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Crise à l'OL : quelles sont les raisons et comment s'en sortir ?

Le 06.10.2020 par joh

Après le match nul concédé au Groupama Stadium contre l'OM, l'Olympique Lyonnais reste sur 5 matchs sans victoire en Ligue 1. Les Gones se retrouvent de nouveau en pleine crise sportive. Essayons d'en comprendre la genèse et d'en déduire ce que l'OL doit rectifier pour repartir de l'avant.

Un an après la désillusion Sylvinho, l’Olympique Lyonnais se retrouve une nouvelle fois dos au mur avec seulement 7 points en 6 matchs et des concurrents qui prennent peu à peu le large. Les Gones espéraient aborder leur saison plus sereinement, affranchis de compétition européenne. Si le plus dur arrive pour les concurrents français qualifiés en Europe, ce début de saison inquiète naturellement les observateurs et les supporters. Rudi Garcia est-il encore l’homme de la situation ? Comment la deuxième puissance financière de Ligue 1 peut-elle se retrouver deux saisons de suite en difficulté ?

Nous allons revenir sur ce qui a fait la gloire du club lors de la dernière décennie et comprendre pourquoi le « modèle OL » est en difficulté en 2020.

L’OL grand d’Europe : l’omniprésence de JMA

La capitale des Gaules est connue depuis de nombreuses décennies pour sa gastronomie, mais au tout début du XXIème siècle, Lyon a plutôt rimé avec football. Sept saisons consécutives durant lesquelles l’OL a privatisé la première place du classement de Ligue 1. Mieux, les Lyonnais sont devenus l’une des écuries européennes les plus redoutées. Les Galactiques du Real Madrid en gardent certainement un très mauvais souvenir.

Jusqu’ici, la ville de Lyon n’était pas une grande place du football français, mais l’omniprésence de Jean-Michel Aulas à tous les niveaux du club a permis de gagner un temps précieux. À son arrivée à la présidence en 1987, le dirigeant natif de l’Arbresle avait immédiatement communiqué son envie de sortir l’OL de la D2 et d’emmener son club, en seulement quelques années, en Europe. Son ambition, initialement moquée par l’opinion publique, lui aura permis non seulement d’atteindre ses objectifs en un temps record mais principalement d’aller encore plus loin, plus haut…

Le numéro un de l’Olympique Lyonnais avait identifié de nombreuses opportunités sur un marché (le football) encore peu mature. Comme il l’avait été quelques années auparavant avec CEGID, Jean-Michel a été précurseur avec un modèle économique qui a inspiré bon nombre de clubs européens. La stratégie était de rendre le club rhodanien le moins dépendant possible des résultats sportifs. En investissant pour accroître ses ressources internes – avec le centre de formation par exemple –, l’OL est devenu un club de plus en plus auto-suffisant avec une excellente connaissance du marché du football. Jean-Michel Aulas avait un temps d’avance sur les autres dirigeants français, l'hégémonie lyonnaise n’était finalement pas si surprenante, tant le dirigeant lyonnais maîtrisait son sujet. Mais pour en arriver là, son omniprésence a été d’une importance capitale pour s’assurer que le club ne dévie pas de son objectif.

Jean-Michel Aulas omniprésent à l'OL

Fin de l’hégémonie lyonnaise

Chaque bonne chose a une fin et après un renouvellement de l’effectif avec des départs importants comme celui de Karim Benzema ou encore celui de la légende Juninho, l'OL doit se réinventer. Le club rhodanien a alors misé sur Claude Puel en 2009 pour prendre la relève et a fait le choix de construire autour de lui. L’OL investit 110 millions d'euros sur le marché des transferts lors des deux premières saisons avec l’ancien coach lillois sur le banc. Si l’OL est de loin la plus grosse puissance financière de L1 durant cette période, le club sera seulement dauphin de l’OM à l'issue de la saison 2009-10. Les Gones se retrouveront au pied du podium la saison suivante avant de sortir du Top 3 lors de la dernière saison de l’ère Puel. À son apogée sur le plan économique à l’arrivée de Claude Puel, c’est finalement à ce moment que l’OL rentre dans le rang sportivement. De quoi donner quelques regrets à Jean-Michel Aulas d’avoir cédé une liberté trop importante à l’actuel technicien des Verts.

Dans cet élan économique, Jean-Michel avait également enclenché le projet de construction du Grand Stade afin de faire passer un nouveau cap à son club. Être propriétaire de son club et jouir de 100% de ses recettes, dans la continuité de la volonté d’accroître les ressources internes et dépendre un minimum des résultats sportifs. L’échec Puel n’a certes pas remis en question ce projet mais aurait pu l’accompagner avec une meilleure dynamique et avec moins d’incertitudes économiques.

Le football arrivé à maturité

Mais dans le même temps, le football est en pleine métamorphose. La période 2006-10 coïncide avec l’émergence des nouvelles technologies, du web et de la data dans notre société. Cela a engendré l'apparition de nouveaux outils pour permettre aux dirigeants, coachs et staffs de mieux analyser et comprendre le football. En seulement quelques années, le football bascule dans un univers où il est possible de pousser plus loin l’analyse de ce sport et s’affranchir des limites de « l’œil humain ». 

Txiki Begiristain incarne parfaitement cette nouvelle ère. Nommé directeur sportif du FC Barcelone en 2003 à seulement 39 ans (associé à Joan Laporta), il avait un œil neuf sur le football et était proche de nombreux analystes du beautiful game. C’est durant son mandat que le FC Barcelone installe Frank Rijkaard puis Pep Guardiola sur le banc. Le club catalan sera alors à son apogée, remportant les titres les plus prestigieux. Begiristain quitte la Catalogne en 2010 et rejoint Manchester City en 2012 où il parviendra à attirer de nouveau Pep Guardiola quelques années plus tard. Il ne serait pas honnête d’attribuer entièrement la réussite du club catalan et du club mancunien à Txiki, mais il est intéressant d’analyser la gestion sportive de ces deux clubs : sans et avec Begiristain. Il a le mérite d'avoir identifié et activé les leviers de performances du football de demain.

Si certains clubs ont bien négocié ce virage à 90 degrés, ce n’est pas le cas de l’Olympique Lyonnais qui ne semble pas avoir remarqué la mutation soudaine. Cette révolution sur le marché du football nécessite la nomination de nombreux experts sur chaque pôle afin d'optimiser les chances de réussite. Comment imaginer que la fonction de directeur sportif soit occupée par une personne n’ayant pas conscience de la métamorphose de ce sport ? Comment accepter que le coach en place ne s’intéresse pas aux nouveaux courants de pensées ? Ces nouvelles opportunités ont incité les clubs à déléguer davantage, rendant l’omniprésence de certains dirigeants beaucoup moins légitime.

Mais à l'OL au contraire, la mauvaise expérience avec Claude Puel a conforté Jean-Michel Aulas dans l’idée de garder la main sur le sportif. Le président lyonnais était logiquement focalisé sur le Grand Stade et ce projet de grande ampleur a peut-être détourné l’OL des autres enjeux importants. Il n’est pas question de remettre en cause le projet du Parc OL qui est un modèle en France, voire en Europe, mais plutôt de réaliser que l’OL n’a pas su surfer sur la bonne vague pour pérenniser ses résultats sportifs.

Gestion sportive : navigation à vue

La période post-titres sera marquée de nouveau par l’absence de directeur sportif. Jean-Michel Aulas compte toujours sur Bernard Lacombe puis Gérard Houllier pour le conseiller dans les choix stratégiques à prendre dans le domaine sportif. Mais cette organisation semble vieillissante au moment où le football est en train de changer de dimension. Bernard Lacombe est plutôt présent pour affirmer l’identité lyonnaise que pour importer de nouvelles idées ou pensées. De son côté, Gérard Houllier, conseiller extérieur depuis 2016, est justement celui qui devait apporter une vision extérieure. Si son rôle reste jusqu’ici assez flou, souvent sondé lorsqu’il faut changer d’entraîneur, son avis est néanmoins très considéré par Jean-Michel Aulas. Mais l’ancien coach de l’OL entre 2005 et 2007 est en parallèle directeur mondial de la branche football du groupe Red Bull et n’a guère le temps de développer une politique sportive à l’Olympique Lyonnais.

L’absence d’un maillon dans l’organigramme sportif qui s’apparente au directeur sportif est « compensé » par l’omniprésence de Jean-Michel Aulas, mais aussi par la promotion officieuse de Florian Maurice, responsable du recrutement. Ce dernier devient le principal décisionnaire sur le recrutement du club. À titre d'exemple, Bruno Genesio, qui définissait des besoins très sommaires, avait finalement un impact très relatif sur le choix des joueurs. La liberté de Florian Maurice lui a permis d’effectuer un recrutement opportuniste. Mais rétrospectivement, les observateurs ont souvent fait le constat que l’effectif présentait des défauts dans sa construction. On notera par exemple l’absence d’ailiers de métier depuis de nombreuses saisons. Malgré cette prise de responsabilité, Florian Maurice ne sera pas parvenu à définir une réelle ligne directrice dans le recrutement de l’OL.

Si l’OL a connu des performances sportives en dents de scie au cours des dernières saisons, il est difficile de ne pas accabler le flou sportif qui règne à l’Olympique Lyonnais.

Juninho, des débuts difficiles...

À l’issue de la saison 2018-19, Juninho fait son grand retour chez le septuple champion de France au poste de directeur sportif. Un choix très symbolique de créer un nouveau poste stratégique pour la légende du club. Si cela prédisait une révolution entre Rhône et Saône, la suite n’a pas été à la hauteur de l’engouement généré chez les supporters. Sylvinho remercié après seulement 10 journées, Rudi Garcia désormais dans la tourmente après 6 journées. Si le surprenant parcours en Ligue des Champions a fait office d’éclaircie, les orages n’ont pas tardé à faire leur retour dès le début de saison 2020-21.

En apparence, il pourrait être tentant de mettre la responsabilité sur le directeur sportif brésilien dont l'arrivée coïncide avec l’effondrement de l’équipe au classement du championnat de France. Mais contrairement à ce que communique l’Olympique Lyonnais, les décisions sur le sportif ne sont pas prises uniquement par Juninho. En effet, selon nos informations, Gérard Houllier (conseiller externe) a une influence non négligeable dans le processus de décision chez les résidents de Décines. Il est notamment derrière les recrutements de Rudi Garcia ou encore de Bruno Cheyrou, pourtant attribués à Juninho officiellement. Si l’ancien manager de Liverpool n’exerce pas une autorité directe sur le Brésilien, il est l’homme de confiance de Jean-Michel Aulas. Et jusqu’à aujourd’hui, l’opinion de Gérard Houllier avait tendance à primer sur celle de Juninho.

On notera l’impossibilité pour le directeur sportif de faire venir un technicien accompagné d’un staff d’au moins quatre ou cinq éléments. Et s'il en avait eu la possibilité, croire que Sylvinho n'aurait pas été l'élu ne serait pas insensé. La légende du coup-franc se voit confrontée à une organisation déjà en place qui ne l’a initialement pas fait venir pour bouleverser le processus décisionnel sur les aspects les plus stratégiques. Néanmoins, après le départ de Florian Maurice, Juninho est parvenu à prendre la main sur le recrutement, bien que le trio Houllier-Cheyrou-Garcia essaye de tirer la couverture de son côté. La réussite Bruno Guimarães a sans doute été une immense bouffée d’oxygène pour l’ex-international auriverde, qui a pu démontrer ses connaissances footballistiques et faire le plein de confiance à un moment où il avait été affaibli.

Jean-Michel Aulas, Juninho et Gérard Houllier (photo Le Progrès / Stéphane Guiochon)

Bientôt plus de pouvoir pour Juninho ?

Malgré le contexte sportif difficile, il y a quelques signes d’espoir. L’OL a fait en sorte que l’ensemble de son staff soit en fin de contrat le 30 juin 2021. Pure coïncidence ? Peu probable, puisque Christophe Revel (entraîneur des gardiens), dernier arrivé en succédant à Grégory Coupet, n’a pu parapher qu’un contrat d’un peu plus d’un an. À neuf mois de cette échéance, cela ouvre la possibilité qu’un coach puisse arriver la saison prochaine avec un staff complet. À condition que Rudi Garcia ne soit pas prolongé. Mais cette éventualité serait déjà écartée comme le révélait L’Equipe dernièrement. Il y a peu de doutes sur le fait que ce soit Juninho qui ait orchestré cela. Peu de temps avant le licenciement de Sylvinho, le directeur sportif avait pointé du doigt la passivité du staff. Gérald Baticle, Claudio Caçapa ou encore Grégory Coupet étaient pointés du doigt. Mais à l’inverse de l’entraîneur brésilien, ils avaient conservé leur poste. À l’exception de Coupet, qui n’a pas été renouvelé en juin dernier.

Juninho n'a peut-être jamais eu autant de légitimité qu’aujourd’hui. Parce qu’en interne, tout le monde sait que l’échec Rudi Garcia est à attribuer à Gérard Houllier. Juninho, Florian Maurice ou encore Vincent Ponsot étaient quant à eux réfractaires à cette idée. Mais l’influence du conseiller extérieur ainsi que les contraintes posées initialement ont fait pencher la balance par défaut du côté de l’ancien coach de l’OM. Bruno Cheyrou, quant à lui, est déjà une déception. Il lui est reproché son sérieux et son manque de dialogue avec Juninho avant de creuser certaines pistes. Et c’est une fois de plus Gérard Houllier qui est à l’initiative de la nomination du responsable du recrutement. L’Equipe révélait ces derniers jours que Juninho avait une préférence pour Patrick Müller, son ancien coéquipier.

Le directeur sportif brésilien a également le soutien des supporters. Et Jean-Michel Aulas l’a bien compris. Si les supporters usent de tant de patience avec le club, c’est en grande partie parce que la légende du club occupe un poste stratégique dans l’organigramme sportif. Au moment où l’OL doit anticiper la saison prochaine, le président lyonnais va devoir trancher et il serait souhaitable qu’il renforce son directeur sportif.

Comment préparer l’avenir ?

Après un nouveau match nul contre l'Olympique de Marseille, la légitimité de Rudi Garcia est plus que jamais remise en question. Et si le tacticien ne parvient pas à remettre l’OL sur les rails très vite, nul doute que le board sera poussé à prendre une décision radicale. L’hypothèse dans laquelle l’ancien coach de la Roma serait remercié provoquerait un nouveau casse-tête du côté de Décines. Pour rappel, le staff sera en fin de contrat seulement à l’issue de la saison, il serait alors difficile de confier le banc à un coach désireux de venir avec un staff suffisamment conséquent.

Juninho semble également déterminé à faire venir un coach prônant une philosophie plus offensive que ces prédécesseurs. L’Equipe révélait ces derniers jours son envie d’attirer Jorge Sampaoli, l’actuel entraîneur de l’Atletico Mineiro. Son attrait pour le tacticien argentin ne date pas d’hier, déjà en 2012, il conseillait à Vasco de Gama de l’enrôler « Je suis totalement pour (recruter un entraîneur étranger). Assez de ces clubs fermés, nous devons laisser la place au mérite. J'ai proposé Sampaoli à Vasco alors qu'il était à l'Universidad de Chile et gagnait moins de 30K$/mois. Maintenant, il est sélectionneur du Chili…». Il y a huit ans, l’ancien numéro 8 lyonnais souhaitait déjà faire évoluer les mentalités dans son club au Brésil où le conservatisme prenait le dessus sur le reste.

Il est prématuré d’envisager que Juninho réussisse à faire venir celui qu’on surnomme le « disciple de Bielsa », mais cette simple volonté nous permet de faire une connexion immédiate avec les travaux menés au sein du centre de formation. La cellule méthodologique initiée par Jean-François Vulliez et développée par Amaury Barlet, Pierre Sage ou encore Jérémie Brechet notamment, repose sur une philosophie proche de celle de Sampaoli : le jeu de position. Ce style de jeu est devenu la grande tendance du football moderne. Le principe est de réduire l’aléa dans le foot, en générant des supériorités à plusieurs niveaux, dans l’optique de déséquilibrer l’adversaire. Dans la pratique, ça s’apparente souvent à une équipe très haute sur le terrain et qui presse dès la perte du ballon. Opter pour un entraîneur prônant le jeu de position serait dans la continuité de ce qui est entrepris à l’académie. Et lorsqu'on sait que la formation est dans l'ADN du club, cela serait fort de sens d'associer à l'OL un football où l'équipe est protagoniste dans le jeu.

En attendant, il n'est pas à écarter que le changement d'entraîneur puisse survenir en cours de saison, si Rudi Garcia ne parvient à retourner la situation rapidement. Il serait prévisible que la piste Laurent Blanc remonte à la surface, Jean-Michel Aulas n'a jamais caché son estime pour l'ancien sélectionneur des Bleus. De même pour Lucien Favre qui plait beaucoup à l'OL, bien que le Suisse soit toujours en poste à Dortmund. Marcelo Gallardo, quant à lui, avait déjà été envisagé par le président lyonnais par le passé, mais il ne semble pas pressé de lancer sa carrière en Europe. Une solution intérimaire pourrait également être envisagée. Si Gérald Baticle ne semble pas être le candidat idéal, le club rhodanien pourrait lui confier les clés quelques temps sous le contrôle de Juninho, afin de laisser du temps aux dirigeants pour trouver une solution. Rappelons que lors de la saison 2015-16, le licenciement d'Hubert Fournier au profit de Bruno Genesio avait permis de libérer le groupe et décrocher une deuxième place en Ligue 1. L'OL pourrait aussi pousser la réflexion sur une mutation interne pour dépanner jusqu'à la fin de la saison. Un retour de Rémi Garde semble lui peu probable, mais son profil serait intéressant pour une opération commando où il faudra composer avec de nombreux jeunes !

Il existe de nombreux scénarios, mais l'OL ne devra pas se tromper cette fois-ci. Il faudra prendre des décisions qui permettront de remonter au classement tout en préparant l'avenir. Cela nous assure des prochaines semaines mouvementées. La trêve internationale d'octobre sera peut-être de nouveau le théâtre d'un bouleversement dans l'organigramme sportif...

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par joh, membre du Café du Commerce OL.