Navigation

Portrait #2 : Razik Brikh - Journaliste et supporter

Le 06.03.2018 par tyfoun

Razik Brikh est l'un des journalistes les plus connus des supporters de l'Olympique Lyonnais. Sans langue de bois dans Lyon Capitale ou le lundi soir avec Nicolas Puydebois dans Tant qu'il y aura des Gones, ce pur produit maison décrypte l'actualité du club avec pour fond une volonté de « gagne à la lyonnaise ».

Depuis quand suivez-vous l’OL ?

J'ai commencé le journalisme à 17 ans dans une agence du Progrès à Rillieux-la-Pape. Et après j'ai bifurqué à la radio Lyon Sport (devenue Tonic Radio) avec un certain Richard Benedetti qui commentait les matchs avant qu'il ne rejoigne quelques années plus tard OLTV. À l'époque, c'était un peu la star à Lyon car il y avait moins de matchs télévisés. On se souvient tous de Dominique Blanchard également. Richard Benedetti, il avait sa gouaille, sa mauvaise foi. Donc moi, quand j'ai commencé j'étais son stagiaire, et la chance que j’ai eu est qu’il ne travaillait pas le lundi car il habitait dans l'Isère. Donc du coup ce jour-là j'étais chargé d'aller suivre l’entraînement et de recueillir les propos des joueurs. À l'époque le travail était bien différent dans le sens où on avait une vraie proximité avec les joueurs. Après j'ai créé mon propre site de sport (sportsnews69.com). C'était le début des médias internet donc j'avais un peu un temps d'avance avec la chance qu'à Lyon, il y a de nombreux clubs sportifs qui performaient à haut niveau avec l'OL, le LOU, et l'ASVEL. Donc j'y ai vu une vraie opportunité. Puis, cela m'a permis d'être repéré par Lyon Capitale qui à l'époque lançait "le Journal du Match" (aujourd'hui devenu la Tribune, ndlr) en accord avec Jean-Michel Aulas qui voulait vraiment un journal pour les supporters. Il était distribué gratuitement au stade et dans les métros. Donc quelque part, il y a un message pour les jeunes qui veulent exercer ce métier : « N'hésitez pas à vous lancer dans les blogs, les sites comme le votre par exemple, vous pouvez être repérés par des médias traditionnels ». Moi cela m'a permis d'évoluer en même temps avec le club. D'ailleurs c'est ce que j'ai dit à Juninho : « tu te rends compte, quelque part tu m'as vu grandir ». Car j'ai évolué et progressé en tant que journaliste en même temps que lui gagnait des titres avec le club.

Votre plus vieux souvenir au stade ?

Oula. De mémoire je devais avoir 5 ans c'était un Lyon-Monaco je crois. J'y suis allé très très jeune, au stade comme aux entraînements. En plus j'étais de Neuville, donc pour venir c'était toujours la galère. Alors au début on était toujours accompagné par les parents, la famille ou le père du pote. Et puis les premiers gros souvenirs c'est quand t'es ado : Les premières fois que tu y vas tout seul et qu'il faut courir pour avoir les bus, quand on n’avait pas les métros. Après y avait les matchs qu'on allait voir avec le club avec les abonnements du Conseil Général. Aujourd'hui c'est interdit car on a estimé que c'était du détournement de fond public. Mais je trouve que ça profitait vraiment aux clubs et aux licenciés.

La plus grande joie en tant que supporter de l’OL ?

Alors il y en a plusieurs, mais je me souviens d'un Lyon – Nantes pour la première place, et finalement c'est Nantes qui finit champion. C'était en 1995, j'étais au virage Sud je m'en rappelle comme si c'était hier. On avait eu un match extraordinaire, une belle ambiance, ça venait conclure une belle saison. Il y a aussi un Lyon – Bologne, sûrement l'une des plus belles ambiances vécue à Gerland. Même en parlant avec certains anciens supporters, des anciens joueurs aussi. Ce sont deux trois souvenirs d'ambiance, après bien évidemment, il y a les titres, la Ligue des Champions. Il y a pas mal de bons souvenirs. La nostalgie de Gerland bien sûr elle existe, de Tola Vologe aussi. Un exemple, samedi dernier j'ai participé à un colloque au district du Rhône qui s'est installé à Tola Vologe et on voyait les terrains de la fenêtre, cela m'a rappelé de nombreux souvenirs. Des moments où j'ai pu lier ma passion du foot à mon métier, à mes débuts. Alors même si aujourd'hui l'OL bénéficie d’installations flambant neuves, on garde toujours cette part de nostalgie.

Votre plus grande déception avec l’OL ?

Vous savez qu’il y avait penalty sur Nilmar ? Il y a aussi Milan forcément. Finalement c’est toujours un peu pareil. Après, je me souviens d'un match, je n’étais pas encore journaliste, c'était le Lyon – Metz en finale de Coupe de la Ligue, avec Robert Pires en 1996 au Parc des Princes. J'avais fait le déplacement, l'autoroute avec tous les supporters lyonnais, puis la déception de la défaite aux tirs aux buts 5-4. Le retour a été bien triste.

Si vous deviez citer un joueur qui incarne l’identité lyonnaise ?

Pour plusieurs raisons et ce ne sera pas un scoop, même s’il y a eu de grands joueurs avec Chiesa, Di Nallo, Lacombe, bien évidemment ce sera Juninho. Même s’il y a aussi Sonny qui en plus était le premier transfert d'une star venant à l'OL. Il arrivait du Barça, c'était un changement d'époque. Mais Juninho pour plusieurs raisons sur le plan du sportif mais aussi sur le plan humain. C'est quelqu'un de très simple, qui a cette culture de la gagne, c'est un compétiteur. C'est une star qui ne se prend pas pour une star. Il est simple, très accessible. Par exemple dernièrement, quand on a fait l'émission des 30 ans des Bad Gones, je lui ai envoyé un message il m'a répondu, dans la foulée, alors qu'il était à l'aéroport aux États-Unis pour retourner au Brésil. Un autre exemple à l'époque des titres : il se promenait en ville avec sa femme et il a traversé la rue pour venir me dire bonjour. Mon pote qui était avec moi, ce jour-là, il avait halluciné. Mais voilà Juninho c'était ça. Il était simple, il avait une aura. Il a apporté à l'OL et il peut encore beaucoup apporter, s'il revient en tant que Directeur Sportif ou pour une autre fonction. Pour un journaliste en plus c'est quelqu’un de très intéressant. Il est tellement exigeant avec lui-même car il veut bien faire. J'ai beaucoup appris à ses côtés sur l'exigence de soi, décrypter analyser ses réactions. C'est avec ce genre de joueur qu'on voit ce qu'est un sportif de haut niveau. Toujours le premier arrivé, le dernier parti à l'entraînement,  à s’entraîner même sur ses points forts. Toujours en faire plus pour être le meilleur. À voir au quotidien c'est très enrichissant.

Comment jugez-vous la situation de l’OL ?

Moi aujourd'hui je suis assez clair, je le dis, dans le jeu, il y a toujours des problématiques. On l'a vu à de nombreuses reprises cette saison (interview réalisée le 07/02, ndlr). Après l'OL a fait quelques bons matchs, souvent contre les gros. Avec Nicolas Puydebois, dans l'émission, notre leitmotiv c'est d'être le plus juste possible et dire quand c'est bien et pas bien mais surtout avec des arguments. On se doit d'être le plus objectif possible. C'est notre rôle.

Après on peut passer pour des doux rêveurs mais on a cette culture de la gagne, cette exigence à la lyonnaise, c'est un peu notre éducation. Donc on peut paraître dur, au niveau du club, mais c'est comme ça on est passionnés, on aime le jeu... Et ce qui se passe aujourd'hui, au moment où on parle, c’est ce qu’on mettait en avant depuis longtemps même quand Lyon gagnait. On essaye vraiment d'être le plus pointu possible. On essaie d’être pragmatiques et réalistes. On sait qu’aujourd’hui on ne peut pas rivaliser avec le Paris Saint-Germain. On a loué le recrutement fait par Florian Maurice et même celui de cet hiver. Car pour nous c'est aussi bien de prendre des jeunes d’avenir, Solet, Terrier, Dubois. Mais il faudra être vigilant sur le recrutement estival car quand tu prends des jeunes il faut aussi prendre des joueurs expérimentés. Donc c'est un tout, c'est un savant mélange, et là-dessus on trouve que Florian Maurice travaille bien et on le dit aussi. Pour Genesio, c'est pareil : on donne notre avis en prenant de la hauteur, avec des arguments étayés. Un journaliste ne doit être ni pro ni anti-Genesio. Il faut rester professionnel. Chacun à sa place (sourire). 

Qu’est-ce qui vous plaît dans cet OL 2017-18 ?

Par rapport aux contraintes économiques et aux départs enregistrés cet été, le club a réussi un bon recrutement. Sur le papier cet effectif-là en France ; il y a pas mal d’entraîneurs qui aimeraient l'avoir. Il y a notamment un joueur qui me plaît énormément c'est Tanguy Ndombele. Et on le dit depuis le début. On aurait aimé le voir plus tôt sur le terrain mais encore une fois on n’a pas tous les éléments C'est comme pour Pape Cheikh Diop. Aujourd’hui notre travail, c'est d'essayer de comprendre et d'enquêter sur l'absence de Diop. Pas en disant que c'est honteux qu’il ne joue pas mais en essayant de comprendre. On doit aller chercher les informations de première main pour la donner aux lecteurs, pour qu'ils puissent avoir le max d'infos, c'est ça le rôle du journaliste. Après il y aussi la concurrence entre les joueurs qui est plus importante notamment au niveau des arrières latéraux, et elle est saine. Elle est bénéfique au collectif.

Des souhaits pour le développement de l’OL ? Au niveau de l’effectif, des infrastructures ?

Alors déjà au niveau des infrastructures pour moi, l’OL a un temps d'avance. Le stade est bien, il est moderne même si il mériterait un coup de peinture à l'extérieur. La journée, il est moche. Il y a le parc de loisirs qui arrive. Il manque le tram car pour venir à Décines, sans voiture, c'est la misère. Après au niveau sportif, il te manque clairement un Directeur Sportif, donc soit tu nommes Florian Maurice et on en parle plus, soit Juninho a envie de venir et tu le mets Directeur Sportif. Tu risques de perdre Nabil Fekir, cet été, donc il va falloir anticiper. Il faut enrôler des joueurs expérimentés.

Et alors pourquoi le journalisme sportif ? Par passion ?

Oui, sans hésiter. C'est vraiment quelque chose d'ancré en moi. J'ai joué au foot, mais je n’avais pas un super niveau. Ce qui m'intéressait c'était dès petit de décrypter et poser des questions. Je faisais des fausses interviews avec mes copains au foot à la fin des matchs. Comme l'a raconté Kylian Mbappé récemment dans une interview. Bon même si lui a mieux réussi que moi pour le côté foot. Mais voilà, c'est marrant car ça m'a rappelé des souvenirs. C'est vraiment quelque chose que j'ai toujours voulu faire. D'ailleurs quand je croise des vieux amis aujourd'hui ils me disent « c'était ton truc le journalisme ». C'était une véritable vocation, et aujourd'hui je suis heureux de pouvoir l'exercer qui plus est dans le sport. C'est devenu un secteur très concurrentiel et j'ai eu l'occasion de saisir les bonnes opportunités pour réussir. Je n’ai pas lâché.

Est-ce que ce métier a une influence sur votre façon de suivre l’OL ? Ou est-ce que le côté supporter prend le dessus ?

Je le dis souvent à mes jeunes stagiaires, si on vient vers moi en me disant « je suis supporter de l'OL, j'aimerais faire un stage pour Lyon Capitale et Olympique-et-Lyonnais », ce n’est pas un atout. Au contraire, ça peut même desservir. Ce qui est important c'est de prendre de la hauteur. On peut être passionné, ce n’est pas un problème, mais on fait du journalisme. Mais ceci étant (voilà je fais du Jean-Michel Aulas, rires) c'est important de le rappeler car Lyon Capitale est un média indépendant, notre baseline c'est « les esprits libres ». Bien évidemment on s'adresse aux supporters de l'OL, bien évidemment il y a des matchs comme le derby où l’on peut se permettre subtilement de chambrer le voisin, on ne va pas faire dans la langue de bois et l'hypocrisie. Mais il est important pour nous distinguer des autres médias communautaires sur le net. Notre rôle, c'est de relater les faits. Il faut analyser, décrypter prendre de la hauteur. Mais encore une fois cela n'empêche pas d'être passionné, d'apprécier le football, l'Olympique Lyonnais et de valoriser le club de sa ville.

L’intérêt aujourd’hui pour un journaliste sportif d’être présent sur Twitter ?

C’est une très bonne question, car nous, journalistes, on s’interroge souvent sur l’utilisation de Twitter. C’est un peu un lieu où c’est la course à l’échalote, le phénomène de buzz, avec le but de faire monter son nombre de followers. On ne va pas se le cacher. Mais c’est devenu un outil indispensable, moderne, et il est compliqué pour un journaliste de ne pas être présent sur ce réseau social. Les lecteurs sont sur Twitter, les joueurs et les dirigeants y sont présents et actifs, à Lyon notamment avec Jean-Michel Aulas. C’est comme un fil AFP où on apprend pas mal de choses. Le danger par contre c’est de se baser uniquement sur Twitter. En tant que journaliste notre travail c’est de recouper les informations et de les vérifier. Aujourd’hui ce qui m’horripile c’est quand un stagiaire vient me voir et me dit « ah j’ai vu ça sur Twitter ». Non, tu dois recouper, vérifier ton info.

Twitter doit servir de relais de l’information. Il faut faire attention à ce qu’on y met. Twitter est gratuit et comme on dit « si c’est gratuit, c’est toi le produit » donc on alimente un tuyau. Et le danger c'est de dévaloriser ton média alors que l'objectif de l'utilisation de Twitter pour un journaliste c'est de valoriser ton média. Après c'est une force, comme je le vois aujourd'hui pour « Olympique et Lyonnais » ou pour « Tant qu'il y aura des Gones », Twitter est extraordinaire, ça nous permet de toucher un large public et de relayer pas mal d'informations. Forcément, c'est aussi une force de frappe comme l'a compris JMA. Dès qu'il y a une mauvaise info, il peut réagir et éteindre l'incendie. Il y a une sorte de pouvoir en ayant un compte Twitter. Mais voilà, dès que tu es journaliste et qu'il y a de la passion, il faut faire attention. Ça peut aussi faciliter la proximité. C'est pour ça que j'avais dit que pour moi le café du commerce n'était pas une insulte. Car si le café du commerce c'est donner la parole aux gens qui ont des arguments, des propos pertinents, alors on est dans quelque chose de positif. Un supporter n'est pas plus bête qu'un autre, il a le droit d'avoir sa vision des choses.

Et du coup les gens qui se montrent critique sur Twitter, en tant que journaliste, est ce que ce n’est pas difficile à gérer ?

Non, moi ça ne me dérange pas. Mais encore une fois, il faut que ce soit argumenté et pas en étant bêtement dans l’insulte. Il faut laisser les mères et les grand-mères tranquilles (rires). On peut débattre de façon calme et posée. Je le dis et je le répète je n’ai pas la science infuse, je donne mon avis sans langue de bois. Donc allons-y mais ayons des débats de fonds. Je n’ai pas de problème à être interpellé pour ça. Et je sais très bien qu’en tant que journaliste certains vont m’aimer d’autres ne pas m’aimer, certains vont me trouver pertinent d'autres non. C’est le jeu sinon je ne ferais pas ce métier-là. Si les gens sont là pour élever le débat, allons-y. Élevons le débat ensemble.

La présence de JMA pour les journalistes aujourd’hui est-ce un plus, un moins ? N'avez-vous pas parfois l’impression qu’il vient sans fond, uniquement pour tacler ?

Aulas aujourd’hui, il a tout compris. Il organise tous les jours quasiment une conférence de presse en direct. C’est à nous de savoir faire le tri, de hiérarchiser l’information. On n’est pas obligés de reprendre chacun de ses tweets. Il a raison quand il dit que les trois quarts des journalistes de France le suivent donc ça veut dire qu’ils attendent le tweet de JMA qui va servir à alimenter un débat. C’est le serpent qui se mord la queue. On peut lui reprocher d’aller trop loin, quand il tombe dans l’insulte. Il le sait, on ne peut pas tout dire quand on est président d’un club et que tu as un fort auditoire. Le danger de Twitter est l’absence d’intonation tout est alors une histoire de perception, on peut créer la confusion.

Dernière question : que pense pensez-vous du Café du Commerce ? Est-ce que c’est un plus pour le club ?

Oui c’est sympa. Après attention il faut bien faire le distinguo : moi je dis bravo à des jeunes qui se lancent dans ces aventures en étant passionnés, il en faut et c’est bien de le faire. Après le danger c’est qu’il ne faut pas se prendre pour un média. Je ne dis pas ça parce que je vous verrais comme une sorte de concurrence, car au contraire je suis pour la concurrence, ça fait progresser. Mais vous ne pouvez pas demander au club certaines choses réservées aux professionnels, car vous restez un site amateur. L’OL à son propre site et sa propre chaîne, du coup le club n’a aucun intérêt à vous donner des accès, etc. Je vais de temps en temps sur votre site, lorsqu’il y a du contenu intéressant. De toute façon, plus il y a de gens qui parlent du club, plus c’est positif pour l'institution comme dirait JMA. Je vous souhaite de pouvoir développer votre projet et que tout fonctionne pour le mieux pour vous.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par tyfoun, membre du Café du Commerce OL.