Faux supporter
Le 28.03.2022 par NSOL31Un fait se doit d'être dit : l'Olympique lyonnais ne me fait plus vibrer. Je n'attends plus avec impatience les matchs de mon club de cœur. Pour autant, suis-je devenu un faux supporter ?
Passager clandestin
Je n'ai jamais autant manqué de matchs de l'OL que cette saison. J'ai manqué des rencontres dans toutes les compétitions. En Ligue 1, évidemment, mais aussi en Ligue Europa et même en Coupe de France. Pourtant, tout avait bien commencé puisque je m'étais infligé quelques matchs amicaux de pré-saison. Mais voilà, le fait est là, je ne passe plus deux heures par week-end à regarder Anthony Lopes et consorts. Mes priorités ont-elles changé ? Sûrement. C'est en tout cas plus que probable. Je n'ai pas regardé au moins la moitié des matchs de l'Olympique lyonnais cette saison, et pourtant j'ai passé plusieurs heures dans les salles obscures à regarder les dernières sorties cinématographiques. Je confesse même avoir préféré des avant-premières à des matchs de l'OL. En même temps, on ne refuse pas Xavier Giannoli ou Jean-Paul Rouve.
Et si j'ai regardé plus de films au cinéma cette année que de rencontres des Gones, ce n'est même pas une question d'argent. J'ai la chance d'être abonné à Canal +, de partager un Amazon Prime Video avec Le Pass Ligue 1 et d'être un habitué depuis plus de dix ans des sites de streaming. Le temps ne me manque pas non plus : je vais au sport toutes les semaines – parfois plusieurs fois –, je vais régulièrement boire un verre dans un bar ou manger dans un restaurant, et je m'effondre même de temps en temps sur mon canapé devant Netflix. Certains supporters historiques me qualifieraient sûrement de faux supporter.
Et pourtant, je me comporte tout à fait comme un supporter de l'Olympique lyonnais. En société, personne ne peut douter que je suis supporter de l'Olympique lyonnais. Je refuse de prononcer le nombre qui se situe entre 41 et 43, j'évite autant que possible de porter une couleur qui se rapproche du jaune et du bleu mélangés, et je considère que le club de Ligue 1 le plus proche de Lyon se situe à Clermont-Ferrand. En outre, je conspue allègrement la ville de Marseille, son club de foot y compris. Si je dois me rendre dans un port industriel gangréné par la criminalité et la délinquance, je préfère autant me rendre à Naples, ou même à Gênes. En bref, je suis un passager clandestin. Je donne l'apparence et j'adopte les attitudes du supporter lyonnais, mais je n'effectue pas l'acte essentiel du supporte de l'OL : regarder les matchs et encourager son équipe.
Aux racines du mal
Pourtant, cinq ans à peine en arrière, j'étais prêt à regarder un match sur mon téléphone dans une rue obscure, ma valise à la main, pour ne pas manquer une seule seconde de la rencontre. J'ai même à l'époque pris part à des projets formidables qui me permettent encore aujourd'hui d'écrire çà et là sur le football, et, ironie du sort, sur l'Olympique lyonnais. Avec quelle légitimité ? À l'heure même où j'écris ces lignes, je porte un short floqué de l'écusson du club de la Capitale des Gaules, et j'ai perdu de précieuses minutes ce jour à lire des débats sur la possible prolongation de Maxence Caqueret et son salaire. Mon identité semble en balance entre mon passé et mon futur.
Mais je n'aime pas à penser que l'Olympique lyonnais représente mon passé. À mon avis, mon désamour est plus conjoncturel que définitif. Des faits, déjà. Je n'habite plus à Lyon, après y avoir habité plusieurs années, et même y être revenu. Là où je suis, on jure par d'autres clubs, qui me font ni chaud, ni froid. Personne n'aime Lyon, mais personne ne déteste non plus le club de Jean-Michel Aulas. Au quotidien, je fraye avec une majorité d'étrangers qui ne connaissent de la France que Disneyland Paris, La Vallée Village, la Tour Eiffel et le Mont Saint-Michel. J'essaye quand même de leur glisser que la Basilique de Fourvière n'a rien à envier à Notre-Dame de Paris. Et puis il y a le travail, évidemment, qui me fait parfois oublier l'Olympique lyonnais.
Mais peut-être que l'élément le plus flagrant de ma relation avec l'Olympique lyonnais est que je ne me reconnais plus dans le club. Il n'y a plus de joueur que j'ai envie à tout prix de voir réussir, il n'y a plus de gamin – à part peut-être Castello Jr. – qui me prend aux tripes quand il touche le ballon. Les résultats sportifs en demi-teinte ne sont même pas la cause de mon désamour ; si je souhaitais absolument que mon club gagne des titres, je serais un fan du Paris Saint-Germain. Au final, ce qui fait peut-être de moi un faux supporter, c'est que l'Institution n'est plus ce qu'elle représentait à mes yeux. L'exigence, même dans l'échec, a disparu. Et quand même la holding de divertissement ne divertit plus, mon cœur ne bat plus au même rythme. Mais j'ai l'espoir. L'espoir que demain, le phénix renaisse de ses cendres et s'envole, rouge, dans le ciel bleu.