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Bilan 21/22 : La tempête en tribunes

Le 02.06.2022 par OL_ympique

Avec le printemps, les banderoles ont fleuri dans les gradins du Groupama Stadium, et cette saison, la récolte fut exceptionnelle. « Celui qui sème le vent récolte la tempête », dit le dicton. Or l'OL a bien trop semé, une année encore, l'année de trop. Les tribunes lyonnaises ressortent particulièrement éprouvées de cet exercice, et les tristes résultats de leur équipe n'expliquent pas tout.

Déni de responsabilités

Décembre 2021. La 19ème journée de Ligue 1 est passée. L’OL est, certes, leader de sa poule d’Europa League, mais aussi 13ème du championnat français, à 22 points du leader, Paris, et à 7 points de Montpellier, cinquième. Pour couronner le tout, Juninho, la légende brésilienne du club devenue son directeur sportif, quitte le navire, lassé, épuisé, désespéré dans un club qui n’avance pas. Comme un symbole. Une allégorie, même : celle du désarroi et du désespoir des amoureux de l'OL, devant l'attitude de leur équipe mais aussi de la direction d'un club qui a, souvent, donné des coups de couteau dans leur dos. Rien de bien nouveau, cela date de l'époque Genesio, celle à laquelle l'institution OL s'est habituée à relativiser les mauvais résultats de l'équipe, et à concasser la moindre critique de ses fans.

En 2017, la 4ème place en Ligue 1 n’a rien de dramatique, et ce n’est pas si mal d’avoir atteint les demi-finales d’Europa League, même si la défaite à Amsterdam à l’aller était une humiliation. En 2018, l’élimination à domicile face au CSKA Moscou en C3 et la deuxième place bêtement perdue en fin de saison n’ont rien de désastreux, les supporters sont trop exigeants. En 2019, les défaites en coupes face à Strasbourg et Rennes ne sont pas honteuses, et les critiques contre l'entraîneur relèvent du harcèlement. En 2020, si l’OL finit 7ème, c’est uniquement à cause de la LFP (qui a arrêté le championnat à cause de la pandémie), et Garcia est honteusement attaqué alors qu'il a emmené le club en demi-finale d’une Ligue des champions... au format inhabituel. En 2021, la quatrième place de Ligue 1, c’est une nouvelle qualification européenne, de quoi se plaint-on ? L’absence de titre depuis 2012, elle, s’explique en trois lettres : P.S.G. La faute aux Qataris, la faute à Juni, la faute aux supporters, la faute à Memphis, etc.

Le club n'a tout simplement cessé de planter des arbres pour cacher sa forêt, et jamais il n’admet véritablement ses responsabilités dans le lent déclin lyonnais. Le président Jean-Michel Aulas s’est calmé sur Twitter ces derniers mois, mais il avait pris l'habitude d'être à la tête de la contre-offensive lors de chaque vague de critiques. Depuis des années, avec l’aide, consciente ou non, de certaines personnalités gravitant autour de lui, le club n’hésite pas à taper sur ses supporters pour faire taire les critiques et faire oublier ses erreurs, ses échecs. Sauf que, cette année, à force de tirer sur la corde, le club l’a fait céder. Dans ce contexte, pour la première fois, des dirigeants comme Vincent Ponsot, directeur du football de l'OL, n'ont plus réussi à se cacher, et ont été vivement critiqués.

L’OL condamne, au grand dam de ses fans

Un épisode symbolise la finalisation du divorce entre l’OL et ses fans cette saison. Il a eu lieu le 19 janvier dernier, à deux jours du Derby. À l’époque, chacun à Lyon a conscience qu’il faut profiter de ce rendez-vous hautement symbolique pour relancer la machine. Quand tout va mal, la rivalité avec l’AS Saint-Etienne est exacerbée, et doit aider l'une ou l'autre équipe à rebondir. C'est une question d'ADN. Oui, mais…

Ce matin-là, un mercredi, jour de conférence de presse, le groupe de supporters Lyon 1950 commet une – terrible – erreur, en accrochant une banderole destinée aux joueurs lyonnais aux grilles du centre d’entraînement. La teneur des propos n’est pas particulièrement sympathique, on en conviendra. Néanmoins, elle n'a rien de très inhabituelle, et surtout, tout le monde comprend qu’il ne s'agit pas d’un réel appel à commettre des homicides. Tout le monde lit cette banderole sans surprise. Tout le monde ? Non. Pas l’OL en tous cas, qui a décidé, via Twitter, de condamner cette banderole, pourtant destinée à soutenir le club. « L'OL condamne… », au grand dam de ses fans.

Par ce petit post sur les réseaux (pas le premier du genre), le club a rassuré ses actionnaires et tenté de policer son image auprès de la LFP, mais il a également achevé de grignoter la patience et la tolérance de ses supporters. « L'OL condamne… » devient un running gag, et début avril, la pilule n'est toujours pas passée, comme l’atteste une banderole déployée en tribune lors du match OL – Angers. À l'occasion de celui-ci, les Bad Gones ont fait grève le temps d'une mi-temps, et les banderoles n'ont pas manqué. À force de se sentir méprisés, les supporters lyonnais sont devenus plus inspirés que jamais :

Des incidents regrettables

Un ingrédient n'a pas manqué d'épicer, encore un peu plus, les tensions dans les tribunes lyonnaises cette saison. Mettez quelques grammes de bêtise et de violence dans un stade, ajoutez-y quelques kilogrammes d'amalgame et de mauvaise foi, et vous obtiendrez un mélange explosif dont les victimes collatérales sont le club et la majorité pacifique de ses supporters.

Le 21 novembre 2021, la recette prend forme pour la première fois, avec un temps de cuisson record. Dès la 4ème minute de l'Olympico, tout part en vrille après un jet de bouteille d’eau en plastique sur Dimitri Payet. La star marseillaise, autoproclamée lanceur d’alerte face aux violences venues des tribunes (qui sont si rares à Marseille !), s’effondre sur la pelouse. Les équipes sont renvoyées au vestiaire, le lanceur d'engin est identifié et interpellé, mais la fête est gâchée. Pendant deux longues heures, arbitre, clubs, ligue et autorités se renvoient la responsabilité d'une vaste mascarade. Par la suite, la polémique ira jusqu’aux ministères des Sports et de l’Intérieur, qui étaient restés muets pour bien pire (si tant est qu'il y ait une hiérarchie dans la bêtise humaine). Clairement, les réactions n’ont pas souvent brillé par leur mesure et leur intelligence, tant certains ont envenimé cette affaire. Il n’en reste pas moins que ce geste a terni la réputation du public lyonnais, et mis le club dans une position délicate. L’OL a été sanctionné, ses supporters ont été pointés du doigt, pour le geste d'un seul homme, qui plus est (malheureusement) courant dans les arènes footballistiques françaises, européennes, mondiales.

Payet se remet de son choc avec une bouteille en plastique à la tête contre l'OL

Un peu plus d’un mois plus tard, deuxième service, encore plus indigeste que le premier. Le 27 décembre, la commission de discipline de la FFF décide tout simplement de mettre fin aux parcours de l’OL et du Paris FC en Coupe de France, suite aux incidents en tribunes qui ont empêché le 32ème de finale d’atteindre son terme, quelques jours plus tôt. Ce soir-là, des individus cagoulés se battent dans les gradins. Le président parisien Pierre Ferracci n’a cessé de blâmer les fans lyonnais, dont quelques-uns se sont effectivement rendus coupables de gestes inadmissibles, en réponse aux provocations tout aussi inadmissibles d’hooligans parisiens (dont certains du Paris... Saint-Germain), bien aidés par un laxisme sécuritaire honteux de la part du Paris FC. Ce soir-là, le football a, une fois de trop, perdu. Quant à l'Olympique Lyonnais, il a perdu l'occasion de gagner un titre et a vu l'image de ses supporters être, encore, écornée. 

Des supporters dans les gradins du Paris FC pendant un épisode de violence

À force d'incidents regrettables, les tribunes lyonnaises ont été sanctionnées, et le club a dû prendre des mesures et communiquer en conséquence. La violence n'a pas sa place à Lyon, comme elle n'a sa place nulle part ailleurs. Ce qui est moins naturel, moins légitime, moins acceptable, c'est que ce contexte a conduit à un amalgame jusque dans l'effectif rhodanien : une fois encore, c'était l'occasion de se délester de responsabilités trop lourdes à porter. La faute aux supporters, encore.

Déconnexion totale

Fin avril, suite au match de championnat à domicile contre Montpellier, Moussa Dembélé ne mâche pas ses mots : « Les supporters nous ont beaucoup porté préjudice cette année ». Un peu comme si le temps de la pandémie, lorsque les stades étaient vides et de facto dénués de signaux d’insatisfaction, lui manquait. Même en précisant qu'il ne mettait pas tous les supporters dans le même sac, il a prouvé, avec cette déclaration, qu'il y avait un problème de communication et de compréhension entre l'OL et ses supporters, jusqu'au niveau de l'effectif.

Ce jour-là, ce sont les insultes de quelques supporters en direction de Karl Toko-Ekambi qui ont mis le feu aux poudres, mais c'est la réaction du joueur et de ses coéquipiers qui méritent le détour. En effet, elle a illustré la déconnexion totale entre l'effectif et ses soutiens des gradins.

Nous sommes plus précisément le 23 avril 2022, et les Gones, 8èmes du championnat, rencontrent les Montpelliérains à domicile. À la mi-temps, le score est de 2-2, alors qu’ils menaient 2-0. Comme d’habitude, Lyon déçoit, frustre ses fans, mais en deuxième mi-temps, l’équipe se réveille, et l’emporte par 5 buts à 2. Pourtant, les tribunes lyonnaises ne digèrent pas cette seconde partie de match, en raison d’un geste clair de Karl Toko-Ekambi, qui a décidé de provoquer les supporters de son club, oreilles tendues, doigt sur la bouche, lors de sa célébration. D’après le joueur camerounais, quelques individus présents dans les travées du Groupama Stadium auraient insulté sa famille, et il leur a répondu ainsi, ce qui ne l’a pas empêché de remercier les « vrais » supporters à la fin de la rencontre. Trop tard, le mal était fait.

À ce moment de la saison, les supporters lyonnais sont usés par l'accumulation des mauvais résultats, des incidents, des polémiques. Quelques jours plus tôt, le 17 avril, les Bad Gones et Lyon 1950 avaient fait le choix de boycotter le match face à Bordeaux, peu après la défaite (3-0) face à West Ham en match retour d’Europa League. Annonçant cette décision, Lyon 1950 avait fait part de son « cœur lourd ». Indéniablement, un tel boycott n'est pas habituel. Mais, cette saison, le ras-le-bol l’a emporté. Sauf que le club n'a pas pris cela en considération, et les joueurs, maintes fois protégés par l'institution malgré des performances insatisfaisantes, n'ont pas compris de quoi il en retournait. Voilà pourquoi l'attitude de Toko-Ekambi et les réactions de ses compères ne pouvaient pas être comprises par les supporters. Il fallait certes dénoncer les insultes, mais il ne fallait pas en faire toute une affaire dans ce contexte. Et il ne fallait pas un doctorat en communication pour en avoir conscience.

Toko-Ekambi chambre des supporters en tendant ses oreilles après avoir marqué

Au bout du compte, personne ne comprend plus personne, tout le monde rejette la faute sur tout le monde, et personne n'en sort gagnant, même pas l'Ebitda de l'OL (encore que). Même Anthony Lopes, enfant du club et figure appréciée en tribunes, ne semble plus faire le lien entre le club et les supporters. Plutôt que de construire des ponts, l’OL a creusé des fossés.

Tout reconstruire

Dans le journal L'Equipe du 22 mai dernier, le coach Peter Bosz, qui aura a priori le droit à une seconde chance la saison prochaine, a indiqué qu’il comprenait les supporters. « Je comprends leur impatience. […] On va tout faire pour arriver là où l’OL doit être ». Il parle évidemment du sportif, et il a évidemment raison. Des victoires, des titres, c’est ce que veulent désespérément les supporters. Du sérieux et de l’engagement aussi, des valeurs chères au technicien néerlandais, qui a, à plusieurs reprises, reproché à son effectif un manque de discipline. Mais le sportif ne fait pas tout, comme on a pu l’observer cette saison, et les précédentes. Il y a quelque chose, dans l’âme du club, qui ne va plus. Pour retisser un lien de confiance avec ses fans, l’OL doit évoluer dans sa manière de communiquer, d’agir, et de définir les grandes lignes de son projet, qui est trop souvent perçu comme un business purement économique, désormais communément incarné par Vincent Ponsot, dans lequel le sportif est laissé pour compte et les supporters abaissés au statut de clients trop exigeants.

Aulas et Ponsot en conférence de presse

Dans sa « lettre ouverte aux passionnés de l’Olympique Lyonnais » du 10 mai, le président Jean-Michel Aulas a décidé de sortir de sa (relative) discrétion récente, et de laisser tomber sa stratégie d’appel à l’union sacrée. Il a reconnu des torts partagés, comme rarement, et promis du changement. « C’est désormais à nous de vous rendre cet amour au centuple […]. Nous devons faire face à nos erreurs pour ne plus les reproduire, sans nous cacher ou nous trouver des excuses […]. Je sais qu’il était important de retrouver nos fondamentaux, notre ADN OL, un mental qui s’inscrira dans un esprit de revanche la saison prochaine ». Des paroles aux actes, il y a un grand pas, mais les bonnes paroles ont été si rares à l’OL ces derniers mois, ces dernières années, que ces mots forts font du bien aux supporters. Pourtant, le soir du match contre Montpellier et de la polémique Toko-Ekambi, Aulas n’avait pas été tendre, allant jusqu’à brandir la menace d'un départ anticipé de son poste de président, tout cela pour les éventuels agissements de quelques individus. Il y a encore du chemin à faire, il y a beaucoup à reconstruire. Ou, plutôt, il y a un mur à démolir.

Photo principale : © Radio SCOOP / Adrien Jougler

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par OL_ympique, membre du Café du Commerce OL.