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Quelle réponse juridique contre le supposé plan anti-OL ?

Le 14.05.2020 par OL_ympique

Deux jours après les déclarations du premier ministre devant l'Assemblée Nationale, le 28 avril dernier, la LFP a décidé, suite à un vote du Conseil d'Administration, de mettre fin à la Ligue 1 et à la Ligue 2 en retenant un classement final basé sur des quotients. Défavorable à l'OL, dès lors non-européen, cette décision est peut-être l'aboutissement d'un plan anti-Aulas. Une réponse juridique est-elle envisageable ? Il est peu dire que la situation est difficile pour l'OL.

L'OL visé par un complot ?

Dans L'Équipe du soir du mercredi 13 mai, Dominique Sévérac a été très clair : selon lui, les présidents d'autres clubs de Ligue 1 se sont ligués (sans mauvais jeu de mot) contre l'Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas. Une affirmation qui vient appuyer ce que bon nombre de supporters de l'OL soupçonnaient déjà. La décision officielle de la LFP, c'est à dire le choix d'un classement par ratio (points/match) plutôt que du classement de la J27, est clairement défavorable à l'OL. Parler de complot paraît un peu fort de café, mais il est évident que la décision a pu être influencée par des sentiments plus ou moins exaltés, donnant lieu à un plan anti-OL.

Cette révélation d'un secret de polichinelle a de quoi scandaliser. Thémis, déesse de la justice, n'est-elle pas représentée une balance à la main pour symboliser un équilibre indissociable de l'équité ? La décision de la LFP est-elle équitable si son but caché était de mettre l'OL dans une position très spécifique ? Le problème est avant tout moral, et nécessite de prendre des pincettes. D'ailleurs, loin de nous la volonté d'accuser quelconque président ou instance.

Jean-Michel Aulas, lui, ne devrait pas prendre de pincettes. Et pour cause : l'hypothèse probable d'un plan anti-OL est avant tout celle d'un plan anti-Aulas, dans le cadre d'une gue-guerre entre présidences de l'élite française.

Aulas LFP

Sur quoi l'OL et son président peuvent-ils s'appuyer juridiquement ? Nous avons posé la question à « Maître Fouineur » (@Fouine_du_net sur Twitter), avocat spécialisé dans le droit du sport dont l'anonymat est garanti par ce pseudonyme.

Anti-OL ou pas, une décision inattaquable

Vous l'avez compris, parler d'un complot des dirigeants de l'élite paraît exagéré. Aussi, il sera juridiquement presque impossible d'attaquer la LFP ou les présidents de Ligue 1 : « La décision d’arrêter le championnat a été prise par le Conseil d’Administration de la Ligue de Foot Professionnel et cette décision, conformément aux statuts de la LFP, doit être prise après un vote (soit majorité simple, soit majorité des deux tiers). Ce qui est sûr, c’est qu’une majorité a décidé des conditions d’arrêt du championnat telles qu’on les connaît. Et sur la forme, la décision peut difficilement être remise en cause ».

La forme est un problème qui se posait déjà, mais désormais, c'est surtout le fond qui compte. En effet, c'est la motivation derrière cette décision collégiale qui est remise en cause. Mais juridiquement, attaquer le fond est improbable, toujours selon l'avocat spécialisé que nous avons interrogé : « En tout état de cause, ce qui a motivé les votants à voter dans un sens plutôt qu’un autre peut dépendre de plein de critères (l’intérêt supérieur du football, l’intérêt de leur club, l’idée de prendre une décision semblable à celle prise pour les amateurs par le comité exécutif de la FFF, et peut être, accessoirement de se « payer » Aulas). Mais ce qu’il se passe dans leur tête et leurs véritables motivations ne sont que des suppositions ». De plus, le fond n'est pas un problème qui devrait être pris au sérieux malgré son aspect scandaleux, car « les statuts de la LFP n’imposent pas que les votes du CA soient fait dans le seul et unique intérêt du football pro. Chacun peut voter en conscience avec ses intentions, bonnes ou mauvaises. En tout état de cause, la preuve d’une telle manigance serait quasi impossible à rapporter ». 

Enfin, même si la décision votée par la LFP était répréhensible pour les motivations des participants au vote de celle-ci, un autre obstacle renforce son caractère juridiquement inattaquable. En effet, « il ne faut pas oublier un détail important : la LFP n’a fait que prendre la même décision que le comité exécutif de la FFF. Et la FFF est de toute manière censée avoir le dernier mot en cas de conflit avec la LFP. Je ne pense pas qu’une solution différente aurait pu se défendre davantage que celle qui a été prise ». La Ligue n'avait pas manqué de mettre en avant cette réalité dans son bref communiqué du 30 avril, se protégeant comme elle l'a pu contre des recours :

« Connaissance prise des décisions et déclarations du Premier Ministre et du Gouvernement, le Conseil d’Administration de la LFP acte la fin de la saison 2019/2020.

Le Conseil d’Administration de la LFP décide de prononcer le classement final de Ligue 1 Conforama et de Domino’s Ligue 2 selon les règles déjà appliquées par la FFF pour l’ensemble des championnats.

Le classement final en Ligue 1 Conforama est donc attribué selon le critère du classement établi par un indice de performance prenant en compte le nombre de points marqués sur tous les matchs joués. Pour départager les égalités sur cet indice de performance, les confrontations particulières ont été retenues ».

Quillot LFP

L'espoir de réparations : entre cauchemar et réalité

Un sentiment d'injustice cauchemardesque peut prédominer à Lyon. L'OL a affiché un niveau très insuffisant cette saison et ne méritait probablement pas mieux que d'être puni, mais cette punition ne peut paraître juste si elle est le fait d'une décision aux motivations obscures. Jean-Michel Aulas n'a donc peut-être pas tort de se défendre, car l'espoir d'obtenir gain de cause, au moins en partie, est réaliste : en dehors de toute idée de complot ou de tout espoir d'une qualification en Europe, les Lyonnais peuvent espérer des réparations, au moins symboliques.

« Pour qu’il obtienne réparation auprès de la Ligue, il faudrait prouver qu’elle a commis une faute. Or, la décision de la LFP d’arrêter les championnats découle directement d’une volonté du gouvernement. Ajoutez à cela le contexte d’une crise sanitaire sans précédent et je serais bien curieux de voir si un juge administratif accepterait de considérer que c’est une faute de stopper les championnats à J28 avec un quotient plutôt qu’à J27... [Toutefois], en principe, la délégation accordée par le ministre des sports à la FFF pour organiser le football en France impose à la FFF (et à la LFP) de prévoir des règlements qui permettent le classement des équipes dans leur championnat. Ici, clairement, rien n’était prévu dans l’hypothèse d’un championnat qui commence mais ne se termine pas. On peut considérer que c’est là une faute de la part des instances ». 

Y a-t-il eu faute de la LFP et/ou de la FFF ? A priori, la réponse devrait être non, mais elle est plus complexe. Cette complexité peut profiter à l'OL, lésé, mais un juge administratif ne pourra pas omettre le caractère exceptionnel de la situation. Par ailleurs, même si la justice administrative donnait gain de cause au président Aulas et à son club, cela ne serait très certainement que symbolique : « Les chances de réparations sont très minces. Il faut se rappeler que Luzenac a réussi à faire juger qu’il aurait dû jouer en Ligue 2. Il a été réparé de son préjudice pour un montant ridicule (quelques milliers d'euros, ndlr) alors qu’une montée en Ligue 2 lui aurait assuré des revenus de droits TV ».

Luzenac

Le cas de Luzenac prouve qu'il y a un espoir à avoir, mais aussi que la justice aura ses limites. Surtout, les fautes qui devront être mises en évidence pour que Lyon puisse exiger des réparations devront être placées dans un contexte dans lequel l'OL est une exception, avant d'être un possible bouc-émissaire. Une décision administrative de forte ampleur en faveur des gones est très peu probable.

Le point de départ est aussi celui d'arrivée : l'OL et J-M. Aulas sont seuls contre tous (ou presque), et en donnant raison à l'OL, la justice donnerait tort au camp adverse qui s'estime relever de l'intérêt général. Cela ne signifie pas qu'elle punirait les nombreux ennemis plus ou moins déclarés du club, mais qu'elle remettrait en cause une décision qui n'aurait de toute façon pas pu plaire à tous, qui plus est dans ce contexte tragique et exceptionnel qui a donné lieu à des décisions dépassant largement le cadre du football. « Un autre argument consisterait à dire que la déclaration du premier ministre d’arrêter les championnats n’est qu’une déclaration qui n’a pas été suivie d’une décision administrative en ce sens, et que du coup, la LFP s’est précipitée. Mais il y a des arguments juridiques qui peuvent donner raison aux uns comme aux autres sur ce point ».

Finalement, l'avocat ne manque pas de nous préciser que cette pandémie de Covid-19 est, plus que la cause d'une masse de problèmes pour le foot lyonnais, français et européen, une arme parfaite contre les recours en justice : « le juge administratif reconnaît qu’à circonstances exceptionnelles, s’impose parfois des décisions exceptionnelles ». Même dures ou moralement répréhensibles, ces décisions bénéficieront de cet aspect, d'autant plus que l'intérêt général primera sur ce problème particulier. Quant au fameux plan anti-OL, on ne devrait pas en entendre parler devant un tribunal...

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par OL_ympique, membre du Café du Commerce OL.