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Réponse à la lettre ouverte de Jean-Michel Aulas aux passionnés de l'Olympique Lyonnais

Le 11.05.2022 par MartinT

Monsieur Aulas, Cher Président, les 35 ans d’aventures communes que nous fêtons cette année, et même si cet anniversaire sera plutôt triste eu égard à la tournure sportive (mais pas seulement) qu’a pris la saison qui s’achève, nous obligent – d’une part à apprécier à sa juste valeur la lettre ouverte que vous avez adressée aux passionnés de l’OL dont nous faisons partie et, d’autre part, à saisir la balle au bond et tenter de partager de manière apaisée et constructive les raisons de nos griefs et de nos regrets. Il nous paraît important d’aborder ce sujet puisque vous-même ne le faites que peu dans votre écrit.

D’emblée, acquiesçons : d’union sacrée, il ne saurait être question dans la perspective du dernier match de la saison 2021-2022, contre Nantes, le 14 mai prochain à Décines. Les occurrences d’un appel à se serrer les coudes ont été nombreuses ces dernières années, et les supporters y ont la plupart du temps répondu favorablement. Mais cette fois-ci, nous le savons, vous le savez (et vous l’avez écrit), la situation est différente. Trop de lassitude, d’évènements contraires, trop d’errements internes, d’incompréhensions répétées et de tensions entre les différentes composantes de notre Club. Trop peu de résultats tangibles suite aux “unions sacrées” passées, trop peu d’attitudes respectables à défaut d’être conquérantes sur le terrain. Enfin, la perte des dernières illusions d’une issue sportive moins infortunée que prévu vient compléter la longue liste des contre-indications à ce nouveau front commun. Il est sain de constater que nous sommes tous, ou presque, en accord sur ce point.

Vous en appelez à la fierté qui doit être la nôtre lorsque nous contemplons le chemin parcouru depuis votre accession à la tête de notre Club. Cette fierté, soyez-en certain, nous accompagne au quotidien et est devenue l’une des assises de notre passion pour l’Olympique Lyonnais mais aussi de notre identité, notre essence même, en vérité. Ces 35 ans d’histoire commune ont forgé une référence, un repère d’excellence qui doivent, selon nous, animer au quotidien, à chaque minute, nos ambitions à tous, Club et supporters. Cette fierté doit également se traduire en ambitions, en promesses (réalisables et réalisées), en engagements. 

Aussi, vous conviendrez, espérons-le, que le dixième anniversaire de notre dernier trophée en date, la Coupe de France 2012, est plutôt de nature à nourrir la nostalgie de notre glorieux passé que l’appétit d’un avenir triomphant. La nostalgie étant la grande spécialité de nos voisins stéphanois, nous ne souhaitons absolument pas développer outre mesure notre relation avec elle.

Vous comprendrez, peut-être, que les récentes fins de saison chaotiques, dont les issues heureuses ont souvent été au moins autant débitrices de circonstances extrêmement favorables que de performances sportives irréprochables des joueurs portant notre maillot, ne nous poussent pas à envisager avec une sérénité inébranlable les saisons à venir. 

Vous entendrez, possiblement, la douleur que représente pour les passionnés auxquels vous vous adressez et que nous sommes le triste spectacle qu’offre l’effectif professionnel masculin mais également (surtout ?) l’opacité et les contradictions de l’organigramme constitué par les responsables de la gestion dudit effectif.

Vous évoquez les lendemains lumineux qui attendent notre Club – sachez que nous ne doutons pas que vos ambitions pour notre Olympique Lyonnais restent intactes. Nous savons pertinemment qu’une saison sans participation européenne, même si elle sera immanquablement un fardeau, n’est pas un obstacle insurmontable pour l’Institution que vous avez construite, loin de là. Les plus anciens d’entre nous ont connu des saisons sans Europe, les plus jeunes ont vu notre Olympique Lyonnais être privé prématurément d’un printemps européen. Nous savons la saveur mièvre qu’une saison intégralement franco-française représente pour un Club comme le nôtre. Mais nous nous en sommes accommodés précédemment et nous nous en accommoderons une nouvelle fois, là n’est pas le problème - à condition que cette situation soit une exception et ne devienne pas une règle.

Nous pourrions épiloguer sans fin sur l’attitude des uns, des autres, sur la gestion désastreuse selon certains, maladroite selon d’autres, des aléas qui ont jalonné cette saison ainsi que les précédentes, des vents contraires, des grains de sable qui ont pu se glisser dans les rouages d’une mécanique qui semblait pourtant parfaitement huilée, mais ces points ont été abordés à de nombreuses reprises et ne seraient de toutes les façons que des redites. Abstenons-nous. La clé de ce qui chagrine une partie de la communauté de passionnés et de fidèles de notre Olympique Lyonnais réside dans deux mots autour desquels s’articule votre lettre ouverte. Il s’agit des mots « ADN » et « valeurs ».

Vous le savez, l’amour et la passion que nous éprouvons pour notre Club sont inébranlables. Du moins, ils paraissaient l’être. Si chez certains d’entre nous, l’épuisement, voire un semblant d’indifférence, ont pu prendre le pas sur l’effervescence, c’est que nous ne reconnaissons plus l’ADN et les valeurs qui, selon nous, devraient constituer la colonne vertébrale de notre Olympique Lyonnais et que, pourtant, vous évoquez. Cet Olympique Lyonnais qui érige l’émergence et la réussite de ses jeunes en fer de lance. Cet Olympique Lyonnais qui honore ses anciens (et qui leur témoigne en toutes circonstances le respect qui leur est dû, en proportion de leur lien et leur historique avec notre Club). Cet Olympique Lyonnais qui, lorsqu’ils souhaitent et peuvent apporter leur vécu et leur expérience au Club, les admet en son sein dans un rôle différent de celui qu’ils tenaient sur le terrain. Cet Olympique Lyonnais dont l’objectif, l’idéal, l’obsession est l’excellence à tous les niveaux, le dépassement constant de soi, le refus de la défaite en toutes circonstances. Cet Olympique Lyonnais qui, parce qu’il ne dispose pas de deniers illimités pour appâter les meilleures individualités, se repose invariablement sur un collectif, un ensemble. Un projet.

La beauté de la réussite sportive réside dans le fait qu’elle repose en partie sur des aléas intangibles. Les succès vont, viennent et ne récompensent pas toujours de manière juste et équitable ceux qui travaillent pourtant d’arrache-pied pour les atteindre. Nous le savons, et ne saurions tenir gré à notre Club de ce funeste dixième anniversaire évoqué plus haut, si l’identité, l’ADN et les sacro-saintes valeurs n’étaient pas, à nos yeux et en parallèle, galvaudées. 

Nous aurions très vite oublié ces dix ans si les décideurs donnaient l’impression de tirer dans le même sens;

si chaque échec ne représentait pas la triste occasion de parcourir l’annuaire des excuses diverses et variées; 

si chacun au sein de notre Club, sur et en dehors du terrain, prenait et assumait fermement ses responsabilités; 

si la recherche d’un bouc émissaire n’était pas devenue une constante; 

si le refus de la défaite n’avait pas cédé la place à celui d’admettre que « oui, tout ne se passe pas comme prévu »; 

si le courage de défier ses propres limites n'avait pas été remplacé par le refus d'admettre leur existence; 

si au lieu de déclarer la guerre aux supporters, à leur ferveur (et de leur imputer abusivement la paternité des échecs), elle avait été déclarée à la médiocrité et à la tiédeur des performances de l’effectif professionnel masculin; 

si au lieu de se contenter du passable et d’objectifs péniblement atteints, notre Club, dans son entièreté, avait continué à regarder vers leur dépassement;

si, si, si…si les choses étaient dites, tout simplement. La passion et l’amour sont nourries par les résultats, certes, mais bien plus encore par l’honnêteté, la réciprocité et – surtout - les intentions et les actes qui les suivent.

Et c’est bien là que, de notre humble point de vue, notre Olympique Lyonnais pèche depuis une décennie. L'échec est une possibilité et la victoire, jamais un acquis, nous serions déraisonnables de penser le contraire. Ne pas atteindre le sommet est parfaitement acceptable. Mais être l'Olympique Lyonnais et viser autre chose que le sommet ne l'est pas. Admettre ses faiblesses est une marque supérieure de courage. Nier leur existence ne l'est pas. Enfin, promettre monts et merveilles à horizon plus ou moins proche est honorable uniquement lorsque l’intention est suivie d’actes concrets et n’a pas pour seul but d’amadouer la vindicte populaire.

La marque la plus importante du respect est la sincérité. Soyez assuré, Président, que les supporters sont prêts à tout entendre et ne demandent qu’à se présenter, unis, derrière notre Club. Mais, de grâce, ayez le courage et l’honnêteté de leur dire les choses, en toutes circonstances. Car vous êtes, mais nous sommes, nous aussi, l’Olympique Lyonnais.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par MartinT, membre du Café du Commerce OL.