Rudi Garcia ou la défausse permanente
Le 28.05.2021 par WadirRudi Garcia n’a pas été renouvelé en tant qu’entraîneur de l’OL, suite à ses échecs. Au lieu de partir dans la dignité, l’ex-entraîneur a préféré s’attaquer au directeur sportif, Juninho.
C'était écrit
Il faut savoir partir, avec le consentement ou dans la soumission, d’un club avec dignité pour un entraîneur de football. La majorité des entraîneurs connait des périodes difficiles et part avec amertume lorsqu’ils ne sont pas renouvelés, ou pire, virés. L'extrême majorité sait le faire, mais pas Rudi Garcia qui n’a pourtant fait « que » l’objet d’un non-renouvellement contractuel, après avoir raté par deux fois les objectifs fixés par son employeur.
L’enfin ancien entraîneur, moins de quarante-huit heures après une défaite honteuse face à l’OGC Nice (2 - 3), s'est épanché dans une interview méprisante titrée « Juninho a fait des choses dans mon dos », à l'endroit d'une institution encore convalescente et de ce qui est encore, contractuellement, son employeur. Cela doit être légèrement supérieur à la durée d'attente des hyènes lorsqu'elles décident de dévorer une charogne. Cette défaite privant le club d’une place en Ligue des champions de l'UEFA, au terme de cette saison 2020-2021, est un nouveau raté dans l’objectif fixé à l'entraîneur nemouriens comme d'ordinaire depuis six ans avec tous les clubs qu'il a entraîné, en débutant par l'AS Roma en 2013.
Ainsi, en ne changeant pas une habitude détestable, et à l’accoutumée lors de son départ du club, Rudi Garcia a préféré allumer un contre-feu dans une entrevue insupportable donnée au quotidien L'Equipe, le 25 mai 2021. Le désormais ostracisé de Lyon s'attaque au directeur sportif, et fait comprendre que la cause du raté des « dix finales » doit être recherché dans le comportement de l'ex-joueur. Notons toutefois que cette sortie médiatique a fait, chez les supporters, une quasi-unanimité contre lui. Celle-ci fut suivie dans la foulée d'une émission pour la radio RMC, reprenant – exactement – les mêmes éléments de langage. On sait dorénavant ce que l'entraîneur écrivait pendant les matchs sur ses calepins, alors que l'équipe ratait, selon l'adversaire, la première ou la seconde période. Quant à l'interview écrite, elle était préparée et est la réponse, haineuse, d’un homme déçu. Elle est une attaque en règle contre le directeur sportif du club, paradoxale pour un homme qui déclare dans cette même entrevue vouloir « le meilleur » pour l’OL et son DS. Si certaines critiques sont audibles et doivent faire l'objet d'analyses et de réponses internes, du reste déjà entamées par le site Café du Commerce, la forme est ici inacceptable : elle mérite un licenciement pour faute.
Les Romains croyaient aux présages et faisaient venir des oracles avant toutes les décisions capitales : c’est ainsi que des batailles, des choix cruciaux dans l’histoire et des investissements importants furent engagés. En appelant Jacques-Henri Eyraud, « pour confirmation », avant de recruter Rudi Garcia, le président de l’Olympique lyonnais aurait dû se rendre compte qu’il ne consultait pas l’Oracle de Delphes, mais un marabout de piètre qualité, quand bien même celui-ci avait supervisé l’Attila des entraîneurs, sans les conquêtes et derrière qui les clubs souffrent à renaître. En effet, Jacques-Henri Eyraud, président déchu de l’Olympique de Marseille, avait selon la presse d’alors « conseillé » à Aulas de le prendre, on se demande si celui-ci ne préparait pas, à dessein, un cadeau empoisonné eu égard à son départ du club phocéen. Les supporters, eux, ne s’y étaient pas trompés. L’absence de sourire de Juninho lors de la signature de Rudi Garcia était un autre présage. Selon les mots du président, le nouveau réprouvé de l’OL aurait usé de la technique dite de « la terre brûlée », pour continuer de filer la métaphore du chef des Huns. Cette expression est juste, même si celui qui la prononce a ses torts, sur lesquels il faudra revenir. Quant à l’ex-entraineur, celui-ci essaie simplement de redorer son blason au détriment du club. Peut-être ne se rend-il pas compte, dans sa frénésie et pris par son hubris, encore une caractéristique que les anciens antiques décortiquaient dans leurs pièces de théâtres, qu’il s’offre la pire des publicités.
La politique de la terre brûlée
Dans son tweet, sans fioritures, Jean-Michel Aulas a rappelé que Rudi Garcia avait un des meilleurs effectifs du championnat avec, dans la quasi-totalité de cette saison, un seul match par semaine : une non-habitude pour le club de la capitale des Gaules. Rudi Garcia rétorque, à demi-mot, que la saison n’est pas ratée, que c’est un total de points honorable, cette explication n’est pas acceptable. Malgré l’effectif pléthorique, les joueurs de qualité, jamais l’OL n’aura su enchainer ces derniers mois plusieurs matchs complets de suite : c’est une faillite pour un entraîneur. Jamais les supporters n’ont pu profiter d’une période apaisée, même lorsque le club était à la tête du championnat. En dépit de séquences de jeu intéressantes, constituant un véritable progrès tactique en comparaison de la période Génésio, rarement l'OL n'a su maîtriser un match de A à Z.
Les critiques à l’endroit de Rudi Garcia ne sauraient se limiter au jeu. Elles doivent malheureusement connaître une extension à son attitude quotidienne. L’objet du présent article n’est en effet pas une analyse tactique, mais l'étude d’un comportement déplorable. Rappelons que l’entraîneur était arrivé, il est vrai, avec un certain mépris de la part des supporters. Ce mépris était naturellement animé dans le monde du football par son attitude alors qu’il était entraîneur de Marseille, club avec lequel il ne gagna jamais contre « l’armada tactique » de Bruno Genesio. Il réussit à repartir en faisant l’unanimité contre lui : c’est une prouesse à souligner.
Dans son interview, l’entraîneur réussit à remettre les fautes sur les autres, à l’image de certaines de ses conférences de presse, dont on ne comprend pas pourquoi, si ce n'est un excès d'orgueil mal placé, il insistait tant pour qu'elle soit regardée par Juninho : celles-ci étaient en effet insipides et inintéressantes. Le sublime apparaît lorsqu’il use d’une fausse humilité. C’est le fameux : « Je suis en partie responsable », accompagné de dizaines d’explications plus ou moins cohérentes, pour en réalité se dédouaner complétement, in fine. On déplorera aussi le fait que Rudi Garcia utilise, de manière posthume, la figure d'autorité qu'était Gérard Houiller afin de s'attaquer au directeur sportif. Il faut répéter ces propos autant que faire se peut : Rudi Garcia a fait jouer une belle équipe, un des meilleurs effectifs de Ligue 1, avec peu de ventes, Covid oblige, dans une saison où le PSG a eu 8 défaites : cet oubli sert l’argumentaire du futur ex-entraîneur, encore sous contrat jusqu’au 30 juin 2021 pour un salaire de 145.000 euros net par mois. Cette fin de saison se termine telle le désastre de Varus, qui signifiait la fin de la progression romaine en Germanie. La capitale des Gaules revient à Lugdunum, deux ans en arrière.
Contrevérités sur contrevérités
Rudi Garcia dit que les supporters opposés à sa présence étaient une « minorité bruyante ». Il se trompe à nouveau car si les supporters de l’OL ont, en effet, manifesté une neutralité-passivité à son égard pendant une période importante de sa gestion, ce silence était simplement fait dans l’intérêt du club, amplifié par la privation de stade. En somme, tout le contraire de l'attitude de l'entraîneur. Ce même entraîneur qui déclarait dans la presse, il y a quelques semaines, son envie de poursuivre l’aventure avec Lyon. Or, quelques temps après la défaite face à Nice, alors qu’il espérait encore prolonger dans les semaines précédentes, le voilà qui lave son linge sale en public, en affirmant que continuer avec Juninho était impossible. En réalité, sa sortie n'est qu'une opération de communication, ratée comme le démontre l'article que vous êtes en train de lire.
De plus, Rudi Garcia ment toujours, à l'image de ce qu'il n'a cessé de faire cette saison. Il affirme avoir été à la tête, grâce à sa gestion d'équipe, de la deuxième formation du championnat au regard du temps de jeu pour les jeunes. Cette formule, comme toutes les tournures de l’interview,est fausse. En effet, l’OL n’est pas la « deuxième équipe de France en terme de temps de jeu pour les jeunes », mais celle des joueurs formés au club. Lorsqu’on possède des joueurs comme Anthony Lopes, qui jouent régulièrement tous les matchs, cela n’est pas très compliqué. En réalité, en pourcentage de minutes jouées par des joueurs de moins de 21 ans cette saison en Ligue 1, l’OL se classe 14ème, pour un club basé sur la formation et le développement de ses jeunes, cela fait mal.
Finalement, pour la sixième fois de suite, alors que l'objectif selon les clubs qu’il dirigeait était la Ligue des champions, Rudi Garcia a échoué. Il est arrivé hors podium, alors qu'il n’avait déjà pas qualifié le club en Coupe d’Europe la saison dernière. On pourra rétorquer que la première saison fut tronquée (bien qu'il n'était qu'à 9 points de la 2ème place, occupée par Nantes, à son arrivée), mais pour cette saison complète, le club ne s’est pas qualifié pour la Ligue des champions, et ce deux saisons consécutives, une première depuis 20 ans pour un club habitué aux compétitions européennes. La direction n'est pas innocente de ce raté. La responsabilité de la direction est première : c’est elle qui recrute, c’est elle qui doit savoir ce qu’elle veut dans l’intérêt du club.
L’Olympique lyonnais doit sortir de sa zone de confort en recrutant un entraîneur compétent, compatible avec son directeur sportif, ce changement ne peut passer que par la décision des hommes forts de ce club : Jean-Michel Aulas, Vincent Ponsot et le Board derrière eux, avec Juninho. Le sportif doit être à l'image du développement structurel du club, une telle disparité est difficilement acceptable. Quant à Rudi Garcia, pour en finir, il devait savoir qu’on lave son linge sale en famille, même s’il est vrai qu'il n'a jamais vraiment fait partie de cette famille.
La réponse de Juninho
Invité dans l'émission d'OLTV (émission de fin de saison qui était prévue en dépit de l'interview), Juninho s'est défendu face aux attaques de Rudi Garcia. Alors que l'ex-entraîneur affirmait que Juninho marquait contre son camp, empiétait sur son travail et mettait en danger l'institution, le DS a globalement réfuté les accusations.
Le présentateur, Barth Ruzza, lui demandait si le Brésilien se sentait trahi par ces propos, sa réponse fut cinglante : « Non, je n'ai pas l'impression d'avoir été trahi. On est trahi que par ses vrais amis. Ce n'était pas quelqu'un que j'appréciais beaucoup comme personne ».
En quelques phrases, l'intégralité de l'interview n'étant pas consacrée à l'entraîneur mais à la prochaine saison, Juninho s'est attelé à évacuer rapidement ces attaques pour se concentrer sur l'avenir en précisant cependant que : « Le problème que j'ai eu avec Rudi, c'est qu'il y avait des différences de traitement. Il était fort avec les faibles, et faible avec les forts. », faisant référence aux différentes visions quant aux sanctions. Une critique récurrente.
Certains reprocheront à ce type d'entrevue d'aller dans certains détails qui pourraient fragiliser les engrenages internes du club, mais une telle réponse était nécessaire. Elle permet aussi de maintenir le lien de confiance entre les supporters et le club. On ne gouverne pas contre eux, ni sans eux.