Houssem Aouar, l'héritier
Le 09.07.2018 par tyfounÀ l'heure où Aouar vient de prolonger jusqu'en 2023, retour sur cette pépite que certains avaient déjà remarqué sur le terrain n°10. Il a tout pour être l'héritier de ce numéro 8 abordé fièrement dans le dos depuis le départ de Tolisso.
Cela fait tout juste neuf ans que Juninho, le numéro 8 légendaire de l’OL, s’en est allé. Malgré les nombreuses épaules qui ont porté ce numéro après lui, Juninho n’a jamais vraiment trouvé son vrai successeur, tant par le poste que par l’importance dans le jeu. Miralem Pjanic est malheureusement trop peu resté pour impacter la façon de jouer de l’OL. Yoann Gourcuff a été trop peu souvent sur le terrain pour mériter le terme d’héritier. Quant à Corentin Tolisso, bien qu’homme fort de l’OL, il évoluait dans un registre très différent du brésilien.
Ce soir du 23 mai 2009, lorsque Juni nous quittait, Houssem Aouar n’avait que 10 ans. « Houss » n’avait pas encore rejoint les rangs de l’OL. Il quittera l’AS Villeurbanne à la fin de la saison. Comme un clin d’œil au destin, c’est l’été ou le maestro s’en va que le gone du Tonkin intègre le centre de formation lyonnais. Tous les entraîneurs l’ayant entre les mains le disent, ce gamin a quelque chose de spécial. À l’époque où le Barça brille avec ce petit gabarit, la comparaison est facile entre Houssem Aouar et les milieux barcelonais.
2014, fin de l’adolescence
Il n’a alors que seize ans mais cette année va marquer un tournant dans sa carrière. Avec vingt-sept buts et quinze passes décisives lors de la saison avec les U17, Houssem Aouar ne peux plus se cacher. Les suiveurs assidus de l’OL arpentant les terrains des jeunes en essayant de parier sur les futurs pros, n’ont aucun doute sur Houssem. Cette même année il ouvrira même le score lors de la finale nationale U17 victorieuse face au PSG. Preuve de sa précocité, il connaîtra à tout juste 16 ans sa première sélection... en U19. Cette saison attire le regard des scouts et déjà certains tentent de l’appâter alors qu’Houssem n’as toujours pas paraphé de contrat professionnel. Les lyonnais en ont des sueurs froides. Mais le gone le répètera à plusieurs reprises : il veut connaître le monde pro à l’OL. De quoi rassurer les fans.
Le précieux sésame sera signé en 2016. Aouar encore auteur d’une grande saison se voit récompensé par un contrat professionnel. Ils sont alors nombreux à réclamer rapidement sa présence dans l’équipe pro. Il effectue même le stage de présaison avec l’équipe et lorsque Bruno Genesio parle de mettre en avant le centre de formation de l’OL, tout le monde y croit. Mais voilà, les belles promesses de l’entraîneur lyonnais ne semblent pas le concerner. Même quand l’OL domine de façon non négligeable son adversaire, il ne rentre pas. La grogne commence à se faire sentir chez les fans du joueur. Certains osent même la comparaison avec Farès Balhouli. Et pourtant, du point de vue du comportement, Houssem est exemplaire.
Houssem fait une première apparition sur le terrain lors du déplacement des lyonnais à Alkmaar, à quelques minutes de la fin. Il est même décisif sur le quatrième but lyonnais. Mais c’est au match retour que tout se décante. Alors que Lyon mène 4-1, Houssem va remplacer Maxwel Cornet. Et à la quatre-vingt-sixième minute, alors que le match semble plié, et que le stade ne voit pas forcément d’intérêt dans la fin de match, une lumière s’illumine. Aouar élimine un à un ses adversaire avant de tromper le gardien dans un angle fermé impossible. Le talent vient de parler.
Pourtant, on ne reverra que trop peu le jeune gone sur le terrain : titulaire face à Bastia, dans les conditions que l’on connaît, puis une entrée dans une équipe remaniée face à Monaco, et une dernière contre Nice en fin de championnat.
2017-2018 La saison de l’héritage
Durant l’été 2017, de grands chambardements arrivent à Lyon. Et avec le départ de Corentin Tolisso au Bayern Munich, c’est le jeune gone qui récupère le numéro 8. Il le sait, ce numéro est sacré. Mais dans les têtes de beaucoup de lyonnais, il n’y avait pas mieux placé que lui pour le récupérer. Ils ne sont pour l’instant que quelques marginaux à y croire, des défenseurs de « l’aouarisme » sur les réseaux sociaux, mais cette saison va leur donner raison.
Et pourtant tout semble débuter de travers. Entre août et septembre, Aouar joue plus souvent avec la CFA qu’avec les pros. Il ne totalise d’ailleurs que 7 minutes de jeu – à Nantes, lors d'un match nul 0-0. Houssem sait que sa première chance devra être la bonne. Cette première c’est le 23 septembre face à Dijon. Houssem est titularisé sur l’aile face aux résidents de la Côte-d'Or. Il est alors élu homme du match, notamment grâce à son but, son premier en Ligue 1. Autant dire qu’il ne s’est pas raté. Il enchaîne alors les matchs en concurrence avec Memphis Depay, mais les connaisseurs ne sont pas tout à fait satisfaits. Houssem n’est pas un ailier. Il démontre d’ailleurs ses prédispositions pour l’entrejeu face à Everton, match durant lequel Bruno Genesio prend la décision de l’aligner en numéro 6. Sur un match où les lyonnais s’imaginaient dépassés physiquement, l’enfant du Tonkin répond par une technique étincelante et une grosse capacité à la récupération. Il marque même au cours du match. Le numéro 8 retrouve des couleurs, et on aperçoit alors cette étincelle que personne ne peut oublier...
Sa saison alterne alors titularisations sur l’aile ou dans l’entrejeu aux cotés de Lucas Tousart. Cependant, Houssem ne joue toujours pas à son poste. Il a besoin de jouer dans l’axe mais un cran plus haut que deuxième 6. Les lyonnais réclament depuis quelques temps le retour du 4-4-2 pour voir jouer Aouar et Tanguy Ndombele ensemble. Mais en février, Nabil Fekir se blesse. Lyon cherche la solution, Genesio répond par un 4-3-3 où Ndombele et Aouar se positionnent devant Tousart. Le trio peine à s’imposer, subit l’élimination face à Moscou (Aouar était absent au retour) mais le public perçoit quand même un potentiel irrésistible.
Il y a des matchs qui font chavirer les supporters et qui sont des tournants pour des carrières. La rencontre entre le club majeur de Marseille et l’Olympique Lyonnais est de ces matchs-là. Aouar est titularisé alors qu’il était victime d’un virus. Mais le milieu répond présent. Il éclabousse le milieu de sa classe, récupère élimine. Aouar est monstrueux, talentueux, ce soir-là, aucun superlatif n’est de trop. Il marque le but du 2-1 pour l’OL d’un superbe intérieur du droit. Aouar est de la trempe des plus grands, plus personne ne peut le nier. La seule question que l’on se pose, c’est comment faire jouer Houssem et Tanguy ensemble quand Fekir reviendra. La réponse est évidente, et Bruno Genesio ne la loupe pas : 4-4-2 en losange. Ce milieu à quatre est irrésistible en terme talent brut. Aouar termine la saison en étant nommé parmi les meilleurs espoirs.
Héritier à tous les niveaux
Mais le numéro 8 ne se mérite pas que sur le terrain. Comme nous le confiait Razik Brikh lors de notre rencontre, Juninho était un perfectionniste. Un amoureux du club. Et chez Aouar, il y a aussi cette façon de rester humble en toute circonstance, à ne jamais s’enflammer quelle que soit sa performance. Il avoue lui-même être surpris de sa propre éclosion.
Et puis il y a cet amour du club, plus aucun lyonnais n’en doute, surtout lorsqu'un joueur est capable de jouer malade pour ses couleurs. Quand il accepte de patienter pour son contrat pro alors que d’autres préfèrent les millions à la passion. Comment douter d’un tel joueur ? Il y a aussi cette interview au micro de Canal + où il avoue reprendre les chants des supporters par moment sur la pelouse. Ce gamin élevé dans nos travées ne peut être qu’un amoureux du club. Chacune de ses interviews nous dévoile un personnage simple et attachant. Et puis il y a aussi la parole d’Armand Garrido, racontant ce joueur qui voulait devenir pro mais pas seulement. Pro à Lyon. Rappelant un Juninho qui ne s’arrêtait jamais de travailler même quand il était le meilleur.
Aujourd'hui et alors que le départ de Fekir semble acté, les larmes lyonnaises coulent devant le dernier d'une génération dorée qui s'en va. Le mal est douloureux à passer. Mais on le sait, une fois que la douleur du départ de Nabil sera encaissée, il faudra se tourner vers l'avenir. Et il nous est alors impossible de penser que cet avenir ne puisse pas être synonyme de Aouar. Si Nabil venait à rester cela lui laisserait le temps de finir de s'épanouir, mais dans le cas où le capitaine quitterait la capitale des gaules il sera temps de lui confier notre équipe.
Le club semble décidé à en faire sa figure de proue et l'affiche clairement avec un contrat qui court désormais jusqu'en juin 2023. Cela pousse même à se demander si Lyon recruterait vraiment un meneur en cas de départ de Fekir ou plutôt un milieu pur pour remplacer Aouar qui basculerait dans la position aujourd'hui occupée par Nabil.
Oui, certains diront qu'il est peut-être trop jeune, mais le talent n'a pas d'âge. Il est l'heure de lui donner les clefs du jeu. Donnons le pouvoir à ce talent brut afin qu'il puisse devenir le coeur du jeu lyonnais, donnons à ce magicien les éléments pour qu'il s'épanouisse et puisse offrir à nouveau une identité au jeu à l'OL.