaliste, c’est le modèle de Dortmund qui est visé.
L’entrée en bourse, le départ...
L’Olympique lyonnais, depuis 2007, est côté en bourse : c’est le seul club français à l’être, ce qui le place au sixième rang des clubs européens au regard de sa capitalisation boursière. L’objectif de cette entrée sur les marchés financiers fut d’enclencher une levée de fonds afin de financer la construction d’un stade dont le club serait l’unique maître et possesseur. Le stade, c’est ce qui va obséder les dirigeants du club pendant des décennies, tel le capitaine Achab traquant Moby Dick.
Cela ne se fit cependant pas sans frustrations, légitimes, de la part d’une partie des supporters. En effet, pendant des années, particulièrement lors de la construction du stade, le club fit peu de dépenses, malgré des finances positives, contrairement à ses concurrents directs.
Ce choix, malgré tout, fut payant. Il n’était pourtant pas garanti puisque la majorité des clubs de football qui étaient entrés en bourse ratèrent leurs actions. Ces manœuvres, dans la majorité des cas, tournèrent au fiasco. En effet, dans la plupart de ces situations l’objectif était d’utiliser les fonds levés afin d’acheter des joueurs, ressource volatile et incertaine par essence qui se perdait dans les aléas sportifs, a contrario, l’OL fit le choix d’un investissement foncier durable, qui coûtait et ne rapportait rien dans l'immédiat, mais qui lui permet aujourd’hui de connaître une croissance forte.
Depuis, la répartition du capital est fondée sur trois actionnaires principaux : Jean-Michel Aulas, le plus important, à travers Holnest (30%), Pathé (19%), via Jérôme Seydoux et à l’origine, en partie, de l’impulsion des années 2000 de l’OL, avec des joueurs tels que Sonny Anderson. Plus récemment, en 2016, IDG Capital Partners, un fonds d’investissement privé chinois, fondé à Boston en 1992, a investi pour 100 millions d’euros, l’équivalent de 19% du capital. Le reste relevant de l’auto-détention ou du public.
Cependant, ce dernier investissement n’aurait pas pu exister sans le premier étage de la fusée qu’est la construction du stade. En effet, avec l’arrivée de nouveaux propriétaires au PSG et le développement économique et sportif des autres clubs français majeurs, l’OL perdait sa suprématie sportive – 7 titres d’affilé (2002-2008) un record inégalé – sur le championnat français.
Le stade ou « la substantifique moelle » du club
C’est la construction de son propre stade, comme les 20 plus grands clubs européens, hors PSG qui bénéficie d’une convention d'occupation du domaine public, qui a pu permettre à l’Olympique lyonnais d’accroitre sa croissance. Le stade et les infrastructures adjacentes constituent le cœur nucléaire de son économie. Et pourtant, cette construction ne fut pas un long fleuve tranquille : entre les oppositions politiques, les difficultés pour trouver un terrain ou les contestations médiatiques de certains consultants qui, faisant fi des réalités économiques, disaient ne pas comprendre « l’intérêt » de construction d'un grande stade.
Notons d’ailleurs que d’un point de vue purement sportif les détracteurs qui considéraient cette construction comme trop volumineuse pour le club se trompèrent. En effet, si on s’en tient au dernier classement complet des affluences et du taux de remplissage établi par la LFP pour la saison 2018/2019 : l’OL se classait second (49.079 spectateurs) derrière l’OM (50.631 spectateurs), mais devant le PSG (46.911 spectateurs) qui était cependant le premier club en termes de taux de remplissage. L’augmentation des revenus de billetterie, concomitante à celle des spectateurs, clôt dorénavant définitivement ce débat.
Le 9 janvier 2016, le Parc OL, nommé Groupama Stadium par contrat de naming depuis 2017, est ouvert et voit son premier match, Lyon 4 – 1 Troyes. Le stade bénéficie, avec ses 60.000 places, d’un naming pour 5.5 millions d’euros par an avec l’entreprise d’assurance Groupama. Les revenus complémentaires générés par le stade permettent d’augmenter l’assise financière du club.
Cependant, le Groupama Stadium n’est pas qu’un stade, les avantages directs procurés par « l’outil connecté » ne se limitent pas aux seuls matchs de football. Celui-ci est aussi utilisé en tant que salle d’évènements (concerts, spectacles, événements sportifs autres) ramenant des revenus supplémentaires non-négligeables au club, l’existence d’espaces privatifs pour les entreprises dans le cadre des relations d’affaires permettant – au passage – à Décines-Charpieu, commune de la métropole lyonnaise où se situe le stade, d’accroitre son attractivité économique.
Mon royaume pour un stade : OL Vallée
Le site, récemment nommé « OL Vallée », ne se limite pas au stade. Il s’inscrit dans une zone de 50 ha, constituant un projet économique entourant le Groupama Stadium. En plus du centre d’entraînement, d’hôtels et d’une clinique déjà présente, cet espace devrait être composé d’un pôle loisir pour cette année, d’un centre de formation et d’entrainement de tennis de haut niveau par Jo-Wilfried Tsonga, d’une Arena de plus de 15 000 places pour la même date qui devrait aussi être utilisée par l’ASVEL pour ses matchs de coupe d’Europe de Basket, club dorénavant détenu à hauteur de 30% par l’OL Groupe et dont l’actionnaire majoritaire et propriétaire est Tony Parker.
Toutes ces constructions projetées, en cours ou achevées ont pesé sur les finances du club. Celui-ci fait de l’OL un club singulier par sa structure financière puisqu’il est un des clubs les plus endettés de Ligue 1. Cependant, cet endettement est sain puisqu’il constitue un investissement foncier rentable, ceci expliquant que le nouvel investisseur privé susnommé soit entré au capital, permettant d’accélérer le calendrier de remboursement du stade qui devrait, selon les projections, pré-Covid, arriver vers 2024/2025.
C’est ainsi que l’Olympique lyonnais a pu doubler son chiffre d’affaires de 2012 à 2019, avant la crise provoquée par la Covid, en passant de 156 à 309 millions d’euros. L’objectif fixé par le club étant d’atteindre les 400 millions d’euros, ce qui placerait le club au niveau du Borussia Dortmund : un véritable projet Dortmund ? Notons qu’un autre club français tend à ce modèle et fait l’éloge de ce système, c’est le Montpellier HSC, avec lequel Laurent Nicollin, comme son père jadis, entend construire son propre stade avec des fonds propres pour 2024.
Grâce à ce système, l’Olympique lyonnais est devenu avec le PSG le club français le moins dépendant des droits télévisuels. En effet, ces droits ne représentent qu’une part de 21.8% des revenus pour le club. A titre de comparaison, ils sont à 23.8% pour le PSG, 46.2% pour l’OM, 62.1% pour Le LOSC ou 67.8% pour l’ASM.
Sur le plan salarial, le club gère en bon père de famille, en effet en étant le second budget de ligue 1, il n’est que le 4ème en matière de salaire moyen mensuel brut. Le premier étant le PSG, avec 800.000 euros, le second l’OM 202.000 euros, l’ASM avec 185.000 euros, l’OL arrive quatrième avec 145.000 euros, suivi de Rennes avec 130.000 euros, du GYM et du LOSC avec 110.000 euros. Son entraîneur, Rudi Garcia, est le 4ème aussi, derrière Pochettino, Kovac et Sampaoli, il est talonné de près par Puel.
Quels résultats, pour quel avenir ?
Fort de ces choix économiques, l’Olympique lyonnais est l’entreprise footballistique qui a enregistré la plus forte croissance de ces dernières années : +193% selon le célèbre cabinet KPMG qui dresse chaque année le bilan économique des plus grands clubs. L’Olympique lyonnais est ainsi qualifié par la presse étrangère, notamment espagnole, de « pépite d’or du football français ».
En ce sens, des offres d’achat, refusées, de plus de 500 millions d’euros furent proposées pour le club et ses infrastructures.
L’OL figure dans le classement de 2020 à la 20ème place du Top 32 des clubs européens. Seuls deux clubs français en font partie, l’OL et le PSG. Avec une 18ème place au coefficient UEFA ses résultats sportifs européens correspondent à son rang économique.
Il faut noter que ce développement ne s’est pas fait sans privations. En effet, en regardant les transferts opérés par le club pendant la période de construction du stade celui-ci a très peu dépensé entre la saison 2011/2012 et 2014/2015, à peine 20 millions d’euros. A titre de comparaison, l’OM avait dépensé pour la seule saison 2013/2014 40 millions d’euros de transfert et l’ASM 160 millions d’euros.
Le maintien de la compétitivité malgré l’absence de transferts onéreux fut maintenu par le centre de formation de l’OL. Le modèle de l’OL repose aussi sur un centre de formation classé parmi les meilleurs d’Europe. C’est ainsi que le CIES, centre international d’étude du sport, le classait le 9 novembre 2020. Sa place – première dans l’hexagone – lui permet d’accéder à la troisième place du podium, derrière le Real Madrid et le FC Barcelone en nombre de joueurs évoluant dans les 5 plus gros championnats en Europe.
Toutes ces structures font déjà de l’OL un club économiquement sain, et doivent lui permettre à l’horizon 2025 de rivaliser sereinement avec les plus grandes écuries européennes. Son modèle cependant ne pourra fonctionner qu’en sortie de crise COVID et ne pourra pas tenir plus de 3 ans sans retour du public, selon son président.
En ce sens, Vincent Labrune, devenu président de la LFP et gérant les crises touchant le football français déclarait le 21 février 2021 à propos de la résilience des clubs français : « Le modèle mis en place par Jean-Michel Aulas à Lyon est une référence aujourd'hui en France, personne ne peut le contester ». Si l’OL continue de suivre cette voie, sans jamais oublier le sportif, ce qui semble être depuis l’arrivée de Juninho une volonté enfin clairement affichée, alors ses lendemains seront chantants. Ce modèle doit être imité par tous les autres clubs de Ligue 1 dont la situation est similaire afin d’accroitre la puissance du championnat français sur la scène européenne.