Marseille est-il devenu LE grand rival de l'OL ?
Le 06.11.2022 par tomabadie98A l’aube d’un nouveau duel face à l’Olympique de Marseille, certains médias et supporters se posent la question : est-ce que ce match est devenu LE match de la saison, est-ce que Marseille est devenu LE grand rival ? On a donné la plume à deux rédacteurs, qui ont des avis qui divergent sur la question.
Non - Tyfoun
On se demande si Marseille est LE nouveau rival. Pas UN nouveau rival parmi d’autres, mais bien celui qui les supplante tous. Et dans ce cas précis, ma réponse est bien évidemment non. Une rivalité est le fruit d’une histoire, de faits de matchs, d’une culture, et en cela les affrontements entre l’OM et l’OL sont encore bien loin de supplanter ceux entre les voisins de la région Rhône Alpes.
Nous sommes encore d’une génération qui a été bordée avec les histoires de derbys historiques, ces derbys qui ont survécu aux passages en D2 successifs des deux clubs. Enfant, la génération 90 a vu l’OL devenir champion sans la présence du voisin en championnat, avant que celui-ci ne parvienne à remonter en D1 à l’heure où l'OL était au plus fort de sa forme. Et si, d’habitude, les matchs d'un promu face à un champion ont peu d’enjeu et d'intérêt, ces derbys sont presque tous sans exceptions rentrés dans l’histoire, des banderoles aux jets de fumigènes, des scénarios de folies aux roustes légendaires. Notre génération a vu, comme les précédentes, une partie de l’histoire de cette rivalité s’écrire jour après jour.
Elle est là, l’origine des rivalités. Un héritage transmis de génération en génération. Une rivalité, c’est la passation d’une histoire, une partie de notre identité, et si celle avec l’OM peut être exacerbée en ce moment par des résultats sportifs, celle avec l’ASSE demeurera à jamais exacerbée par la proximité géographique entre les deux équipes. Quelle entreprise lyonnaise n’a pas ses employés lyonnais et stéphanois qui continuent de se charrier, même si les équipes ne disputent plus le même championnat ? Quel stéphanois n’as pas charrié ses collègues lyonnais après l'enchaînement de défaites consécutives en septembre (et octobre) avant de prendre un « Vous de toute façon vous faites pire mais en L2 » ? Ce genre de pique entretient au quotidien la rivalité, et fait qu'elle perdurera malgré la descente aux enfers du club du Forez.
N’oublions pas à quel point cette rivalité est ancrée dans notre identité, au point que le club a envisagé de supprimer le numéro 42 de tous ses sièges, et a forcé Groupama à créer un logo spécifique au stade afin de ne pas voir de vert arboré sur le parvis. N’oublions pas ce goût de défaite amer resté un soir de défaite dans un centième derby, n’oublions pas les victoires arrachées à Geoffroy Guichard, l’émotion du soir où Fékir rappela l’âge minimum pour regarder un derby à tout un stade… Nous ne sommes pas ici dans le cas d’une rivalité de 5 ans, montée par des médias qui voient la passion autour du classico s’étioler du fait d’un PSG surdominant. Ce sont ces mêmes médias qui ont créé le terme « d’Olympico » afin de mieux vendre l’affiche entre les deux olympiques.
S’il ne fait nul doute que, sportivement, la rivalité entre l'OL et l'OM est forte, pour être LE rival, le Némésis d’un club, cela va bien au-delà de ces affrontements à fort enjeu sportif. La rivalité entre stéphanois et lyonnais trouve ses origines bien au-delà du foot, c’est l’économie bourgeoise contre l’économie ouvrière du milieu du 20ième siècle qui s’est infusée petit à petit jusqu'au rectangle vert. Un Derby, c'est une solution « pacifique » pour déclarer qui était le plus fort des deux. Il n’y a jamais eu d’amitié entre les deux clubs, jamais, chose qu’on ne peut affirmer pour l’OL et l’OM quand on se rappelle l’amitié entre Jean-Michel Aulas et Bernard Tapie puis Pape Diouf.
Enfin, il suffit d’entendre la réaction du public lyonnais quand sont passés au Parc OL cette année des Hamouma, Diony, Cabella, Bamba, pour comprendre que cette rivalité toujours, qu’elle sommeille dans les travées du Groupama Stadium en attendant qu’un soir de Derby, elle surgisse à nouveau pour faire rugir 60 000 Lyonnais qui n’attendront qu’une chose : vaincre les Stéphanois. Alors oui, en attendant, sportivement, Marseille est un rival un peu plus important que les autres en Ligue 1, mais non, il n’est pas LE rival de l’OL, tant que le club situé dans la banlieue lyonnaise continue d’exister.
Oui, mais... - Tom
Une rivalité est évidemment historique, le Derby est évidemment ce qui importe le plus pour les supporters de l’Olympique Lyonnais et ceux de Saint-Etienne. Le 42, le vert, tout cela entre évidemment en compte lorsque l’on pense à une rivalité forte, et surtout LA plus forte. Cependant, la question tourne plutôt autour du match de la saison et là, je pense qu’il y des arguments pour le oui.
Bien sûr, la rivalité avec les Verts ne diminue pas parce qu’ils sont descendus, ils disaient d'ailleurs la même chose lorsque les Gones n’étaient pas dans le même championnat qu'eux. Certains supporters, comme moi-même, ont toujours connu les deux clubs en première division jusqu’à cette saison, donc ce n’est pas une expérience qui se comprend réellement, mais l’on peut l’imaginer. Mais là, le débat tourne donc sur le plan sportif actuel. Et quel match, en Ligue 1, excluant donc un Derby en Coupe si Sainté n’avait pas été éliminé, rassemble autant de monde au stade, autour de son écran, et provoque une si grande excitation ? On a vu de belles affluences la semaine dernière contre Lille, un club qui historiquement ne réussit pas aux Gones, mais autrement ? Paris ? Ils ont les meilleurs joueurs, jouent dans une autre sphère que l’OL ces dernières saisons, et pourtant Lyon arrive souvent à sortir de très gros matchs face aux Parisiens. On n’attend tout de même pas un résultat dans ce match-là, qui malheureusement se solde très souvent par des défaites, parfois très lourdes.
Qui, sportivement, se rapproche depuis 10 ans de l’OL ? L’Olympique de Marseille. Au classement cumulé sur la décennie 2010-2019, Paris est en tête avec 824 points, Lyon deuxième avec 681 et Marseille juste derrière avec 645. Lille suit, et Saint-Etienne se retrouve 5ème, à presque 100 points de Lyon. Les deux Olympiques se sont donc souvent battus, particulièrement sur cette décennie précise, pour les podiums et la place de dauphin entre eux. Ceci a donné lieu à des matchs exceptionnels, notamment ce fameux 5-5, qui reste, pour ma génération, l’un des premiers très grands matchs dont on se souvient en tant que supporter du club.
Justement, c’est peut-être là que l'on tient un argument fort : pour ma génération, sportivement, Saint-Etienne a été moins présent que l’OM, particulièrement au classement. Les résultats lyonnais dans le Derby se sont certes empirés depuis 4-5 ans, mais jusqu’au 100ème, les victoires stéphanoises étaient plus rares. L’esprit de compétition intensifie les rivalités : les matchs à enjeu entre Marseille et Lyon sont bien plus récurrents, que ce soit ces dernières années ou même historiquement, tant l'OL et l'ASSE ont rarement vécu de grandes périodes en même temps. Les matchs ont toujours été très attendus, mais le niveau était tout aussi présent dans un Olympico, qui est désormais devenu le seul des deux chocs possibles cette saison en Ligue 1. En termes purement sportifs, s’il y a bien un match à gagner cette saison, c’est celui-ci.
Mais... une rivalité reste plus forte que le sportif. Évidemment, comme le « Classique », « l’Olympico » existe grâce aux médias et notamment Canal +. La rivalité intrinsèque entre les clubs ne remonte pas à plusieurs décennies de combats acharnés sur le terrain, et on pourra bien sûr dire que c’est un choc monté de toute pièce, qui ne devrait pas exister dans la conscience collective lorsque l’on pense aux rivalités. Cependant, nombreux ont grandi avec l’image forte de cette rivalité, et l'ont intégrée dans leurs cœurs et leurs têtes, l’ont amplifié et l’ont rendue absolument essentielle dans une saison. Cela se traduit par un certain désamour pour les joueurs de l’équipe adverse : nombreux diront que depuis quelques années, les joueurs stéphanois inspirent de moins en moins la hantise, et plutôt un simple rejet. Il faut gagner un Derby certes, et un Lyonnais n’aime pas ce qui représente les Verts, mais l’effectif et les dirigeants de l'ASSE laissent maintenant bon nombre d'entre nous plutôt indifférents. En revanche, si l’on se fie à la bouteille jetée sur Payet, à l’effigie de Valbuena pendue au Vélodrome,etc... les joueurs de Marseille (et inversement de l’OL) sont visiblement devenus sources de rage, voire même de haine du côté des supporters.
Nombreux sont les Lyonnais qui pourront s’unir contre un Guendouzi ou un Payet, et j’imagine que Memphis n’était pas dans les cœurs marseillais, notamment après son but à la dernière minute à Marseille. La rivalité est exacerbée, les joueurs le ressentent certainement, et les supporters sont ravis de chambrer et d'insulter tout autant les joueurs marseillais que les Stéphanois fut un temps. Le désamour pour les dirigeants marseillais tels que Eyraud ou Labrune s’est également intensifié, au niveau du public comme des dirigeants lyonnais. Bien que Jean-Michel Aulas s'entendait bien avec Pape Diouf et Tapie, ce n’est certainement plus le cas avec les récents présidents phocéens.
L’argument principal que j’essaye de démontrer est le suivant : bien sûr, la rivalité avec Saint-Etienne est toujours forte, même si les plus jeunes et ceux qui n’habitent pas Lyon ne comprennent plus forcément l’étendue de cette rivalité. Celle avec Marseille s’est renforcée depuis 10-15 ans, mais cette dernière ne devient pas pour autant LA rivalité principale, à mon avis. Nombreux sont ceux qui ont des amis marseillais, à Lyon ou ailleurs, qui ont donc un plus grand contact avec cette rivalité que celle avec les Verts. Le match contre Marseille devient probablement le match le plus important de l’année, d’un point de vue sportif, étant donné que Sainté ne fait plus partie de l’élite et ne devrait pas l’être pour un moment. Tout le monde devrait cependant s’unir et dire que la rivalité culturelle, morale, sociologique et historique avec Saint-Etienne reste la plus forte.
Un futur indécis
Les fervents supporters de la rivalité avec Saint-Etienne, notamment en région lyonnaise, sont très attachés aux coutumes de cette rivalité et aux racines de celle-ci. Le derby, pour eux, restera à jamais LE rival historique et la rivalité indétrônable. Cependant, ils peuvent admettre que l’histoire de l’affrontement avec l’OM permet d’installer dans les têtes lyonnaises ce qui pourrait advenir si les Verts restent trop longtemps en Ligue 2. Loin des yeux, loin du cœur ? Pas seulement.
Partout dans le monde, certaines rivalités existent malgré le différentiel de divisions entre les clubs. Et que les réunions, notamment en coupes ou lorsque les clubs se rejoignent enfin dans les mêmes championnats, sont d’autant plus fortes. Cependant, cela n’empêche pas les clubs de parfois trouver d’autres rivaux avec qui batailler 2 ou plus de matchs chaque saison, pour garder cette attache sportive à une rivalité. Cela ne remplace pas pour autant l’histoire de la principale rivalité, notamment d’un derby comme celui entre Lyon et Saint-Etienne, mais cela peut tout de même pondre des matchs envenimés, des échanges corsés en tribunes et en ligne, et ce n’est pas un problème pour autant.
Donc, ce weekend, dans un match dont la rivalité a été en grande partie constituée par les médias, il faudra gagner pour frimer devant nos supporters adverses. Il faudra batailler sur et en dehors du terrain pour continuer cette belle lancée de résultats. Il ne faudra cependant pas tomber dans l’amnésie et oublier que ce match ne pourra, probablement, jamais rivaliser avec le Derby en termes de ferveur et de hantise.
(Crédit photo en tête : Onze Mondial)