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Joyeux OL !

Le 28.12.2020 par MatthiasT

De la victoire sur le Manchester City de Guardiola en quart de finale de la Ligue des Champions à l’un des pires débuts de saison de l’ère Aulas, difficile de croire que l’Olympique lyonnais allait ensuite glaner le titre honorifique de champion d’automne. Rétrospective des montagnes russes de 2020 et récit d’un spectaculaire regain de forme.

De Lisbonne à Montpellier

2020 marque le plus mauvais résultat de l’OL en championnat au XXI e siècle : septième. Le club ne se qualifie pas pour une coupe d’Europe, une première depuis 1997. Ce mauvais résultat sera néanmoins vite mis sous le tapis par le caractère ubuesque de l’arrêt prématuré de la Ligue 1. Une décision motivée par la pandémie et quelques dirigeants qui parait d’autant plus ridicule après coup. Pour les supporters, ce sont surtout les très bons parcours en Coupes qui occulteront légèrement la septième place. L’OL sort en effet de son sommeil footballistique durant la reprise estivale pour y disputer la finale de la Coupe de la Ligue, finir son huitième de finale de Ligue des Champions et surtout en disputer le Final 8 avec un certain succès.

Cependant, quelques semaines plus tard, les Gones étaient soumis au dur retour à la réalité du championnat de France. Car, aussi remarquable et respectable soit une victoire contre Manchester City, les qualités requises pour vaincre les trois quarts des équipes de Ligue 1 sont toutes autres. Les Lyonnais ne pourront en effet plus compter sur les transitions mais devront faire le jeu. Le retour à l’écueil « fort contre les forts, faible contre les faibles », suffisant à résumer le mandat Genesio, était une crainte légitime d’une grande partie des observateurs. Et, dans un premier temps, peut-être aussi en raison d’un contre coup mental et physique, elle s’est concrétisée.

Rétrospectivement décrites par Rudi Garcia comme un indicateur de ce qu’était capable le groupe, les qualifications contre la Juventus et les Citizens servirent alors de moteur pour sortir de la crise et entamer cette série d’invincibilité que nous connaissons aujourd’hui. Ce capital confiance emmagasiné sert aujourd’hui à l’OL pour aborder chaque match sereinement, en retombant peu dans son travers favori, l’art de se saborder les matchs tout seul. 

Centre aéré

Bordeaux, Montpellier, Nîmes, Lorient, Marseille… Lorsque les Lyonnais plongent dans la crise en septembre, ce n’est pas un rembobinage de la cassette « Final 8 2020 » qui suffira à les remettre dans le droit chemin, encore moins à les propulser jusqu’à la première place. Oui, mesdames et messieurs, et que cette phrase fait plaisir à écrire, l’OL a affiné son jeu au fil d’une saison grâce à un travail sur le plan tactique. C’est important de le souligner, car c’est l’amélioration la plus visible depuis au moins cinq ans.

La plus grosse partie de ce travail réside dans l’axialisation des offensives lyonnaises. C’est-à-dire la capacité des joueurs à trouver d’autres solutions plus créatives que le centre bête et méchant pour porter le cuir dans la surface adverse. Le changement est net. Dans sa série noire, l’OL centre en moyenne à 26 reprises par match. Dans sa série d’invincibilité, cette statistique tombe à 8. Une fois cette bonne résolution prise, et parce qu’il ne suffit pas d’arrêter de center, il reste encore à savoir que faire du ballon. Il y a bien sûr les préceptes de base du football moderne de nouveaux appliqués. L’OL relance proprement au sol plus souvent, plus rapidement et mieux. L’OL presse plus haut et de manière plus coordonnée. Mais ce n’est pas tout.

Entre alors la synergie du trident formé par Karl Toko-Ekambi, Memphis Depay et Tino Kadewere. En décrochant entre les lignes, le Néerlandais sert de point d’appui aux offensives et retrouve ce poste de faux neuf qu’il affectionne tant en sélection. Autour de lui, le Camerounais et le Zimbabwéen engagent une partie de poker menteur contre la garde adverse. Quand l’un mobilise des défenseurs, l’autre part en appel dans l’angle mort. Quand l’un s’excentre, l’autre offre une solution en profondeur en se liant de triangles avec un milieu, Memphis ou un latéral. La complémentarité de ce trio s’avère diablement efficace aussi bien en transitions qu’en attaques placées, signe que Rudi Garcia a trouvé sa formule pour la routine de la Ligue 1.

Et puisque le football prend, l’amélioration du jeu amène l’amélioration des résultats. L’inverse relèverait du petit bonheur la chance. C’est aussi ce qui permet d’identifier cette série comme le fruit d’un véritable travail plus que d’une parenthèse enchantée.

Tridents de la mer

Ces intentions de jeu plus proactives et plaisantes ont su stimuler des individualités jadis perdues. Combiner, jouer entre les lignes, utiliser les intervalles, c’est plus intéressant pour tout le monde, y compris les joueurs. Ça tombe bien, l’effectif de l’OL est l’un, si ce n’est le plus permissif et technique de Ligue 1. Or, ne pas centrer équivaut à se remettre à compter sur son point fort, le milieu, tout en atténuant son point faible, les ailes. Et quel milieu… Dire que Lyon possède le meilleur entrejeu de Ligue 1 n’est pas une affirmation abusive. Jean Lucas, Maxence Caqueret, Bruno Guimarães, Thiago Mendes, Houssem Aouar et surtout Lucas Paquetá forment des combinaisons de milieux à trois enviées jusque dans la capitale.

Il faut dire que l’ancien de l’AC Milan a propulsé ce milieu dans une nouvelle dimension. Formé à Flamengo et acquis en fin de mercato, presque indésirable, au club italien pour 20 millions d’euros, il a su dynamiser la productivité lyonnaise par un kit technique et tactique surdéveloppé qui facilite la domination et la création dans le dernier tiers. Si l’on retient de lui son toucher mielleux et sa redoutable protection de balle, sa participation à la relance et son agressivité à la récupération sont aussi exceptionnelles. Sans doute notre « Gone d’Or » de cette mi-saison, à la fois cause et symptôme de la bonne santé de l’axe lyonnais.

L’autre trio notable ressuscité par ce plan de jeu est évidemment le trident d’attaque susmentionné. Toko-Ekambi, Memphis et Kadewere cumulent 24 buts et 11 passes décisives à eux trois. Des statistiques qui les placent aux côtés des Lewandowski, Müller, Gnabry ou encore des Salah, Mané, Firmino. Outre le retour en forme de l’international camerounais après un début de saison toussotant, c’est l’incorporation de l’ancien Havrais dans le onze qui est à souligner.

Tino Kadewere est la dernière bonne pioche de Florian Maurice, comme un jubilé avant de partir à Rennes. Pourtant, l’approbation des supporters n’était pas chose acquise. Les critiques de ce transfert craignaient au mieux un pivot intéressant mais un peu léger pour le haut du tableau, au pire un neuf plutôt pataud au bilan gonflé par les penalties. Finalement, son adaptation, bien que perturbée par la perte de son frère Prince, fut remarquable. L’international zimbabwéen présente un sans-faute et un profil très complet : finition, science du déplacement, vista, volontaire en corvées défensives, le tout chapeauté par une certaine aisance technique redoutablement alliée à un style direct... Il s’est avéré plus utile que certains auraient pu imaginer en phase de possession et s’est très vite imposé comme une pièce incontournable du onze.

Insérer titre

Comptablement, footballistiquement, l’OL joue-t-il le titre ? Vu la course à trois ou quatre équipes qui se profile et le mauvais début de saison parisien, on ose de plus en plus se poser la question. Des incertitudes subsistent hors du champ d’action de l’OL. Le LOSC, entre un bien bel effectif taillé pour plusieurs tableaux et des turbulences économiques, tiendra-t-il la distance ? Quel impact, réel, psychologique, physique, tactique, auront sur le PSG le licenciement de Thomas Tuchel et la nomination de Mauricio Pochettino ? L’insolente réussite de l’OM défiant tout modèle d’expected goals est-elle vraiment à enterrer après un mois de décembre plus difficile ? Si aucun des prétendants ne tire pour l’instant son épingle du jeu, il y a des raisons franches d’y croire pour l’OL. Symboliquement, c’est la première fois que les Lyonnais fêtent Noël en tête du championnat depuis 2008. Mentalement et physiquement, l’avantage de ne pas jouer de Coupe d’Europe est indéniable – et c’est bien son seul intérêt.

Mais surtout, la série en cours de quatorze matchs sans défaite, comprenant une victoire au Parc des Princes, ne signifie pas pour autant que le groupe de Rudi Garcia n’a pas de marge de progression, bien au contraire. En effet, la production du terrain reste supérieure à sa transcription en statistiques.  Grâce à la statistique des expected goals, pertinente sur une accumulation de matchs, l’Olympique lyonnais marque, même dans sa bonne période, toujours moins que ce qu’il « devrait », avec une sous-performance en buts de six à huit unités selon les différentes sources. Or, les équipes en route vers le titre marquent généralement plus que leur moyenne car elles sont justement meilleures que la moyenne. Le 3-0 contre Nantes, encore frais dans nos mémoires, en est un exemple probant. Nos Gones peuvent sortir contents d’un bon résultat qui soigne la différence de buts, mais sont en fait presque frustrés d’avoir vendangé autant d’attaques. L’OL n’a donc peut-être pas terminé de monter en puissance.

Juni a l’idée

Si les grosses améliorations du jeu lyonnais sont à attribuer à Rudi Garcia, la construction de l’effectif par Juninho mérite aussi son lot de louanges. Le milieu, pièce maîtresse de l’animation, est quasi exclusivement de sa création, entre joueurs du cru et cibles de son recrutement. Ses jeunes protégés (Melvin Bard, Sinaly Diomandé, Malo Gusto, Florent Da Silva) ont connu leur promotion interne, bien que le premier cité ait subitement disparu après l’étrange concurrence de Mattia De Sciglio à gauche. Enfin, le meilleur Lyonnais de la mi-saison est une de ses pistes de longue date, puisque Juninho recommandait déjà Paquetá à l’OL avant son transfert au Milan. Quelle que soit la relation humaine entre les deux hommes, le résultat des travaux de Juninho et Garcia est probant sur le terrain.

De quoi entrevoir de belles perspectives d’avenir. Car se rapprocher de la course au titre, c’est bien. C’est même ce qu’un club comme l’OL doit faire. Mais au-delà des considérations relatives à l’éventuelle tenue, place des Terreaux, d’une légère et humble manifestation au 23 mai 2021, cette saison reste alléchante pour le long terme. Tous ces petits joyeux hauts faits constituent un bel espoir pour l’avenir. Ils sont la preuve qu’en dépit des vents et marées internes et médiatiques, quand on lui donne le temps et le pouvoir de décider, Juninho décide bien. Après si peu de temps dans ce costume, Juninho peut déjà se targuer d’avoir un bel impact sur son club. Comme quoi, l’honnêteté et la connaissance du football peuvent aider ! Ainsi, on ne peut qu’avoir hâte de le voir traiter le prochain tournant de son mandat : l’après-Garcia et la signature, on l’espère, d’un entraîneur de rang européen.

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par MatthiasT, membre du Café du Commerce OL.