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Tousart, vraiment légitime ?

Le 29.10.2019 par MA_OL23

Malgré ses performances médiocres depuis le début de la saison, Lucas Tousart continue d'enchaîner les matches dans la peau d'un titulaire. Pire, sa position sur le terrain lui demande d'être le centre névralgique d'un OL déjà à la peine collectivement. Sa passivité avec et sans ballon est l'un des points déterminants de la faiblesse de l'animation lyonnaise. Explications.

Le rôle du milieu reculé a connu de profondes mutations ces trois dernières décennies. Face à des systèmes défensifs de plus en plus perfectionnés, le numéro 6 est devenu l'un des garants de la création d'espace, que ce soit pour résister à un pressing ou pour déverrouiller un bloc bas par sa créativité. La qualité technique, le sens du placement ou encore l'intelligence de jeu doivent faire partie de son attirail s'il veut exister au haut niveau. Les sentinelles réputées uniquement pour leur travail défensif et le « rôle Makelele » n’existent quasiment plus parmi les plus grands clubs du continent.

Ces qualités d’organisateur sont cruciales à l'Olympique Lyonnais, qui a non seulement l'ambition de dominer ses matches, mais qui y est même forcé tant ses adversaires en championnat ont tendance à lui laisser le ballon. Pourtant, Lucas Tousart, titulaire 11 fois cette saison (en 14 matches) devant la défense, présente des lacunes avec et sans ballon. 

« La pausa » : temporiser pour trouver des solutions 

« La pausa », littéralement « la pause » en français, est un outil de jeu utilisé par la plupart des joueurs organisateurs. Il s'agit tout simplement, pour le porteur du ballon, d'être capable de freiner voir de stopper sa course, pour attendre que le contexte autour de lui change. Concrètement, cela peut se manifester par le bon déplacement d'un partenaire, qui offrirait une solution, ou encore par le pressing d'un adversaire, qui ouvrirait un espace derrière lui. Si ce concept peut paraître assez évident, il n'est presque jamais employé par Lucas Tousart. Le natif d'Arras a plutôt tendance à sprinter avec le ballon ou à prendre immédiatement sa décision, perdant ainsi en précision, en vision et donc en productivité. Le bloc adverse n'est en conséquence que rarement perturbé, ce qui ne facilite pas la tâche de ses partenaires lorsqu'ils reçoivent le ballon. 

Voici quelques exemples où, avec un temps de latence pour analyser la situation, plutôt que de transmettre le ballon sans s'interroger, Tousart aurait pu permettre à l'OL d'avancer. 

L’idée n’est pas de dire qu’il faut toujours prendre son temps avant de passer le ballon, ou que les passes latérales et en retrait sont un problème en soi. Il s’agit plutôt de comprendre que chaque transmission du ballon doit avoir un sens dans l’action, qu’il doit exister une plus-value pour chaque passe.

Par son incapacité à prendre le temps de faire évoluer ou d'analyser une situation, Lucas Tousart devient paradoxalement un frein sur attaques placées. Et bien souvent, alors qu'il pourrait trouver un partenaire positionné plus haut sur le terrain, il ne le fait pas, par manque de compréhension de ce que le jeu demande. Pourtant, la faculté à trouver les meilleurs joueurs dans de bonnes conditions devrait probablement être une compétence clef d'un milieu reculé à l'Olympique Lyonnais. 

Il ne s’agit pas là d’un certain romantisme, dans lequel on voudrait nous faire croire que seuls les esthètes veulent une sentinelle technique. Non, il semble qu’il s’agit de pragmatisme, et de la nécessité que le premier relanceur fluidifie les attaques.  

Le placement : occuper l'espace 

Le sens du placement est l'une des qualités que devrait avoir un joueur qui est en position d’organiser le jeu à l'OL. Sentir où sont les espaces, anticiper que tel partenaire sera libre en reculant de trois mètres, tout simplement comprendre le jeu et ses interactions dans leur globalité. Peut-on vraiment dire qu'un joueur offre une solution de passe s'il se contente d'être démarqué ? Est-ce une solution si ce n'est qu'un point de passage qui conduira à une perte de balle un peu plus loin dans l'action ? 

En cela, Tousart est probablement un obstacle dans l'animation lyonnaise. Il semble que Memphis Depay, Houssem Aouar et Jeff Reine-Adélaïde sont les trois joueurs les plus créatifs de l'OL. Et il ne s'agit plus, comme avec « la pausa », de trouver ses partenaires dans les meilleures conditions, mais bien de créer ces conditions afin que ces trois joueurs, entre autres, puissent exprimer tout leur talent. Hélas, le placement de Tousart apparaît rarement motivé par l'ambition de libérer des espaces pour ses partenaires ou de donner de la continuité à l'action. Il commence généralement par se placer avant de penser à ce qu'il va faire. C'est pourtant l'inverse qui serait souhaitable : je pense à ce que je vais faire puis je me place en conséquence. 

Tousart

Si le placement est la pierre angulaire de la continuité donnée aux actions et des espaces créés pour l’équipe, les déplacements sans le ballon sont tout aussi importants. Là encore, Tousart (et il est loin d’être le seul à l’OL) ne semble pas assez concerné sans ballon. Sa faiblesse technique n'est un secret pour personne, mais s'il était plus mobile, il pourrait ouvrir des lignes de passes aux défenseurs centraux, qui eux avec leur qualité dans la transmission, pourraient toucher les relayeurs lyonnais. Un travail de l'ombre qui serait sûrement reconnu pour un joueur censé briller par sa capacité à répéter les courses. 

Ci-dessous, ce que l'on est en droit d'attendre d'un milieu reculé sans ballon : 

Et maintenant, quelles solutions ?

Avec le ballon, Tousart peine souvent à trouver des lignes de passes vers l’avant, et donc à toucher ses relayeurs plus haut sur le terrain. La supériorité derrière la ligne attaquée n’est pas assurée, puisque les 8 lyonnais doivent parfois redescendre très bas pour toucher le ballon. Thiago Mendes, aligné dans un double pivot la saison dernière avec Lille, s’est montré compétent dans cet exercice, en particulier sur les transitions. Maxence Caqueret, qui enchaîne les bonnes performances avec la réserve à ce poste, semble lui aussi mériter d’avoir sa chance.

Sans le ballon, Tousart apparaît également trop limité pour répondre aux besoins de l’OL en championnat. En décidant de voir le jeu dans sa globalité, comme un système fait d'interactions, on remarque parfois que la perte de balle d'un joueur, ou la passe manquée d'un autre, ne sont pas dues à leurs mauvais choix mais parce que plus bas sur le terrain, on les a condamnés à l'exploit. Je m’explique à l’aide d’un exemple volontairement extrême. Memphis Depay est souvent pris en grippe par les suiveurs du club pour ses nombreuses pertes de balle ou pour ses mauvais choix. Qu’en serait-il s’il recevait le ballon avec 5 mètres d’espaces en plus, créés par les lignes arrières ? Qu’en serait-il aussi, s’il était servi plus régulièrement entre les lignes ?

Soyons clair, l’idée n’est pas de faire de Tousart l’unique raison de la faiblesse du collectif lyonnais. Simplement de montrer qu’il en est l’un des symboles, à un poste clef de l’animation. Il est impératif que les lignes arrière permettent aux offensifs lyonnais d'être dans les meilleures conditions pour exprimer leur talent. Et l'un des préalables à la réalisation de cet objectif est que le milieu reculé soit capable d'organiser le jeu.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par MA_OL23, membre du Café du Commerce OL.