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Prolongation or not prolongation ?

Le 27.03.2019 par OL_ympique

Il y a ceux qui ne peuvent plus le voir et ceux qui le défendent aveuglement. Il y a ceux qui l’accusent de tout et n’importe quoi et ceux qui le déresponsabilisent de tout. Genesio est au centre des débats à l’OL depuis un bon bout de temps, et le sujet devient d’autant plus houleux que la décision concernant son avenir approche. Objectivement, peut-il être prolongé ? (photo AFP)

Si la question se pose, c’est bien qu’il y a un problème : l’OL déçoit trop régulièrement, surtout pour son irrégularité. Et à cela, il faut ajouter le problème de légitimité qui entoure le coach lyonnais depuis sa nomination à la mi-saison 2015-2016. Jean-Michel Aulas continue pourtant de défendre l’entraîneur de son équipe masculine, pour laquelle il a de belles ambitions. Encore faut-il savoir si Bruno Genesio est à la hauteur de celles-ci…

Genesio et ses limites tactiques

Puisqu’il faut bien en parler, autant le faire immédiatement : le gros souci de Bruno Genesio semble être d’ordre tactique. Depuis qu’il est l’entraîneur de l’OL, le constat de l’absence de fond de jeu a pu être fait de trop nombreuses fois, et les nombreuses déceptions face aux « petites équipes » trouvent, pour la plupart, leurs fondements dans ce manque.

Face aux équipes bien regroupées en défense, laissant peu d’espace, Bruno Genesio n’est ni plus ni moins que le Tom Cruise de « Mission Impossible » … à cela près que, pour lui, l’impossible le reste. Son effectif est talentueux, et ses joueurs savent par conséquent très bien utiliser les espaces et briller par des exploits individuels, mais ils sont en difficulté dès lors qu’il faut créer les espaces et déstabiliser un bloc compact. Certains cherchent alors à reporter la faute sur les adversaires, empêchant soi-disant l’OL de développer son beau jeu, quand d’autres accusent les joueurs de manquer de motivation ou de faire preuve d’inexpérience.

La réalité est pourtant autre part, et cela se confirme sur l’ensemble des matchs, y compris face aux « gros » : les matchs joués par un OL en toute maîtrise sont très rares depuis que Genesio en est le coach, bien que les beaux résultats dans les grosses affiches se soient accumulés. Certes, l’Olympique Lyonnais de Bruno peut battre Paris, Marseille, Monaco, et même la Roma, l’Ajax et Manchester City. Mais cela s’explique malheureusement plus par le talent que par la tactique, sans être trop dans la caricature non plus. En effet, si l'ancien pensionnaire de Villefranche sait visiblement motiver ses troupes et ainsi exalter leur talent lors des matchs à enjeux, et si certains de ses choix forts (le dernier en date étant la titularisation de Terrier face au FC Barcelone) s’avèrent être intéressants, force est de constater que l’animation est rarement digne d’un club sensé faire partie du Top 16 européen.

Ainsi, la comparaison avec Pep Guardiola est révélatrice des limites tactiques du coach rhodanien. Dans le duel des « Pep », l’authentique coach espagnol a le dessus : il demande notamment à ses joueurs d’élargir l’espace de jeu en collant les lignes de touche, de se positionner et de réaliser des courses sans ballon de manière à libérer des espaces, et d’être rigoureux dans une certaine zone tout en laissant une certaine liberté aux attaquants devant. Au contraire, l’OL de Genesio se met souvent tout seul en difficulté tactiquement, avec par exemple des attaquants positionnés trop haut, trop proches les uns des autres et pas assez en mouvement, mettant les milieux en difficulté. Ceux-ci ne sont d’ailleurs peut-être pas aidés non plus par un système les forçant au déséquilibre. Au final, même si les joueurs parviennent de temps en temps à faire de belles choses ensemble, le manque d’un fond de jeu cohérent se fait ressentir : il n’y a qu’à regarder comment joue l’Ajax pour se rendre compte de l’évidence aujourd’hui.

Plus d’excuses que d’arguments en faveur d’une prolongation ?

Maintes fois, après un énième résultat décevant, il est arrivé que le tacticien lyonnais lui-même, que Jean-Michel Aulas, ou bien encore divers observateurs, pointent du doigt l’attitude des joueurs plutôt que les manques tactiques. Cela pourrait être un argument convaincant en faveur d’une prolongation, car il signifierait qu’avec encore un peu d’expérience, Genesio et ses joueurs finiront par être moins irréguliers, moins décevants. D’ailleurs, l’argument n’est même pas tout à fait à rejeter, car il y a bien parfois des attitudes regrettables, qu’on peut expliquer par de l’inexpérience ou par de l’excès de confiance. « Choisir ses matchs » peut expliquer des contre-performances. Malheureusement pour les grands adeptes de cette vision, il y a deux incohérences : d’abord, il ne semble tout simplement pas y avoir un manque de ressources ou un réel problème mental à l’OL, au contraire. Ensuite, comment expliquer que l'homme fort du banc lyonnais n’arrive toujours pas à faire changer les choses, si le problème existe réellement ?

Autre ligne de défense a priori favorable à l'entraîneur des gones : la gestion, le management. Ce point-ci est certainement le moins défavorable au coach de l’OL, puisque ses qualités relationnelles ne souffrent, elles, pas vraiment de contestations. Ainsi, si un certain défenseur polonais a quitté le club suite à des propos défavorables à son encontre, Genesio semble tout de même respecté et écouté par ces joueurs. Il s’appuie largement sur cette qualité, en mettant en avant l’importance de la cohésion, de la solidarité au sein du groupe, et cet aspect a certainement compté dans les matchs importants ou lorsqu’il a fallu (de trop nombreuses fois) se ressaisir après une mini-crise. Il a par exemple réussi à gérer l’égo de Memphis et celui de Mariano sans trop d’encombres. Sauf que l’humain n’est pas le problème.

Enfin, dernier point à aborder : l’effectif lyonnais. Il n’est pas et surtout n’a pas toujours été parfait depuis que Bruno Genesio coache Lyon, mais ce dernier n’est tout de même (et de loin) pas à plaindre. Manque de talent ? Lacazette, Umtiti, Tolisso, Fekir, Depay, Ndombele, Aouar, Mendy, Denayer, Lopes, … n’en donnent pas l’impression. Manque d’expérience ? Un peu certes, mais il y a aussi des cadres et surtout les jeunes sont avant tout très doués. Manque de cohésion ? À aucun moment. Alors oui, celui qu'on surnomme le « Pep du Rhône » doit composer avec certains joueurs moins talentueux ou moins expérimentés que d’autres, mais le talent en question est tellement grand à l’OL qu’il serait dérisoire de s’appuyer sur le « moins bien » pour expliquer le « mauvais ». Encore plus d’ailleurs lorsqu’on voit le travail de Florian Maurice au recrutement et les départs assez incompréhensibles de Mammana ou Darder, poussés vers la sortie… par un certain Bruno.

Un climat (très) peu favorable à une prolongation

Si là n’est pas la fonction principale d’un entraîneur, cela fait néanmoins partie du job : communiquer, et ainsi donner une certaine image du club, de l’équipe. Bruno Genesio a conscience de l’importance de cet aspect, et se fait beaucoup entendre malgré l’omniprésence de son président. Désormais, les deux hommes forment un duo, dont les voix sont parfaitement accordées. Malheureusement, ce sentiment s’accompagne d’une impression de campagne électorale, dans laquelle les grandes phrases doivent cacher les ennuis et mettre en avant les réussites. De quoi agacer les amoureux du club et plus globalement du ballon rond.

Ces tensions dépassant le simple - mais déjà essentiel - cadre du sportif sont d’autant plus à prendre en considération qu’elles touchent tous les supporters, des twittos que certains pensent devoir mépriser jusqu’au groupe des Bad Gones, logiquement beaucoup plus craint par l’institution. Alors que ces derniers avaient invité Genesio à quitter le club tout en le félicitant pour son amour pour le club lyonnais en fin de saison passée (banderoles d’OL – Nice), leur très récent communiqué, en date du 20 mars 2019, montre une volonté beaucoup plus franche de voir le numéro 1 du staff lyonnais s’arrêter là.

Banderoles OL Nice

Les Bad Gones tiennent à protéger et à soutenir l’institution OL avant tout, d’une manière jusqu’à là différente de celle pratiquée par les supporters du club de football de Marseille, et sont donc en général publiquement assez discrets sur le cas de l'entraîneur. Aulas leur accorde en apparence de la crédibilité, ainsi qu’au groupe Lyon 1950, ce pourquoi des réunions ont eu ou auront lieu au sujet d’une éventuelle prolongation de Genesio. En réalité, cela prouve surtout que le président de l’OL sait que la situation est compliquée, les supporters ne se laissant plus berner par une certaine forme de propagande appuyée par des « objectifs atteints » ne faisant plus rêver grand monde (surtout lorsqu'ils ne le sont pas). Il est d'ailleurs un peu dommage que le manifeste des Bad Gones, lui aussi publié récemment, demande un départ du coach en omettant peut-être un peu de s'appuyer sur des arguments essentiels, dans une logique peut-être un peu trop tendre.

Et du coup… prolongation or not ?

Il ne faut pas faire campagne contre une prolongation pour les mauvaises raisons : le problème est sportif, surtout tactique. Ce n’est ni le manque de talent, ni l’inexpérience, ni un soi-disant problème d’attitude global qui expliquent les difficultés rencontrées régulièrement par l’OL depuis que l'ancien tacticien de Besançon officie au club. Aussi, le climat de tension n’est que le résultat de cette situation, même si c’est également un facteur supplémentaire qui va dans le sens d’une fin d’aventure plutôt que d’une prolongation.

Un entraîneur de haut niveau doit s’imposer tactiquement sur la durée, peu importe le match : Genesio ne l’a pas fait. Il doit motiver ses joueurs : il en a été parfois capable, mais il cherche paradoxalement très souvent à justifier des mauvaises performances par le mental, l’attitude. Il doit aussi gérer un effectif : on a parfois l’impression qu’il n’est pas à la hauteur du talent de ses joueurs, qui sont critiqués parfois injustement alors qu'ils peuvent paraître peu à l'aise voire perdus sur le rectangle vert. Enfin, il doit s’inscrire dans la vie du club, s’intégrer à l’institution : au vu du climat, son intégration est ratée, même si son amour pour le club est connu et respecté.

À la question « serait-il logique de prolonger Bruno Genesio dans le cadre des ambitions que doivent être celles de l’OL ? », la réponse est donc, objectivement, non.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par OL_ympique, membre du Café du Commerce OL.