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Rumeurs et baisses d'humeur

Le 20.08.2021 par NSOL31

Est-il possible, aujourd'hui, de suivre l'actualité de l'Olympique lyonnais en passant à côté des rumeurs qui émaillent le quotidien du club ? Et de ne pas céder aux sautes d'humeur face à l'actualité supposée du club lyonnais ?

L'histoire de l'Humanité commence dans le Jardin d'Eden et se termine par le jour de l'Apocalypse et le Jugement dernier.

Jardin d'Eden

Les rumeurs sont bien souvent au football ce que les gynécologues sont à l'amour. Pourtant, il était un temps où les rumeurs n'étaient pas aussi prenantes dans le quotidien des supporters de l'Olympique lyonnais. Ou plutôt, la rareté de ces rumeurs les rendaient estimables, intéressantes, et parfois même excitantes. Aruna Dindane à Lyon ? Pourquoi pas, si Onze Mondial le dit, c'est sans doute qu'il risque de signer au club. Et c'est vrai que l'Ivoirien a fait une excellente saison l'an passée avec Lens pour sa première en France. Et c'est tout, comme rumeur sur l'OL, pendant près d'un mois. L'Équipe ? Pas une seule ligne sur le mercato lyonnais de l'intersaison à venir. Internet ? Pas le lieu pour des rumeurs mercato.

Cette époque, au risque de faire paraître celui qui exprime cette opinion pour un vieux con – mais nous sommes tous le vieux con de quelqu'un d'autre –, est une époque rêvée des rumeurs mercato. Rares, mais présentes, à peine plus qu'à l'époque de nos parents, mais infiniment moins qu'elles le seront à l'époque de nos enfants. En cinq ans, le monde des rumeurs de transfert a explosé, les informateurs se sont démultipliés, et chacune des avancées de l'OL sur un dossier est suivie de près par des centaines, voire des milliers, de supporters acharnés.

André Onana n'a pas signé ? On connaît tous les détails des négociations, on sait quel a été le rôle de tel intermédiaire et qui a voulu gratter quelques centaines de milliers d'euros – une broutille, cent mille euros, le club aurait dû payer. Grâce à cela, tout le monde peut avoir un avis éclairé. Éclairé avec une lanterne à huile fumante – à défaut d'être fumeuse –, mais éclairé quand même.

La pomme

Beaucoup jouent les insiders dès qu'ils ont une ou deux relations au club, ou à proximité de celui-ci. Mais la réalité est qu'ils sont comme des scientifiques qui ne liraient pas les livres qu'ils citent dans leurs travaux. Car il ne suffit pas d'avoir le numéro de téléphone d'un jardinier ou d'un assistant comptable pour tout connaître du club et pour être un journaliste sans carte de presse. Il ne suffit pas non plus d'écrire des articles sur un site de supporters – aussi grand et populaire soit-il – pour être quelqu'un d'intéressant. Aujourd'hui, Twitter est devenu le terrain de jeu privilégié des "faiseurs d'opinion", et c'est tant mieux pour eux. Mais il y a une très grande différence entre avoir une opinion, et avoir des informations. Limonka.

Les rumeurs douteuses sont donc, depuis quelques temps, devenues légions. Qu'elles concernent le mercato – l'intervention de tel ou tel agent dans tel transfert, la signature d'un joueur attendu, le départ ou le refus d'un départ d'un joueur peu apprécié – ou qu'elles concernent la vie du club – mésentente entre deux dirigeants, embrouillamini entre le sportif et le financier à l'OL –, elles rythment le quotidien médiatique des supporters. Mais combien d'entre elles sont fausses ? Combien d'entre elles ne font qu'espérer aux supporters l'inespérable ? Il devient parfois dur de distinguer les désirs de supporters des véritables dossiers sur lequel le club travaille, les rumeurs d'agents des rumeurs de transferts, les rumeurs créées pour les supporters de celles créées par les supporters. En l'espèce, un esprit rationnel face à l'agitation virtuelle lyonnaise n'a que deux possibilités : l'abaliénation de ces rumeurs, ou bien le plongeon en plein centre de celles-ci. Quand on voit le bric-à-brac laissé par un mort on comprend la bêtise d'acquérir tout cela1...

La fin du monde

Être un homme est monstrueusement bête2. Mais pourtant, chacune des rumeurs qui tombent et retombent sur l'actualité donne la même sensation d'exaltation, de toute-puissance, d'intelligence. Je sais tout, avant tout le monde, et il faut absolument que je connaisse en détail ce qui se passe au sein de l'Olympique lyonnais, sinon, ma vie n'a plus aucun sens. Peu importe si, en définitive, les trois-quarts des informations sont fausses, inexactes, trompeuses. Y croire est le sens de la vie. Après, si on me laisse tomber, ça sera tout un drame3. Et c'est bien là le problème.

Car dès que les rumeurs s'effondrent, que l'on n'a pas le joueur dont on rêve mais qui est parfaitement inaccessible, l'excitation fait place à l'énervement. Nombreux sont ceux qui accusent le club de ne pas avoir fait ce qu'il fallait, convaincus par les insiders de pacotille que des dirigeants ont failli, qu'il ne s'agissait que d'un peu d'intelligence, qu'un peu de bonne volonté, qu'à leur place, ils auraient fait mieux. Peut-être. Peut-être pas. Fatuité ! Cependant, le débat n'est pas là.

Le débat se situe sur la place publique, là où les faiseurs d'opinion gagnent leur pain, ou leur célébrité. Là, il faut venir avec un croc de boucher les pendre, ou bien admettre que les sciences exactes sont plus rares que le hasard. Et peut-être songer à se détacher des rumeurs, des annonces, des négociations. Le bonheur est cet état d'esprit où on peut aimer le présent4.

Notes

1 Édouard Limonov, Journal d'un raté, 1982
2 Ibid.
3 Édouard Limonov, Le poète russe préfère les grands nègres, 1979
4 Édouard Limonov, Journal d'un raté, 1982

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par NSOL31, membre du Café du Commerce OL.