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Luc Borrelli, parti trop tôt

Le 03.06.2019 par NSOL31

Dans l'histoire de l'Olympique Lyonnais, deux disparitions sont particulièrement douloureuses : celle de Marc-Vivien Foé, mort sur le terrain de Gerland en juin 2003 ; et celle de Luc Borrelli le 3 février 1999. Hommage à l'ancien gardien lyonnais.

Un des premiers gardiens modernes

Luc Borrelli, né le 2 juillet 1965 à Marseille, est un des tous premiers gardiens "modernes", c'est-à-dire formés en tant que tels. À La Ciotat, une trentaine de kilomètres au sud de Marseille en longeant la côte, Robert Thibes crée à la fin des années 1970 la toute première école de gardiens. En effet, il se rend compte que bombarder les gamins de ballon pendant une heure était décourageant et contre-productif. En lien direct avec la FFF, Robert Thibes passe des heures dans les clubs provençaux à la recherche de jeunes garçons désireux de peaufiner leurs performances dans son académie. C'est ainsi qu'en 1979, il met la main sur Luc Borrelli, qui évolue alors à l'ASPTT de Marseille. Aux côtés de Jean-Luc Prudent et de Régis Sintès notamment, Luc Borrelli fait donc ses armes de gardien, avec l'attention d'un formateur unique en France à l'époque.

Grâce à cette formation d'une rare précision, Luc Borrelli dépasse tous les autres gardiens de sa classe d'âge. Faisant preuve d'une grande autorité quand il s'agit de commander sa défense, Borrelli se démarque alors aussi en dehors des matchs, en n'hésitant pas à prêter main-forte aux entraîneurs pour déplacer les cages ou ranger les ballons. Jamais avare d'efforts, Borrelli est un modèle d'exigence envers lui-même. C'est tout logiquement que le SC Toulon, en 1986, vient récupérer le jeune portier français, et lui propose un contrat professionnel. Pas de salaire mirobolant à la clef, mais une promesse pour le portier de vingt-et-un ans : il pourra tranquillement poursuivre son développement et, à un horizon de quatre ou cinq ans, devenir le titulaire dans la cage toulonnaise.

Un beau challenge pour le natif de Marseille, qui accepte évidemment de quitter le monde amateur pour un contrat professionnel. Encouragé par son frère Franck, qui lui sert de confident, il devient donc le gardien remplaçant d'un SC Toulon qui évolue alors en première division française.

Faire ses classes

Dès sa première saison, Luc Borrelli est confronté à l'adversité du haut niveau. Il dispute en effet sept rencontres de championnat, puis dix la saison suivante, et participe même à deux rencontres de Coupe de France. La faute à des blessures, sa progression est quelque peu stoppée en 1988-89, et il ne joue que sept rencontres toutes compétitions confondues. Rolland Courbis, qui a fait venir le jeune homme à Toulon, lui assure pourtant qu'il aura plus de temps de jeu lors de la saison suivante. Chose promise, chose due : Borrelli prend part à dix-neuf rencontres de D1 et deux de Coupe de France. Mais l'été 1990 est désastreux pour le Sporting Club de Toulon : l'affaire de la caisse noire éclate. Courbis quitte son poste d'entraîneur, et de nombreux joueurs fuient le navire.

Pas Luc Borrelli, qui a donné son accord moral aux dirigeants pour rester encore deux saisons. Bien lui en prend, puisqu'il devient le titulaire au poste, avec soixante-sept matchs en deux ans, dont une saison pleine où il dispute tous les matchs de championnat. Courtisé à l'été 1992, il décide néanmoins de rester une saison supplémentaire dans le sud de la France. Encore une fois titulaire, il est forcé de partir à l'été 1993, le club étant, à la suite de l'affaire de la caisse noire, rétrogradé en deuxième division.

Luc Borrelli signe donc au Paris Saint-Germain qui, vingt ans après sa création, connaît sa première heure de gloire. Remplaçant, il participe à huit rencontres en deux ans, mais remporte malgré tout le championnat de France la saison de son arrivée, et la Coupe de la Ligue la saison suivante. Cependant, il ne se satisfait pas de cette situation. Car Luc Borrelli est un compétiteur. Plus que les titres, ce qu'il veut, c'est jouer. Et dans une cage parisienne protégée par le gardien de l'équipe de France Bernard Lama, c'est impensable. Alors il ne lui reste qu'une seule solution : le départ.

Profondément humain

Faute de club plus prestigieux, c'est au Stade Malherbe de Caen, qui joue la montée en première division, que Luc Borrelli signe. Dans le Calvados, il n'a plus besoin de se contenter des entraînements : il est titulaire indiscutable, et essentiel dans la montée des caennais, qui remportent la seconde division en 1996. Il dispute en effet tous les matchs, que ce soit en Coupe de France ou en Division 2.

De retour en D1, la saison est plus compliquée pour Borrelli et les siens, puisque les malherbistes font figure de sparring-partner pour la majorité des formations françaises. Pas grave, il donne tout ce qu'il a. Pas suffisant, certes, puisque le club est relégué en deuxième division. Mais quand même. Surtout, au mois de février, il sauve un homme qui tentait de se suicider de la noyade en plongeant dans l'eau glacée pour le secourir. Un acte de bravoure qui n'a rien d'étonnant lorsque l'on connaît le caractère de Luc Borrelli, toujours prêt au sacrifice.

Pour sa dernière saison avec Caen, Luc Borrelli est toujours titulaire. Très apprécié des supporters, avec qui il n'hésite pas à échanger et à aller boire des bières, il est loué pour son sens de l'engagement. Un engagement qui peut lui jouer des tours lorsqu'il se fracture la mâchoire lors d'une sortie face à un attaquant un peu trop violent. Pour son dernier match en Normandie, il marque un but, sur pénalty.

Au service

À l'été 1998, Luc Borrelli rejoint l'Olympique Lyonnais, qui est plein d'ambitions. Il sait, à trente-trois ans, que le plus clair de sa carrière est derrière lui. Si Lyon l'engage, c'est pour faire progresser Grégory Coupet et le faire accéder à l'équipe de France. L'osmose entre le numéro 16 né à Marseille et le numéro 1 formé à Saint-Etienne est excellente. Si Borrelli ne dispute pas la moindre minute, il ne s'en plaint pas. Mais soudain, l'horrible se produit. Le 3 février 1999, au volant de sa BMW, il percute un camion sur la RN6. Non loin de Molphey, au plein centre de la Côte-d'Or, dans un fracas de tôle, Luc Borrelli trouve la mort.

À sa messe d'enterrement, quelques jours plus tard, le public se masse. Près de 2000 personnes sont là pour lui rendre hommage, dont notamment Marcel Dib, Michel Denisot ou encore Bernard Lama. À Marseille, où il est inhumé, l'émotion est grande. À Caen, les supporters lui rendent un hommage vibrant. Le club rebaptise même une des tribunes en son honneur. Le SC Toulon, qui végète alors dans les divisions inférieures, fait de même. L'Olympique Lyonnais, lui, retire le numéro 16 (*). Deux ans plus tard, lors de la finale de Coupe de la Ligue qui marquera le coup d'envoi de la série de titres de l'OL, Grégory Coupet porte le maillot de Borrelli lors de l'échauffement. Seul le Paris Saint-Germain ne rend pas d'hommage solennel à son ancien gardien.

Près de vingt ans après sa disparition, Luc Borrelli est toujours un nom qui résonne dans le monde du football. En effet, sous l'impulsion de son frère Franck, la famille Borrelli organise tous les ans des stages à destination notamment des jeunes gardiens. Une manière, quelque part, de perpétuer en même temps la mémoire de Robert Thibes en même temps que celle de Luc Borrelli. Au détour de ces stages, on peut même parfois trouver Grégory Coupet, profondément marqué dans sa carrière par Luc Borrelli.

Pour moi, c’était un grand Monsieur. Il m’a apporté beaucoup et restera à jamais un modèle. Si je peux poursuivre sur la voie qu’il a tracée, c'est un honneur. Les gens qui ont eu la chance de le connaître le savent : il était d’une générosité incroyable. Aujourd’hui, que le message qu’il faisait passer aux jeunes – à l’OL notamment pour moi, mais partout où il est passé – puisse continuer à être transmis, c’est capital.

- Grégory Coupet

(*) Du fait d'une réglementation de la LFP sur les numéros de maillot des gardiens de but, le numéro 16 lyonnais a dû être réattribué à Anthony Lopes en 2012.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par NSOL31, membre du Café du Commerce OL.