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Bilan 21/22 : Derby, où es-tu ?

Le 06.06.2022 par NSOL31

Il est impossible de dresser un bilan de la saison de l'Olympique lyonnais sans parler du match le plus emblématique de la saison, le derby. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'actualité du derby est bien singulière.

"Un derby, ça ne se joue pas"

Il n'est pas d'Olympique lyonnais sans rivalité avec l'AS Saint-Etienne, comme il n'est pas de printemps sans bourgeons. La concurrence permanente entre le club du Forez et celui du Rhône fait partie de l'ADN de l'OL, de l'ASSE et de leurs supporters respectifs. C'est d'ailleurs bien là le seul point - à part la détestation de Claude Puel - où les abonnés de Geoffroy-Guichard et ceux du Groupama Stadium se rejoignent : un derby, ça ne se joue pas, ça se gagne. Sauf que voilà, pour pouvoir gagner un derby, encore faut-il pouvoir le jouer, et ce paramètre semble bien compromis pour la saison 2022-23 de Ligue 1. En effet, à l'issue d'un exercice marqué par une instabilité permanente, le voisin du Forez est descendu en deuxième division. D'ailleurs, comme un symbole, le but d'un pur lyonnais, Gaëtan Perrin (trois matchs et un but avec l'OL), a bien contribué à mettre les verts au tapis.

Il n'y aura donc pas de derby la saison prochaine, pour la première fois depuis 2003-2004. Une toute autre époque, où les verts étaient emmenés par Vincent Hognon, Jérémie Janot, Julien Sablé et David Hellebuyck. Ne pas avoir de derby, c'est évidemment quelque chose de très particulier, puisque c'est un match qui rythme les phases du championnat. Son importance symbolique en fait même souvent un couperet pour des entraîneurs sur la sellette. Ne pas avoir de derby enlève donc une saveur au championnat, ou au moins lui confère une certaine amertume. Mais quelque part, la descente des verts arrive au meilleur des moments.

Schadenfreude

Car en 2020-21, l'Olympique lyonnais, pour la première fois depuis longtemps - 1956, exactement -, est repassé devant au compteur des derbys. Et à l'issue de cette saison 2021-22, pour la toute première fois de son histoire, le club de la capitale des Gaules possède deux derbys d'avance sur l'AS Saint-Etienne, après en avoir compté près de vingt de retard à la fin des années 1980 ! C'est donc très symbolique que cette descente en deuxième division de l'AS Saint-Etienne : un peu comme si le club du Forez, las d'être battu sans cesse ou presque depuis vingt ans par l'Olympique lyonnais, décidait de prendre un peu de répit pour ne pas s'humilier encore plus.

Les chiffres toujours : l'Olympique lyonnais réalise - il n'est plus besoin de le répéter - une des pires saisons de son histoire récente. Une huitième place honteuse en championnat rend les lyonnais maussades, tristes, parfois pessimistes quant à l'avenir du club en Ligue 1 et en Europe. Cette descente des Verts en deuxième division est comme là pour rappeler qu'il y a toujours plus mal loti que soi. C'est aussi l'occasion de se rappeler du terme allemand de schadenfreude, intraduisible dans la langue de Molière mais qui transcrit cette joie maligne, malsaine mais si jouissive que l'on peut ressentir face au malheur d'autrui.

Et cette joie que les supporters lyonnais ressentent alors que l'ASSE descend en Ligue 2 se fonde aussi sur une certitude quasiment métaphysique : oui, les Verts vont passer la saison prochaine en seconde division, mais sauf cataclysme, ils devraient assez rapidement remonter. Comme ils l'avaient fait en 2004, et comme ils l'ont toujours fait au cours de leur histoire. Car c'est justement cela qui fait la force du derby : son histoire. Le derby ne s'arrêtera pas parce que l'ASSE n'est plus là la saison prochaine. Il continuera, encore et toujours, d'exister.

Nouvelles rivalités ?

Car les rivalités sont partie intégrante du football, et de l'identité de l'Olympique lyonnais. Il y a bien sûr la rivalité face à l'Olympique de Marseille, construite principalement au cours des années 2000, notamment à force d'estocades verbales entre Pape Diouf et Jean-Michel Aulas. Mais cette rivalité n'est pas la même que celle qui anime les supporters de l'OL lors des derbys. Car l'Olympico, puisque c'est comme cela qu'il est convenu d'appeler cette rencontre, n'est pas cette sorte de lutte fraternelle qui oppose Lyon et sa banlieue. Non, c'est plutôt une espèce de guérilla vicieuse où les coups bas semblent permis et où l'honneur n'est pas vraiment au rendez-vous. La rivalité entre Lyon et Marseille est en fait une rivalité sportive entre deux clubs du haut de tableau envenimée par des esclandres réguliers - et la mentalité sanguine de certains... Elle est finalement un peu à l'image de ce qui oppose l'OL au PSG : les deux clubs ne s'aiment clairement pas, mais si l'un des deux descendait en Ligue 2, l'autre n'en n'aurait cure.

Cette mise en pause du derby correspond en fait plus à un moyen de faire remonter l'excitation. Car rien ne remplacera la rivalité régionale, acquise au fil de l'histoire. Même si un club local émergeait - au hasard, le FC Villefranche-Beaujolais -, il serait considéré comme un ami plutôt qu'un ennemi. L'affrontement entre les bourgeois de Lyon et les mineurs de Saint-Etienne, entre le funiculaire de Fourvière et le tramway de l'Hôtel de Ville, entre la ville intellectuelle et la ville ouvrière, ne s'arrêtera jamais. Alors il n'y aura pas de nouvelle rivalité. Les supporters lyonnais auraient bien aimé supporter le FCVB face aux Verts en Ligue 2, il n'en sera rien. Il faudra donc espérer un tirage en Coupe de France pour pouvoir contraindre un lyonnais à regarder un match de l'ASSE l'an prochain. Et en attendant, une division d'écart, c'est encore une plus grande victoire que trois points au classement.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par NSOL31, membre du Café du Commerce OL.