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OL Academy : la stratégie pour rester dans l'élite de la formation

Le 01.05.2020 par joh

L’Olympique Lyonnais connait une saison à multiples rebonds et alors qu’on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir, il peut être intéressant d’observer ce qu’il se passe en coulisse. Les coulisses du centre de formation plus exactement.

C’est certainement l’une des plus grandes fiertés de Jean-Michel Aulas. Son académie a permis l’éclosion de nombreux jeunes talents. Karim Benzema, Alexandre Lacazette, Nabil Fekir, Corentin Tolisso ou encore Samuel Umtiti, la liste est longue… Plus généralement, les purs produits issus du centre de formation rhodanien ont inondé les championnats européens. Encore en 2019, d’après l’observatoire du football CIES, l'Olympique Lyonnais reste en haut du classement des meilleurs clubs formateurs du vieux continent (les 5 grands championnats), pointant à la dernière marche du podium, derrière les deux géants espagnols.

Néanmoins, cet indicateur a une dimension purement quantitative. le club résident de Décines compte 30 joueurs formés au club évoluant actuellement dans les 5 grands championnats. Est-ce suffisant pour évaluer la qualité d’un centre de formation ? Cela engendre une réflexion : la formation lyonnaise est-elle à son apogée ? Peut-elle encore aller plus haut ?

Dans un entretien avec Jean-François Vulliez, Amaury Barlet, Pierre Sage et Jérémie Bréchet, nous avons pu approfondir, réaliser une synthèse et comprendre les ambitions de l’académie à travers les catégories U17 et U16 : un pôle expérimental et de réflexion.

Le football en pleine métamorphose

On le sait, le président lyonnais a eu un temps d’avance sur les clubs français lorsqu’il a décidé d’investir massivement dans la formation. Aujourd’hui plusieurs écuries françaises ont pris exemple et commencent peu à peu à en voir les résultats : Paris, Monaco, Rennes, Lille… La difficulté pour le septuple champion de France est ainsi de pouvoir continuer à se démarquer. Comment ? L’OL peut évidemment capitaliser sur son expérience, sur sa cellule pédagogique très performante qui lui permet d’avoir un bon suivi des joueurs.

Mais les gones n’y échappent pas, au cours des dix dernières années, le football s’est métamorphosé : une évolution sur le plan tactique, des mentalités, du management. Jean-François Vulliez, directeur du centre de formation de l’Olympique Lyonnais fait ce constat lucide : « Il était important pour nous de se dire, "ok la formation à l’OL c’est bien, mais comment rester au top mondial, au top européen dans un contexte de formation qui évolue" ».

De nombreuses philosophies sont nées ou se sont développées au cours de la dernière décennie. Peut-on manager les joueurs de la même façon qu’il y a 15 ans ? L’émergence du digital dans la société n’a-t-elle pas permis aux grands penseurs du football de mieux comprendre ce sport, d’identifier davantage les leviers de performance ? Vous l’avez compris, le football est sans doute arrivé à maturité et ceci a donné l’opportunité à certains clubs d’évoluer en conséquence, à l’aide d’analystes qui ont senti le vent tourner.

Amaury Barlet, au club depuis 9 ans, a ressenti à maintes reprises lors de tournois de jeunes que des clubs étrangers avaient placé la barre haute « J’ai été beaucoup marqué avec les U13 lors de tournois à 11 contre 11 face à des clubs étrangers, globalement parce qu’on s’est retrouvé en difficulté dans beaucoup de tournois dans les aspects du jeu, les aspects tactiques et mentaux. On s’est retrouvé régulièrement face à des staffs de 7 à 10 personnes (dont des kinés, vidéastes) tandis que nous étions 3 ou 4, sachant que c’était déjà conséquent sur ces catégories en comparaison avec les autres clubs français ». Même son de cloche du coté de Jérémie Bréchet qui relate une anecdote avec l’un de ses jeunes « Je me rappelle l’année dernière d’un jeune qui croyait être largement au-dessus de sa catégorie. Finalement lors d’un tournoi, en allant jouer face au Racing Genk avec déjà une identité de jeu en U13, il se rend compte qu’il avait encore beaucoup de chemin à parcourir. Marqué par la capacité de cet adversaire à jouer ensemble. On avait pris un bouillon (rire) ».

Ces éducateurs de l’Olympique Lyonnais ont été confrontés à de nombreux clubs et ont été les témoins que l’approche du ballon rond avait beaucoup changé à l’étranger. C’est un secret de polichinelle, la France n’a pas pris le bon wagon et s’est retrouvée bloquée dix ans en arrière. Si l’OL a toujours été le club le plus mature au sujet de la formation en France, tactiquement ou encore au niveau de l’encadrement, le club de Jean-Michel Aulas a pris du retard sur ses voisins étrangers.

Ce constat nous emmène à la problématique initialement posée par Jean-François Vulliez : comment rester dans l’élite de la formation européenne ?

Jean-François Vulliez

Comment s’adapter au football moderne ?

La réflexion a pourtant démarré assez tôt à Lyon puisque Rémi Garde avait réalisé des travaux de recherche il y a 10 ans. L’actuel directeur du centre de formation de l’OL nous raconte comment il a été recruté et dans quel objectif : « Quand j’ai été recruté en 2011, c’était pour donner suite au projet de Rémi Garde qui avait développé un mémoire sur la formation à l’Olympique Lyonnais. Il s’apercevait qu’à l’étranger il y avait beaucoup d’évolution dans les clubs. Les clubs étaient en réflexion à travers les universités et la recherche. Il trouvait qu’à Lyon il y avait un certain conservatisme, il constatait qu’il fallait insuffler une nouvelle dynamique, une nouvelle réflexion. C’est pour cette raison que je suis arrivé à l’école de foot et à la pré-formation, pour réfléchir à comment on pouvait faire évoluer la « méthodologie OL » ».

Si le constat a finalement été réalisé assez tôt à l’OL, le fait de changer les mentalités et de mettre en place une nouvelle méthodologie prend du temps. Ça nécessite en amont une période de réflexion avant d’expérimenter. Mais surtout, il n’est pas question de faire une croix sur tout ce qui a été entrepris auparavant. Pour Pierre Sage, il est capital de composer en fonction de l’histoire du club : « Aujourd’hui il y a une culture de formation à l’Olympique Lyonnais et l’idée c’est de capitaliser dessus. A Nantes quand Kita est arrivé, il a repeint les murs sur lesquels il y avait des messages où on parlait de Suaudeau ou de ce qu’avait fait Denoueix, c’est la pire des choses à faire dans un club. L’histoire est importante, c’est le trait d’union entre toutes les personnes, on ne part pas d’une feuille blanche. Agir dans un club, c’est agir dans un contexte ».

Jean-François Vulliez poursuit en expliquant les fondamentaux de la stratégie en cours d’application : « L’idée c’était d’échanger, de réfléchir à travers le jeu de position, l’approche systémique, l’ADN OL, la périodisation tactique, comment à travers des concepts et des théories on pouvait expérimenter et mettre en place une méthodologie propre à l’OL. Pas la méthodologie Barca, Manchester ou Ajax, mais la méthodologie OL, en gardant sa culture. »

L’Académie OL est en pleine remise en question pour retrouver un second souffle dans la perspective de se maintenir dans l’élite de la formation européenne. Pour y arriver ça passera nécessairement par un regard sur ce qu’il se fait à l’étranger, sur ce que les théoriciens du football ont pu développer dans des études ou encore dans la capacité à identifier les facteurs clés de succès chez les clubs les plus performants. Néanmoins, la méthodologie doit être construite à partir de la culture de l’Olympique Lyonnais. C’est ce qu’il lui permettra de bénéficier d’une singularité et de se démarquer des autres modèles de formation. Progresser tout en accentuant la notion d’identité OL, dans les idées, la formation et le jeu.

La cellule méthodologique et le laboratoire

Une cellule méthodologique a été créée en août 2019 et composée des managers de toutes les sections du club (école de foot, préformation et formation masculine et féminine) ainsi que Pierre Sage et Jérémie Bréchet sur le pôle U16/U17. Cela a permis de mener dans le même temps, la phase de réflexion et d'orientation avec la cellule et une phase d'expérimentation avec le pôle U16-U17. La cellule a vocation à déterminer les orientations méthodologiques avant d’accompagner les différents staffs son déploiement. Ces précisions marqueront le processus menant de l’expérimentation à la validation puis, donc, au déploiement.

Un laboratoire a alors été développé sur les catégories U17 et U16. Ce pôle a pour objectif de permettre aux différents acteurs de réfléchir, échanger et expérimenter. Vulliez nous explique comment a été construite cette équipe :

« La première logique a été d’associer des personnes qui ont une ouverture d’esprit, capables de s’écouter, de prendre de la hauteur et de se dire que peut-être, on peut prendre un autre angle, avoir une autre perception du jeu et pouvoir ainsi s’écouter pour pouvoir expérimenter des choses ensemble. Amaury a été nommé à la tête du pôle U17 parce qu’il était là depuis 9 ans, on avait déjà beaucoup expérimenté ensemble lorsqu’il entraînait les U12. Après avoir confié ce rôle de manager à Amaury, on lui a associé des personnes qui étaient des ressources. L’arrivée de Pierre Sage a été majeure parce que je connaissais son travail et ses expérimentations. Comme l’arrivée de Jérémie Bréchet en provenance des U13 a été majeure également, afin qu’il puisse nous partager son expérience de jeune footballeur à l’OL mais aussi ses expériences de l’étranger. Il y a également Nicolas Munda qui est le partenaire de Pierre sur les U16 qui est plus en lien avec la partie cognitive et mentale. »

Ce pôle U17/U16 est constitué d’un staff d’une dizaine de personnes. Ces catégories connaissent une importante nouveauté avec notamment l’arrivée de deux vidéastes. Amaury Barlet en manager du pôle et entraîneur principal de l’équipe U17 avec Jérémie Bréchet en adjoint. Pierre Sage, fraichement arrivé l’été dernier en provenance de l’AS Lyon Duchère, a pris la tête de l’équipe U16 avec Nicolas Munda à ses côtés.

Ces catégories d’âge sont probablement un bon compromis pour débuter cette expérience, les groupes de joueurs sont relativement stables en comparaison avec les U19 ou la réserve. De plus, à partir de 15 ans, les jeunes commencent à être en capacité de mieux comprendre les concepts de jeu développés par leurs éducateurs.

Amaury Barlet Coach U17

La philosophie de jeu du pôle

Les suiveurs réguliers de l’académie l’auront sûrement relevé, un football très ambitieux a été pratiqué cette saison en U17 et U16. L’équipe de Barlet et Bréchet cumule 84 buts en seulement 20 matchs, de leur coté les hommes de Pierre Sage ont inscrit 69 buts en 15 journées. Deux armadas offensives qui sont probablement la résultante – en bonne partie – de l’application du jeu de position.

Pierre Sage nous explique l’intérêt de pratiquer le jeu de position : « C’est un bon moyen pour tirer des avantages qu’ils soient par rapport à la position qu’on occupe, par rapport au nombre de joueurs que ça mobilise ou selon les rapports de force individuels. C’est-à-dire que lorsqu’on arrive à créer un un-contre-un qu’on est sûr de remporter, c’est une forme d’avantage. Exploiter le jeu de position de manière efficace, c’est tirer des avantages de toute l’organisation qu’on met en place. »

L’actuel entraîneur des U16 nous livre même une définition du jeu de position : « Le jeu de position se définirait en trois temps. Le premier c’est d’identifier les espaces. Dans un deuxième temps, en fonction des espaces, les joueurs auront des positions et des rôles adaptés à chacune des situations. Le troisième temps, ce sont les interactions entre toutes ces positions, c’est-à-dire qu’à partir du moment où je suis dans un espace, j’occupe une fonction et ma fonction sera elle-même liée aux positions et fonctions des autres joueurs. Le joueur doit donc se reconnaître dans l’espace, identifier le rôle à occuper selon le contexte ». Ce concept du jeu de position a été largement démocratisé par Pep Guardiola. Il consiste à organiser une équipe en phase de possession à élaborer de nombreux automatismes permettant de créer le déséquilibre dans le bloc adverse.

Mais comment en arriver à la réflexion que le jeu de position est la solution pour la formation lyonnaise ? Pierre Sage nous dévoile le cheminement qui mène au développement d’une philosophie de jeu : « Nous avons une approche philosophique puisqu’on se pose beaucoup de questions pour arriver à définir des méthodes et notamment des méthodes communes, on essaye de balayer l’ensemble des choses qu’on a à disposition à savoir les idées, les courants, les méthodologies et ensuite on rediscute ces choses-là par rapport à notre contexte qui est celui de la formation à l’Olympique Lyonnais, sur les catégories d’âges qui sont bien ciblées. Nous ne sommes pas là pour appliquer des recettes, mais plutôt pour prendre tous les bons ingrédients des recettes à disposition pour créer notre propre cuisine ». En définitif après de nombreuses réflexions et une fois avoir pris en considération la culture lyonnaise, le jeu de position se présente comme une évidence. L’OL a toujours prôné un football offensif, porté vers l’avant, c’est ancré dans son histoire. Le jeu de position est alors le meilleur moyen pour être protagoniste dans le jeu et tenter d’avoir une emprise sur l’adversaire.

Si les éducateurs du pôle attendent de leurs joueurs qu’ils soient proactifs avec le ballon, ils en attendent autant sans ballon. Il y a ainsi une volonté particulière de presser l’équipe adverse, mais de façon relative selon le contexte. Toujours selon Sage « Lorsqu’on est en train d’attaquer, on se prépare à gérer la situation au cas où on perdrait le ballon. En étant en soutien les uns des autres, on est en mesure de préparer un plan dans le cas où le ballon est perdu. Tandis que lorsque nous n’avons plus le ballon, selon la situation nous pouvons définir un certain nombre de codes. Par exemple si le gardien adverse relance sur l’un des deux défenseurs axiaux, on peut automatiser en amont le déclenchement du pressing ».

Amaury Barlet témoigne de l’efficacité de ce procédé : « On a été très attentif à éveiller les joueurs sur le terrain lorsqu’on perd le ballon. Avec les U17 on est parvenu à marquer pas mal de buts en récupérant le ballon tout juste après l’avoir perdu, parce qu’on est haut sur le terrain, parce qu’on créé de la densité, on a une réaction rapide sur le porteur de balle. On arrive à étouffer l’adversaire dès la perte du ballon ». Le fait d’harceler l’adversaire de façon organisée est finalement assez complémentaire au jeu de position. Plus généralement, la culture du jeu lyonnaise est aussi respectée.

L’objectif de cette vision du football est de contrôler le match, épuiser l’adversaire mais aussi de mieux défendre. Avoir le ballon le plus loin possible de ses propres cages permet de neutraliser (ou presque) l’adversaire. En créant de la densité et en étant proactif ça obligera l’équipe adverse à user d’ingéniosité pour s’en sortir. C’est de plus particulièrement efficace lorsque l’adversaire est intrinsèquement plus faible que notre équipe.

Cette philosophie de jeu conduit à une application spécifique.

L’application de la méthodologie

Pour Jean-François Vulliez, la réflexion doit toujours intervenir avant l’expérimentation : « Lorsqu’on associe toutes ces ressources à Amaury avec la partie athlétique et vidéo, on est en mesure d’avoir des débats philosophiques de jeu qui puissent être opérationnalisés sur le terrain et qui puissent avoir une connexion entre l’entraînement et les matchs » avant de poursuivre « L’idée majeure c’est de garder le fil conducteur qui a fait la force de l’Olympique Lyonnais ces dix dernières années, garder la culture de jeu OL et d’aller s’inspirer de théories et de concepts d’expérimentation qui ont lieu en France ou dans d’autres pays pour pouvoir encore améliorer le projet de formation et ainsi préparer tous les joueurs à vivre au haut niveau. Ils doivent être préparé à pouvoir répondre à des coachs qui ont des concepts, des théories, un langage… Il faut les préparer à ce type de situation ».

Dans la pratique, ce laboratoire nécessite une certaine organisation et coordination en amont : « Sur le pôle, on est sur 3 générations (2003, 2004 et 2005 surclassés), l’objectif durant la saison c’était de constituer des groupes à chaque entraînement dans lesquels les jeunes peuvent progresser » précise Amaury Barlet. « Il fallait qu’on soit très vigilant sur les rapports de force, on a fait des groupes de niveau avec lesquels les éducateurs intervenaient. Ils faisaient des séances avec des ateliers où les groupes tournaient de manière qu’ils aient plusieurs éducateurs qui interviennent sur ces jeunes-là. Et bien sûr l’idée c’était de faire passer des messages communs pour que les week-ends, quand il y a des montées avec les U17 en nationaux, quand il y a des descentes avec les U16, que les jeunes puissent s’intégrer au plus vite et ne soient pas surpris face à un modèle de jeu différent ». Pierre Sage complète « C’est comme si on entraînait une seule équipe, qui se divisait à la fin de la semaine pour disputer des matchs différents ».

On comprend mieux donc cette notion de pôle. Durant les entraînements les catégories U17 et U16 sont alors confondues et pratiquent les mêmes exercices et plus globalement, sont régis sous la même méthodologie.

Pierre Sage et Vulliez

Néanmoins la situation au sein de ce pôle a beaucoup évolué après pratiquement une saison d’activité « En début d’année on s’est attaché - de par la particularité d’avoir 2 équipes – à poser des repères communs pour les joueurs et donc les systèmes étaient relativement fixes remarque Pierre Sage. Et plus leur niveau de conscience de tous ces paramètres étaient avancés, plus on s’est attaché à adopter des systèmes qui correspondaient aux caractéristiques des joueurs qu’on avait à disposition, dans la volonté de jouer comme on le souhaitait aussi. Autant en début d’année on avait un cadre commun, autant à la fin on avait plutôt des équipes liquides qui s’adaptaient aux joueurs qui étaient alignés ». Autrement dit, les coachs attendent une certaine flexibilité de leurs joueurs, qu’ils soient capables de gagner en autonomie.

C’est d’ailleurs un des leviers de performance dans le football d’aujourd’hui. Être en mesure de responsabiliser ses joueurs sur le terrain et les rendre davantage acteurs. C’est faire preuve d’humilité en tant qu’entraîneur de reconnaitre de ne pas toujours pouvoir trouver la solution dans l’immédiat en match. Il est alors déterminant que les joueurs puissent eux-mêmes être analystes sur le terrain. Pour le directeur du centre de formation c’est capital « C’est important qu’on forme les joueurs à être autonomes et à jouer différents types de jeu, parce que le jeu va encore évoluer. La meilleure façon de s’adapter c’est comprendre le jeu et de pouvoir être autonome à la fois dans sa personnalité que dans sa conscience du jeu. La capacité d’un joueur à élaborer une carte mentale du jeu. Les grands joueurs voient souvent le jeu d’au-dessus ».

Concernant le système de jeu, les éducateurs n’ont pas souhaité être rigides sur ce point comme l’explique Amaury Barlet « Il n’y avait pas de systèmes définis, on a beaucoup travaillé sur un 4-3-3 en début d’année puis au fil de la saison, que ce soit les U16 ou U17, on commençait à passer des défenses à 3. Je trouve que c’est aussi important que nos jeunes arrivent à identifier les failles et les points forts de chaque système, qu’ils se construisent cette culture tactique pour la mettre en place ensuite face à des équipes. Il n’y a pas de système défini mais un modèle de jeu basé sur le jeu de position, dans lequel Pierre (Sage) nous a beaucoup apporté et sur lequel on a beaucoup travaillé durant la saison. Je trouve qu’on a ouvert l’esprit de nos jeunes. On a beaucoup travaillé avec la volonté de posséder le ballon, ça a été un des axes de la saison ».

La difficulté pour ces éducateurs c’est aussi de pouvoir adopter le bon management. Au fil des décennies, les mentalités ont beaucoup évolué ce qui impacte la façon dont on interagit avec les jeunes, comme le note Jérémie Bréchet : « Les canaux de communication sont différents, la façon de communiquer avec eux est différente. Désormais on ne donne plus la solution, on essaye de créer des contextes d’apprentissage pour optimiser leur capacité d’apprentissage qui est différente selon leur maturité. Leur poser des problématiques et les faire réfléchir à trouver des solutions. On cherche désormais à développer les capacités cognitives ». Il n’est plus possible de manager un groupe de joueurs comme il y a 20 ans. Il n’est plus convenable de demander à ses joueurs d’appliquer les consignes à la lettre. L’éducateur doit transmettre le maximum de « clés » à ses joueurs tout en leur donnant une ligne directrice à suivre. Il doit les aider à devenir autonome pour qu’ils puissent être capables d’exprimer toute leur créativité.

Le déploiement de la méthodologie

Au moment de dresser un bilan à l’issue de cette première saison, Amaury Barlet se livre sur son ressenti : « On a essayé de leur démontrer tout au long de la saison de par leur culture tactique, leur placement, qu’ils allaient contribuer à la réussite d’une action et peut être sans toucher le ballon. Il faut certainement faire évoluer les mentalités chez les jeunes footballeurs français. La France a sans doute les joueurs les plus talentueux balle au pied en Europe, mais sur cet aspect mental, il y a vraiment une marge de progression. Et si on interroge nos jeunes sur leur saison, je pense que c’est ce qui ressortirait (la prise de conscience de l’importance du jeu sans ballon). On les a beaucoup éveillés sur le plan tactique. Je pense que c’est très bénéfique à la fois pour les joueurs mais aussi nous les entraîneurs qui avons beaucoup appris au cours de cette saison ».

A travers cette synthèse, Pierre Sage se projette sur l’enseignement qu’il faut en tirer « La difficulté lorsque tu diriges une équipe de jeunes, c’est que tu as la sensation de recommencer le même travail chaque saison avec les nouvelles générations. C’est probablement ce qui a conduit le club à créer cette cellule de méthodologie. Dans le but de développer des bases communes sur lesquelles chacun des coachs pourra capitaliser et ne pas repartir de zéro chaque saison ». Cela nous emmène donc à savoir si ce laboratoire sera dupliqué sur le reste l’académie…

Tout est prévu, Jean-François Vulliez l’annonce « On s’est mis d’accord sur les concepts à travers l’expérimentation de la méthodologie OL. On va être dans une phase de déploiement avec tous les staffs de la formation (masculins et féminins), des U8 jusqu’aux U20 (réserve). Il y aura une première phase d’expérimentation sur l’ensemble des catégories lorsqu’on sera retourné sur le terrain ». L’académie OL est donc à l’aube de l’élaboration d’un grand projet ambitieux au cours duquel de nombreux éducateurs et formateurs vont être accompagnés pour mettre en place la méthodologie OL.

En ce qui concerne la relation entre ce projet et la direction du club « On avait demandé au président le 3 février de lancer le projet de déploiement, Gérard (Houllier) est au courant de ce qu’il se passe à l’académie. Juni, Rudi, Claude Fichaux savent aussi ce qu’il se passe dans la cellule méthodo puisque j’ai communiqué avec eux sur le projet. Mais compte tenu de l’année particulière, on n’a pas pu aller au bout de notre présentation. Mais dès le retour à la normale, on aura l’occasion d’approfondir avec eux sur le sujet ».

La formation lyonnaise entend bien rester dans l’élite européenne en capitalisant d’une part sur ce qui a été entrepris au cours des dernières décennies, tout en ajoutant une méthodologie qui est le fruit d’une longue réflexion et expérimentation (inspiration du football étranger, des recherches universitaires et de l'expérience des anciens joueurs professionnels). Ce projet ambitieux permettra d’accentuer la culture OL en axant sa priorité sur le beau jeu et la gagne. L’Olympique Lyonnais a la volonté de poursuivre son excellent travail en matière de formation, tout en préparant davantage les jeunes au football de demain.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par joh, membre du Café du Commerce OL.