Non Jeff, pas ça…
Le 04.09.2020 par AymericCdCPas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu n’as pas encore fait.
La sidération
Le premier sentiment, Jeff, que j’ai eu en lisant tes interviews, c’est la sidération. L’incompréhension la plus totale. Je n’en revenais pas, tout simplement.
Tout commence avec une notification que je reçois. C’est une notification de l’Équipe. Je vois que c’est une interview que tu donnes, et avant de voir le sujet, je le sens mal. Pourquoi donner une interview maintenant ? Qu’est-ce que tu pourrais bien avoir à dire ?
Je me lance dans la lecture et… et les bras m’en tombent. « Je ne vois pas forcément mon avenir proche à Lyon ».
Pourquoi t’étaler comme ça dans les médias ? Car, oui, tu donnes non pas une interview mais deux, une pour l’Équipe et l’autre pour RMC Sport.C’est un véritable plan de communication. Orchestré par qui ? Ton agent ? Des conseillers mal avisés ? Ou c’est de ta propre initiative ?
Nous y reviendrons plus tard. Intéressons-nous d’abord à tes propos. Tu te plains du fait que tu ne progresses pas depuis 1 an à cause de ton manque temps de jeu : c’est là où ça paraît lunaire pour les supporters lyonnais.
Tu es arrivé à l’Olympique Lyonnais il y a une saison seulement et cette saison a été tronquée à la fois par ta blessure grave mais aussi par la crise sanitaire. Comment tirer de grandes conclusions d’une saison aussi étrange ? Pourquoi le faire surtout ? Tu reviens tout juste d’une blessure parmi les plus graves et tu ne comprends pas pourquoi tu ne joues pas plus ? Vraiment ?
Un chouchou déchu
On prend du recul et on se demande encore une fois : pourquoi ? Je ne sais pas si tu en as conscience mais tu es clairement un des chouchoux des supporters lyonnais. Tes arabesques, ton impact, ton grand sourire mais aussi ton petit saut lors du second but de Dembélé contre Manchester City nous ont fait tomber amoureux de toi. Pourquoi tout gâcher ? Tu es pétri de talent, tu perfores les milieux de terrain comme peu de joueurs savent le faire, tu es à la fois technique, puissant et ambitieux. Alors pourquoi te mettre dans cette situation ?
Tu es (une grande partie de) l’avenir de ce club ! Tu es jeune, brillant, capitaine des espoirs et apprécié de tous. L’avenir t’appartient. Surtout que de nombreux leaders techniques de cette équipe sont amenés à découvrir d’autres cieux dans les prochaines semaines ou les prochains mois (Dembélé, Aouar voire Depay) et une place de titulaire te tend clairement les bras. Et toi, au lieu de la saisir, tu décides de tout faire péter ? L’incompréhension demeure.
Mais aussi, pourquoi maintenant ? Le championnat commence à peine, nous avons fait un parcours merveilleux en Ligue des Champions qui a permis de combler (en partie au moins) le fossé qui s’était creusé entre ton équipe et ses supporters. Pourquoi mettre le feu aux poudres durant cette accalmie ? Pourquoi suivre le chemin emprunté par Toko Ekambi et Garcia avec leurs interviews respectives ? Je ne comprends pas. Nous pouvions capitaliser sur quelque chose de beau, mais non…
Une stratégie de communication catastrophique
Tu parles de promesses non tenues, de double discours (« Il y a un discours la semaine et un autre le week-end »). Mais pourquoi ne pas garder cette frustration en interne ? Pourquoi ne pas trouver des solutions au sein du club, sans partager ton mal-être à toute la planète football ? Ne dit-on pas qu’« il faut laver son linge sale en famille » ?
Cette stratégie de communication paraît catastrophique. Organisée, certes, mais totalement irrationnelle, voire impardonnable. On ne dévoile pas les discussions internes du club dans la presse. Mais surtout, on ne met pas des coups de pression à son entraîneur, son directeur sportif voire son président dans les journaux. C’est un point de non-retour.
Après l’incompréhension, la frustration
La nôtre d’abord, puis la tienne. En effet, après avoir été sidéré, énervé, abasourdi par tes propos, j’ai tenté de prendre du recul, de me mettre à ta place.
Si rien ne semble justifier cette sortie, tant dans le fond que dans la forme, j’ai essayé de suivre le fil d’Ariane pour tenter de saisir les raisons (qu’elles soient bonnes ou non, ce n’est pas le débat ici) qui t’ont poussé à t’épancher comme ça. Par empathie bien sûr, mais surtout parce que je ne peux pas me résoudre à te voir partir comme ça. Et puis aussi parce que cette sortie semble tellement manquer de sens que je ne peux accepter de n’en avoir qu’une première lecture. Il faut creuser.
Tout d’abord, je me suis dit que cette stratégie, ces propos n’étaient pas les tiens. Les agents et conseillers ont une emprise totale sur beaucoup de joueurs, alors pourquoi pas toi ? Qui serait derrière cette idée alors ? Ton agent, c’est-à-dire ton frère ? L’exemple de Rabiot nous a montré que de choisir comme principal conseiller quelqu’un de sa famille pouvait être catastrophique… D’autres proches qu’on ne connaît pas t’auraient-ils influencé ? Des coéquipiers à Lyon, voire en Équipe de France ?
Puis je me suis penché de nouveau sur tes propos, ce qui se cache derrière, ce qui transpire derrière tes mots. Et si cette sortie médiatique était comme un ultime recours ? As-tu le sentiment d’avoir épuisé toutes les autres options ?
En relisant tes mots j’ai ressenti une profonde frustration, une tristesse, une incompréhension. Mais d’où provient-elle ?
Est-ce que c’est ta blessure et ton retour de blessure que tu as du mal à digérer ? T’es-tu senti seul, pas assez soutenu ? Ces mois loin des terrains semblent t’avoir affecté profondément. Revenir de blessure n’est jamais simple, et encore moins dans le cas d’une déchirure des ligaments croisés. Cette frustration pourrait provenir de ton jeune âge et du fait que tu commençais à faire tes preuves, notamment en Ligue des Champions, avant cette maudite soirée.
Le fait de ne pas être titulaire dans des matchs aussi prestigieux qu’un 1/8, un ¼ ou une ½ de ligue des champions a dû être dur à accepter, à digérer même si la décision semble plutôt logique. Incorporer dans son 11 deux joueurs revenant d’une déchirure des ligaments croisés semblait déraisonnable, d’autant que Bruno et Maxence survolaient les débats au milieu de terrain, ton terrain de jeu de prédilection. Et si tu réfléchis bien, même Moussa n’était pas titulaire durant ces échéances.
Puis je retombe sur ton passage sur des promesses bafouées, des discours incohérents avec les actes. Comme beaucoup, j’ai pensé à Rudi Garcia, à son côté clivant, que ce soit dans le vestiaire ou en dehors. N’a-t-il pas fait exploser le vestiaire marseillais dès sa seconde année dans le club ? Est-ce lui qui te tient un double-discours ? Est-ce que des promesses sont faites la semaine sans être honorées le week-end ? Est-ce qu’on t’aurait menti ? Est-ce qu’il y un fossé entre ce que te dit Garcia et Juninho ? Ce ne serait pas la première fois…
Interdépendance et intelligence
Encore une fois, je le répète, je ne peux pas me résoudre à te voir partir. Nous avons besoin de toi, tu es notre futur mais surtout, tu as besoin de nous. Si tu veux avoir une carrière digne de ce nom, il faut que tu restes à Lyon, que tu prouves à tout le monde que tu es un top player, Quel club sait mieux révéler les talents que l’Olympique Lyonnais ? Il faut que tu sois patient et que ta frustration te pousse à montrer toujours plus, à te dépasser, à prouver à tout le monde que tu es destiné à briller.
Et ça, Juninho, notre idole à tous, l’a compris. Il a rangé son bâton, qu’il a parfois agité pour faire rentrer certains dans le rang, pour faire preuve de diplomatie et dépassionner le débat. Écoute-le, s’il-te-plaît. Sa carrière parle pour lui, sa réputation aussi. Juninho est un champion, dans tout ce qu’il entreprend. C’est un compétiteur, un mort de faim, et c’est pour ça qu’il comprend ta frustration, ton impatience, qu’il ne condamne pas ta sortie. Lui aussi a rencontré des situations similaires, il saura te guider.
Parle avec lui, Juninho connaît l’Olympique Lyonnais par cœur, son fonctionnement, son identité, son Président. Il fait partie des meubles et il est destiné à diriger ce club pendant longtemps encore. Et Juninho est humain, profondément empathique et aimant. Il saura te conseiller, te faire progresser, il parviendra à transformer ta frustration en rage de vaincre.
Jeff, tu ne partiras pas. Non pas parce que tu n’es pas libre de le faire (même si ça se discute) mais parce que ce serait la mauvaise décision. Tu as tenté de te tirer une balle dans le pied. Tu t’es à peine écorché. Ne recommence pas.
L’histoire d’amour entre toi et nous ne fait que commencer…