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Nos jeunes ont (malheureusement) reçu le message

Le 02.07.2020 par MatthiasT

Ce fut officialisé en milieu de semaine : Amine Gouiri, fleuron de la génération 2000 lyonnaise et française, présumé futur Benzema selon Jean-Michel Aulas lui-même, a quitté l’Olympique Lyonnais par la petite porte avant même d’y avoir pu laisser son empreinte. Énième signal négatif et déplorable envoyé à la formation lyonnaise.

Wake me up before you go, gone

Quelques semaines auparavant, c’était au tour de Pierre Kalulu de déserter et, ces dernières années, Jordi Gaspar et Myziane Maolida s’ajoutent à la liste des jeunes formés au club ayant jugé l’herbe plus verte ailleurs qu’à Lyon. De quoi, au passage, enflammer les discussions des supporters notamment sur les réseaux sociaux. Pourtant, débattre de chaque cas individuellement est assez ennuyant et reste vide de sens car tous les arguments ne seront jamais que de la science-fiction. Pour reprendre le cas actuel, qu'Amine Gouiri fasse un tabac ou chou blanc à Nice n’est pas une indication permettant de savoir s’il aurait échoué ou brillé à Lyon.

En effet, tellement de facteurs sont déterminants pour qu’un joueur franchisse le col du passage en professionnel – et le gap est colossal, en témoigne la part très limitée des effectifs en Coupes du monde de jeunes qui réussit chez les adultes, alors qu’il s’agit déjà la crème de la crème – que le moindre caillou dans la chaussure peut sonner le glas d’une carrière promise. Imaginez alors l’impact d’un départ de son club et de son environnement de toujours. Ainsi, on ne saura jamais si tel ou tel joueur aurait atteint le niveau escompté pour l’OL selon qu’il soit parti ou non. 

À fond la formation

Ce qui est intéressant et ce qui peut être débattu, en revanche, c’est la tendance à l’échelle globale de l’utilisation des jeunes formés au club par l’OL. Et il y a à dire. Ici, deux écoles confrontent leur point de vue.

Il y a tout d'abord celle pour qui le recrutement complète la formation. Celle qui veut absolument capitaliser sur ce que le club sait faire de mieux, tant qu’elle génère des bons joueurs disponibles sans indemnités de transfert, idéal à l’idée de plus-value cherchée par la politique du trading de joueurs. Ces joueurs présentent en outre l’avantage d’être attachés et intégrés à l’institution OL. Monitorés depuis leur plus jeune âge dans les infrastructures du club, ils diminuent également le risque de vices cachés.

Et il y a l’autre école, pour qui la formation complète un recrutement de haut standing. Celle qui se veut d’une extrême exigence et qui n’incorpore à l’équipe première que les jeunes exceptionnellement talentueux. Pas de place pour les tests, pas d’équipe majoritairement lyonnaise comme cela a pu être le cas sous Rémi Garde ou Hubert Fournier. Car moins de jeunes formés au club dans l’équipe, c’est signe que l’effectif est de bonne facture. D’ailleurs, c’est de cette manière que fonctionnent toutes les équipes qui gagnaient et gagnent des titres – dont l’Olympique Lyonnais des années 2000 – à la seule exception près du Barça du début de la dernière décennie.

L’OL, qui se revendique comme l'un des meilleurs clubs formateurs d'Europe, semble se chercher entre ces deux extrêmes depuis que le club a retrouvé une marge de manœuvre financière. Mais les contours de cette nouvelle politique sont flous. Surtout, l’OL se rend coupable de trop nombreux signaux négatifs à destination de ses jeunes.

Décines-moi une histoire

Non, la perte d’Amine Gouiri n’est pas un drame pour l’OL. Le problème, c’est qu’elle est à la fois symptôme et cause d’un mal-être grandissant entre jeunes et équipe première. Mal-être engendré par une série de mauvais signaux qu’envoie régulièrement le club à ce qu’il considère pourtant comme son fleuron. Ce message ne cesse de se dégrader depuis la nomination de Bruno Genesio – s’il est évidemment loin d’être le seul responsable, c’est là notre point temporel – et il semble aujourd’hui que les principaux intéressés l’aient malheureusement reçu.

D’abord, un simple constat : bien que venant de l’académie, Bruno Genesio n’a lui-même pas lancé beaucoup de jeunes. À vrai dire, ils se comptent sur les doigts d’une main amputée de trois doigts : Mouctar Diakhaby et Houssem Aouar. Ce dernier a même dû attendre un an de pression populaire et des doutes au point d’hésiter à partir avant d’avoir sa chance. Le tout saupoudré de déclarations régulières sur l’inexpérience de ces jeunes, tantôt devenant une excuse pour les contre-performances, tantôt devenant une justification à leurs non-convocations.

En parallèle, le développement d’une politique de trading de joueurs poussée jusqu’aux recrutements de joueurs en post-formation a fait du mal aux jeunes Lyonnais du centre. Ils ont été et sont bouchés par des gamins en post-formation qui n’ont en outre apporté pour le moment que très peu de satisfactions.

Enfin, la nomination d’un entraîneur « pompier » contraint de vivre dans le court-termisme achève de dresser ce gigantesque panneau lumineux aux lettres néon « FUIS » dans la tête des jeunes joueurs de l’OL. Dans l’optique de sauver sa tête match après match, Rudi Garcia n’a en effet ni l’intérêt ni l’envie d’inscrire les jeunes dans un projet à long terme. Une frilosité qui s’étend jusqu’à former un double-pivot avec Jason Denayer et Lucas Tousart à Saint-Pétersbourg, à un Maxwel Cornet latéral gauche ou plus généralement à des titularisations et entrées de jeunes incohérentes faisant plus penser à une contrainte ou à un coup de communication qu’à un réel projet.

Excédent brut de sous-exploitation

Ce terreau non fertile conduit, génération après génération, à un sentiment de grand gâchis. Et il s’exprime par le biais de certains supporters en ce moment même avec le départ de Gouiri. Rien que cette saison, Maxence Caqueret, Amine Gouiri, Melvin Bard et Rayan Cherki étaient candidats à des essais au sein de l’équipe première. Dans les faits, ils ont bénéficié d’un temps de jeu aussi famélique qu’incohérent. Surtout, contrairement à ce que préconise l’école envisageant la formation comme complément, ce n’est pas comme si ces jeunes passaient derrière des cadors. Thiago Mendes et Lucas Tousart ont eu leurs périodes creuses, Moussa Dembélé finissait les matchs sur les rotules, Youssouf Koné a subi une blessure pendant que Marçal marquait contre son camp et les ailiers titulaires n’ont pas été à la hauteur. Impossible de parler de concurrence saine.

En élargissant l'échelle, les chiffres confirment ces mauvais signaux de manière encore plus alarmante. Comme l'a fait remarquer le compte Twitter Statsdufoot, seuls deux jeunes formés au club ont bénéficié d'un temps de jeu supérieur à 900 minutes, soit une dizaine de matchs, depuis mai 2014 et le départ de Rémi Garde !

Là se situe donc le cœur du problème. En ne donnant pas véritablement leur chance aux jeunes, l’OL perd la plus-value sportive et économique potentielle que générerait une bonne surprise telle que Tolisso lors de ses débuts, il envoie un mauvais message et se ferme petit à petit la porte pour les futurs cracks du centre de formation. Mais en plus, le club n’y gagne pas au change, puisque les joueurs alignés à leur place valent une insipide septième place de Ligue 1.

À l’aube d’un nouveau cycle en 2021 avec le renouvellement du staff et d’une partie de l’effectif et l’avènement, enfin, des idées de jeu de Juninho, ne vaudrait-il pas mieux pouvoir s’appuyer sur une colonne vertébrale de jeunes volontaires et attachés au club ?

À propos de l'auteur

Cet article a été rédigé par MatthiasT, membre du Café du Commerce OL.